Intervention de Olivier Dussopt

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 11 juin 2019 à 19h15
Projet de loi adopté par l'assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée de transformation de la fonction publique — Audition de M. Olivier duSsopt secrétaire d'état auprès du ministre de l'action et des comptes publics

Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics :

Je suis à votre disposition, et il me semble normal de m'adapter au rythme parlementaire.

Le projet de loi de transformation de la fonction publique a été adopté par l'Assemblée nationale le 28 mai dernier, après quinze mois de concertation. Le comité interministériel de la transformation publique tenu le 1er février 2018 en a fixé le fil conducteur. L'objectif est de donner aux employeurs publics de nouveaux leviers de management pour que leurs administrations soient plus réactives et agiles dans leur adaptation aux enjeux de notre temps - et à la contrainte budgétaire. En même temps, nous voulons que les agents bénéficient de nouveaux droits : construire et mieux maîtriser leur carrière, être davantage protégés dans leur emploi et avoir droit à l'évolution professionnelle et à la formation.

Ce texte sera utile aux agents, qui témoignent parfois d'une forme d'assignation à résidence professionnelle et d'une absence de perspective dans leur deuxième ou troisième partie de carrière. Les élus et les cadres de la fonction publique veulent plus d'autonomie et de responsabilités. Le but est évidemment d'être utile aux usagers en améliorant le service rendu.

En quinze mois de concertation, nous avons examiné près de 300 amendements au sein des conseils supérieurs des trois versants de la fonction publique. Près de la moitié ont eu une suite favorable, au niveau législatif ou réglementaire. Nous avons donc satisfait certaines attentes des organisations syndicales qui ont joué le jeu. Nous avons aussi travaillé avec les employeurs territoriaux, en faisant le pari d'une co-construction du texte - ce qui explique les différences, dans certaines dispositions, entre la fonction publique territoriale et les autres. Ma coopération avec les associations d'élus a été excellente, et en particulier avec M. Philippe Laurent et la coordination des employeurs territoriaux. Le Conseil national d'évaluation des normes (CNEN) a rendu un avis favorable au texte, saluant les souplesses qu'il apporte aux employeurs territoriaux. L'Assemblée nationale a enrichi le projet de loi, et je suis convaincu que le Sénat fera de même.

Le projet de loi est articulé autour de cinq titres.

Le premier titre simplifie les conditions d'exercice du dialogue social, organisé actuellement autour de 22 000 instances, pour le recentrer et le rationaliser. La première piste est la fusion du comité technique et du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), sur le modèle de ce qui a été fait dans le secteur privé. La nouvelle instance reprendra toutes les compétences des deux anciennes, notamment en matière de ressources humaines et de définition des critères d'accès à la promotion et à la mobilité - ce qui permettra de ne plus avoir à soumettre les dossiers individuels aux commissions administratives partiaires. En outre, une ordonnance définira les champs du dialogue social qui pourraient faire l'objet d'un accord majoritaire au niveau local, accord ne pouvant pas être moins favorable que l'accord national, s'il en existe un. L'objectif est un dialogue social concentré sur l'essentiel et assorti des voies de recours nécessaires.

Le deuxième titre du projet de loi concerne le recrutement : nous voulons faciliter les recrutements d'agents contractuels, tout en maintenant le statut de la loi du 13 juillet 1983, et notamment son article 3, qui pose le principe de l'occupation des emplois permanents par des agents titulaires. Nous élargissons les dérogations, comme cela a été fait à plusieurs reprises depuis 1983. Nous créons une possibilité de nommer des agents contractuels à des emplois de direction dans les trois versants de la fonction publique, afin de diversifier les viviers de recrutement. Nous proposons de créer un contrat de projet, pour une durée d'un à six ans, permettant à une administration de s'adjoindre une compétence spécifique pendant le temps nécessaire à la réalisation d'un projet, et non pour 42 ans et demi ! Nous l'avons assorti, notamment à l'Assemblée nationale, de modalités d'indemnisation et de délais de prévenance par les agents. Enfin, nous voulons que les établissements publics administratifs de l'État puissent recourir plus facilement à des emplois contractuels, pourvu qu'ils démontrent l'absence de candidats titulaires. Si l'article 6 « professionnalise » le recrutement des contractuels, nous améliorons aussi leurs conditions d'emploi, en luttant contre la précarité. Nous introduisons ainsi, à la demande de la majorité à l'Assemblée nationale, une prime de précarité pour les contrats de moins d'un an - en excluant les contrats saisonniers. L'objectif est une application en 2021, ce qui laissera le temps aux employeurs publics de s'adapter.

