J'évoquerai l'aide au développement qui constitue un autre volet important de notre relation. Depuis son implantation dans le pays en 2009, l'Agence française de développement (AFD) a consenti 2 milliards d'euros de prêts à la Colombie, soit en moyenne 200 millions d'euros chaque année. Si la majorité est constituée de prêts souverains consentis à l'État colombien, une partie est constituée de prêts non souverains à des collectivités territoriales - comme celui qui a permis le financement du tramway et de deux métrocâbles à Medellin - ou d'institutions financières spécialisées dans le développement local comme Findeter. Ces prêts s'articulent avec des subventions d'autres partenaires tels que l'UE, qui permettent le financement, en complément, d'actions d'accompagnement et d'assistance technique fournies par l'AFD. Une expertise qui intéresse particulièrement nos partenaires colombiens. Depuis 2009, les prêts consentis ont porté sur des projets liés pour 35 % à la mobilité urbaine et aux infrastructures, pour 33 % à la lutte contre le changement climatique, pour 18 % à la protection sociale et pour 14 % à l'accompagnement de l'accord de paix. En ce qui concerne le post-conflit, les actions financées vont de l'appui au développement rural dans les 170 zones les plus affectées par le conflit à des actions de moindre envergure comme la conduite de deux projets pilotes visant à définir une méthodologie pour la mise en place d'un cadastre. Malgré ses réussites en Colombie, l'AFD s'y trouve confrontée actuellement à deux difficultés : d'une part, la limitation de ses conditions d'engagement en matière de prêts souverains, liée à l'application de ratios prudentiels, d'autre part, la concurrence d'autres bailleurs internationaux, en capacité d'offrir des conditions financières plus avantageuses. Pour l'heure, l'agence est en train de redéfinir son « cadre d'intervention pays », qui doit définir ses grandes priorités pour la Colombie sur la période 2019-2024 et qu'elle souhaite articuler étroitement avec les orientations stratégiques du gouvernement.
Je souhaiterai aborder maintenant le volet des échanges culturels et humains. La politique d'influence française en Colombie repose sur un dispositif dense, bien réparti sur l'ensemble du territoire. Celui-ci comprend un institut français, douze alliances françaises, quatre lycées français,- à Bogota, Cali, Peirera et Medellin-, qui accueillent tous une très grande majorité d'élèves colombiens, ainsi qu'un réseau scientifique. Il faut également signaler l'existence, depuis septembre 2017, de la nouvelle chaîne d'information France 24 en espagnol, qui s'adresse à l'ensemble des téléspectateurs latino-américains et offre un regard français sur l'actualité latino-américaine et internationale. Sa rédaction, que vos rapporteurs ont visitée lors de leur déplacement, s'est installée à Bogota, un choix qui distingue France 24 en espagnol des autres médias internationaux qui émettent depuis leur pays d'origine. Il en découle une plus grande proximité avec le public et une ligne éditoriale adaptée au contexte régional. Selon ses responsables, cette nouvelle chaîne répond à une « demande de France » dans la région et garantit à notre pays une visibilité dans le champ audiovisuel, notamment à côté d'autres pays étrangers, comme la Chine et la Russie, se montrant particulièrement actifs dans ce domaine. Notre politique d'influence passe aussi par des échanges culturels et humains variés, qui ont bénéficié de l'élan insufflé par l'année croisée France-Colombie en 2017. Cet événement a consisté en un renforcement mutuel de l'action culturelle dans les deux pays, avec l'objectif de densifier les liens entre les deux pays et de modifier positivement leurs perceptions réciproques. Ainsi, la France s'est attachée à moderniser son image en Colombie, en ciblant un public plus jeune, alors qu'en France, l'accent a été mis sur une Colombie apaisée, engagée dans le processus de paix. Cette opération d'envergure a été l'occasion d'appuyer le développement de la coopération universitaire, avec la création d'un salon « Destino Francia » destiné à favoriser la venue d'étudiants colombiens en France. Rappelons, à cet égard, que la France est, avec 4 000 étudiants colombiens, leur troisième pays de destination, après les États-Unis et l'Espagne.
