Intervention de Olivier Gupta

Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques — Réunion du 16 mai 2019 à 10h15
Présentation ouverte à la presse du rapport annuel pour l'année 2018 de l'autorité de sûreté nucléaire asn sur l'état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en france par m. bernard doroszczuk président de l'asn

Olivier Gupta, directeur général de l'ASN :

Les décisions de l'ASN ont un impact majeur auprès d'acteurs qui ont des points de vue différents sur le nucléaire. Parfois, comme vous avez pu le constater, ces acteurs donnent leur propre interprétation des décisions de l'ASN. Or, il ne doit pas y avoir de doute sur le processus qui fonde nos décisions. Permettez-moi de vous le présenter, à partir du cas concret des soudures du circuit secondaire de l'EPR de Flamanville 3.

Ces soudures n'ont pas été réalisées avec le niveau de qualité attendu. Un dossier d'EDF soutient que certaines soudures peuvent être laissées en l'état, malgré leurs défauts. Comment instruisons-nous un tel dossier ? Avant tout, par un examen approfondi des faits techniques, ce qui implique d'abord de lever toute ambiguïté sur les faits eux-mêmes. Aussi, sommes-nous allés plusieurs fois en inspection sur le chantier, pour voir les soudures, interroger les intervenants, et comprendre l'origine des défauts.

Ensuite, il convient de contre-expertiser les arguments d'EDF. Concrètement, cette contre-expertise consiste en plusieurs séries d'échanges de questions et de réponses entre une équipe de cinq ingénieurs de l'ASN et ceux d'EDF. Ces échanges ont permis à nos équipes d'élaborer leur propre avis argumenté sur le niveau de qualité des soudures, sur les justifications apportées par EDF pour les laisser en l'état, ainsi que sur le déroulement d'une éventuelle réparation. Ce processus a été consigné dans un rapport rendu public. Par ailleurs, l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) a rédigé, à notre demande, un avis, lui aussi public, sur certains points spécifiques du dossier.

Ce dialogue technique approfondi a permis une première confrontation des points de vue. Dans les cas complexes et à forts enjeux, comme celui évoqué à l'instant, les résultats de cette première expertise ou analyse sont présentés devant un groupe permanent d'experts placés auprès de l'ASN. Je tiens à souligner que ces experts lui sont extérieurs. Ce groupe comprend des experts issus du monde de l'industrie, de la sûreté nucléaire, de certains de nos homologues étrangers, ainsi que d'organisations non gouvernementales. La réunion du groupe permanent sur le sujet des soudures de l'EPR s'est tenue le 9 avril 2019. Elle a permis une deuxième confrontation de points de vue, permettant une prise de recul supplémentaire, et, en quelque sorte, un regard externe.

La dernière étape de l'instruction est en cours. Elle consiste à vérifier, avant la décision finale, que rien n'a été laissé de côté. D'abord, il faut s'assurer, sur le plan technique, que l'instruction est allée au bout des différentes pistes, autrement dit qu'aucune porte n'a été fermée à mauvais escient. Surtout, pour clore l'instruction, il faut que les services de l'ASN rassemblent tous les éléments pour que le collège puisse prendre une position éclairée. De plus, nous devons non seulement tenir compte des analyses techniques, mais aussi d'éléments d'ordre juridique, ainsi que du retour d'expérience en France et à l'étranger. Dans ce cas d'espèce, nous avons eu des échanges très approfondis avec nos homologues finlandais.

Examen approfondi des faits, confrontation technique à deux niveaux, vérification finale, et transparence des rapports d'experts : tels sont, pour l'essentiel, les principes mis en oeuvre pour assurer le fondement technique et l'objectivité de nos décisions.

Un autre sujet sur lequel nous sommes attendus, a fortiori dans cette période où les moyens publics sont contraints, tient à la manière dont nous exerçons le contrôle au quotidien. Dans ce domaine, nous devons adapter le contrôle afin qu'il soit le plus efficace possible. Aujourd'hui, comme l'illustre l'exemple des soudures de l'EPR, nous constatons que les difficultés ne portent pas sur la conception, mais sur la réalisation des travaux sur le terrain. Face à cela, comment renforcer l'efficacité de notre contrôle de terrain ?

D'abord, nous améliorons le ciblage. À volume d'inspections à peu près constant, à hauteur d'environ 1 800 par an, nous les recentrons sur les activités qui présentent les enjeux les plus forts. Par exemple, dans le domaine du nucléaire médical, nous avons, en quelques années, divisé par deux le nombre d'inspections sur les scanners, et nous l'avons au contraire augmenté sur les interventions chirurgicales sous rayonnements ionisants, qui exposent à la fois les patients et les praticiens. Ensuite, nous renforçons notre présence sur le terrain. Par exemple, lors des arrêts annuels de réacteurs nucléaires, nous remplaçons certains examens de documents par des contrôles de terrain. Enfin, nous adaptons nos méthodes d'inspection, en particulier aux éventuelles situations de fraude. À ce titre, en 2018, nous avons commencé à vérifier la véracité des informations relatives aux qualifications des intervenants.

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