Troisième axe : le projet de loi comporte des mesures d'équité et de transparence. Le contrôle de déontologie sera recentré sur les métiers à risque, et nous créons un contrôle au retour, pour les personnes nommées sur des emplois de direction. Les députés ont souhaité fusionner la commission de déontologie de la fonction publique et la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP). Le Gouvernement avait proposé la création d'une formation spécialisée au sein de la HATVP, mais n'a pas été suivi.

Nous avons souhaité un nouvel équilibre en matière d'exemplarité, s'agissant des rémunérations de la haute fonction publique : transparence des dix plus hautes rémunérations au sein de chaque administration, collectivité et établissement de santé et encadrement des rémunérations des présidents des autorités administratives indépendantes, avec des règles d'écrêtement en cas de cumul avec une pension de retraite.

Sur le plan de l'équité, le projet de loi supprime les dispositions de la loi du 19 janvier 2000 qui autorisent le maintien de protocoles d'accord sur un temps de travail annuel inférieur à 1 607 heures, dès lors qu'ils ont été signés avant 2001. Nous demandons aux collectivités territoriales concernées de revenir aux 1 607 heures dans un délai d'un an à compter du renouvellement de leur assemblée délibérante - car ce sont des dossiers de début de mandat ! De même, dans les deux autres versants, hors sujétions particulières, enseignement et recherche, le temps de travail sera fixé à 1 607 heures par an. Nous modifions le fonctionnement du Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) pour en accroître la transparence, nous mutualisons au niveau régional les services des centres de gestion, et nous créons une prise en charge financière partielle, par le CNFPT, de l'apprentissage dans les collectivités territoriales.

Le quatrième axe du projet de loi consiste à décloisonner les carrières en permettant une plus grande mobilité. Nous neutralisons le taux de cotisation employeur en matière de retraite. Aujourd'hui, s'il veut accueillir un agent de l'État en détachement, l'employeur territorial voit ce taux passer de 32 % à 76 %, ce qui est dissuasif !

Nous donnons aux agents publics l'accès à la rupture conventionnelle, avec un processus d'homologation, ce qui est la garantie que l'accord soit bien partagé entre l'agent et l'employeur, l'accès à une indemnité et une allocation chômage.

Nous prévoyons aussi un meilleur accompagnement des restructurations des services de l'État. Nous voulons garantir à un agent de l'État un reclassement dans son territoire d'habitation, ce qui peut nécessiter des reconversions et des congés de formation professionnelle. C'est une forme de priorité d'affectation locale.

Le cinquième axe du projet de loi concerne la recherche d'égalité entre les agents. Il s'agit de l'égalité entre les hommes et les femmes, pour la rémunération comme pour l'avancement, avec la transposition de l'accord du 30 novembre 2018, signé par l'ensemble des employeurs publics et sept des neuf organisations syndicales. Il s'agit également du handicap, pour permettre la mise en oeuvre de procédures dérogatoires en matière de promotion : la référence au handicap physique sera supprimée afin que d'autres types de handicap puissent être pris en compte.

Enfin, le Gouvernement demande une habilitation à légiférer par ordonnances sur plusieurs sujets : la formation, la prévention des risques psychosociaux et de médecine professionnelle, la protection sociale complémentaire et la déconcentration du dialogue social. Un cinquième champ d'habilitation a été ajouté à la demande des députés, afin d'assurer la meilleure codification des textes encadrant la fonction publique ; c'est effectivement un enjeu de lisibilité et de coordination des textes.

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