Intervention de André Reichardt

Réunion du 12 juin 2019 à 15h00
Création d'un statut de l'élu communal — Discussion d'une proposition de loi

Photo de André ReichardtAndré Reichardt :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à mon tour, je voudrais rappeler que l’organisation territoriale française en un maillage communal est une particularité issue de la Révolution qui doit être sauvegardée du fait de ses nombreux bienfaits en termes de proximité avec les citoyens, de porosité aux problématiques qu’ils rencontrent et de lien social.

Cependant, il aura fallu attendre la loi du 3 février 1992 relative aux conditions d’exercice des mandats locaux pour que le statut d’élu local connaisse une première concrétisation. Cette loi a été complétée par celle du 27 février 2002 et par celle du 31 mars 2015, laquelle comprenait une charte de l’élu local qui affirmait un certain nombre de principes s’apparentant déjà aux conditions d’une bonne gouvernance. Or, dans un contexte marqué par un déclin du civisme et par la complexification de l’exercice des mandats locaux, ces derniers principes doivent absolument s’accompagner des outils et des moyens suffisants pour faciliter l’exercice de ces mêmes mandats.

Au regard du ras-le-bol de nombre d’élus, dont certains ont d’ores et déjà affiché leur volonté de ne pas se représenter en 2020, il est urgent d’instaurer un véritable statut de l’élu local qui permette aux citoyens qui le souhaitent de candidater aux prochaines élections municipales, avec la garantie de pouvoir articuler leur mandat électif avec une vie personnelle et professionnelle.

Toutefois, cher collègue Collombat, si certaines pistes de réflexion proposées par les auteurs de la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui sont intéressantes, voire même consensuelles, d’autres soulèvent des difficultés tant sur le plan juridique que financier.

Je ne vais pas trop me répéter : il en va ainsi de l’article 3, qui propose d’étendre l’obligation de formation aux communes de 1 000 habitants et de créer un fonds national pour la formation des élus locaux, lequel serait abondé par les sommes non dépensées des formations complémentaires des communes de moins de 3 500 habitants.

Dès lors, le financement des formations des petites communes serait transféré à un fonds national, faisant remonter les financements du niveau local au niveau national, pour ensuite redescendre au niveau local. Tout cela est un peu compliqué, pour ne pas dire cocasse.

Si, sur un plan théorique, ce type de dispositif pourrait fonctionner à périmètre financier constant – je pense que tel est le souhait des auteurs de ce texte –, il ne garantit pas la stabilité des moyens d’un tel fonds. Dans l’hypothèse où il serait déficitaire, que ferait-on alors pour les communes concernées ?

De même, l’article 2, qui propose d’étendre le congé électif, actuellement réservé aux candidats des conseils municipaux des communes d’au moins 1 000 habitants, aux communes de plus de 500 habitants, appelle à la prudence. En effet, l’extension des garanties prévues pourrait peser, à des degrés divers, sur les finances des entreprises et des administrations qui emploient ces personnes. L’absence d’un salarié peut également être un facteur de désorganisation pour une entreprise, et ce à plus forte raison encore pour une petite entreprise artisanale ou commerciale. Faute de ne pouvoir être mesuré, l’impact de cette mesure pourrait avoir un effet contre-productif.

À ces difficultés, s’ajoutent celles liées à la philosophie française de ce qu’est un élu local. La remise en cause du principe de gratuité des fonctions, telle que proposée à l’article 1er pourrait peut-être conduire à une certaine « professionnalisation » de la fonction élective. Or un mandat local, tout comme un mandat national, ne constitue pas une activité professionnelle, mais un engagement civique au service de la collectivité.

L’indemnité de fonction n’est donc pas une rémunération, mais une compensation devant permettre de couvrir les frais liés à l’exercice du mandat pour ne pas pénaliser ni, a fortiori, décourager les élus. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle j’ai déposé une proposition de loi visant à maintenir, au-delà du 1er janvier 2020, les indemnités de fonction des présidents et vice-présidents des syndicats intercommunaux dont le périmètre est supérieur à celui d’un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre et de certains syndicats mixtes.

Malheureusement, l’amendement qui reprenait cette disposition, comme l’a souligné M. Kerrouche, a été déclaré irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution. À mon tour, je le regrette vivement. Je ne désarme pas pour autant, et j’espère que ma proposition de loi viendra en discussion avant le 31 décembre, à moins, monsieur le ministre, que vous ne me brûliez la politesse – vous pouvez d’ailleurs le faire avec bonheur, au grand bénéfice des communes.

Principaux artisans du bien-être de nos concitoyens, indispensables relais entre les pouvoirs nationaux et les territoires, …

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