Dans le domaine des échanges culturels et humains, nous relevons deux enjeux : le développement des projets culturels dans le champ du numérique et le développement de la coopération universitaire et scientifique. Mettre l'accent sur le numérique est une condition pour toucher de nouveaux publics : les jeunes, mais aussi les populations vivant sur des territoires périphériques. Cet axe rejoint l'une des priorités du président Duque, qui souhaite promouvoir les industries culturelles et créatives, dans le champ des nouvelles technologies, ce qu'il qualifie « d'économie orange ». Quant à la coopération universitaire et scientifique, il s'agit d'intéresser davantage à la Colombie les partenaires scientifiques français d'abord axés sur d'autres pays d'Amérique latine comme le Brésil, l'Argentine ou encore le Chili.
Par ailleurs, nous considérons qu'il y a urgence à restaurer l'enseignement de la langue française en Colombie. Traditionnellement, le français y occupait une place de choix parmi les langues étrangères enseignées, comme dans l'ensemble de l'Amérique latine. Les études de médecine, par exemple, étaient dispensées exclusivement en français. Pourtant, l'enseignement du français a enregistré un fort recul ces trente dernières années, du fait de la priorité donnée à l'anglais. De fait, il est devenu facultatif et n'a plus été proposé dans les établissements publics à compter de 1994. Dans le même temps, on assiste à une offensive de la Chine qui, par exemple, a financé la création d'un centre de langues au sein de l'organisme national de formation des apprentis. Il faut donc s'atteler de toute urgence à la remontée en puissance de l'apprentissage du français en Colombie. C'est ce que s'efforce de faire notre ambassade, dont l'équipe est remarquable, par un travail de sensibilisation des autorités concernant les établissements scolaires publics. Elle s'appuie aussi sur le réseau des alliances françaises, qui, au-delà des cours de langue dispensés, apporte un soutien technique à de nombreux établissements privés proposant l'enseignement du français.
Un mot pour finir, sur nos coopérations dans le domaine de la sécurité et de la défense. Nous entretenons avec la police colombienne et la douane colombienne une coopération dynamique, orientée vers la lutte contre le crime organisé et le narcotrafic. Rappelons que la police colombienne, qui relève du ministère de la défense, a été créée en 1891 par un commissaire français et dispose de structures semblables à la nôtre. Elle est intéressée par notre savoir-faire et apprécie particulièrement les actions de formations proposées dans le cadre de notre coopération sur des questions aussi diverses que le maintien de l'ordre ou la sécurité routière. S'agissant de la lutte contre le narcotrafic, nous mettons l'accent sur les formations à dominante police judiciaire, afin d'encourager les actions visant au démantèlement de filières, alors que, sous l'influence américaine, la Colombie tend à privilégier les saisies sèches de cocaïne - 435 tonnes saisies sur les 1 300 tonnes produites, ce qui demeure considérable - et l'éradication à la source, via la destruction de plants de coca ; cette dernière pratique posant les problèmes que notre collègue Ladislas Poniatowski avait soulevé lors de notre précédente réunion de commission.
Concernant notre coopération militaire, la Colombie est en demande d'une coopération renforcée, notamment sur les problématiques de criminalité transnationale. Côté français, nous serions intéressés par l'expertise opérationnelle des forces colombiennes - lutte contre les guérillas ou encore déminage -dans le cadre d'opérations de maintien de la paix, d'autant que la Colombie a obtenu en 2017 le statut d'État partenaire de l'OTAN. Des perspectives existent aussi pour développer davantage la coopération en matière de lutte contre le narcotrafic en mer, mais le blocage depuis plusieurs mois de l'opération Tucan Royale entre nos forces armées aux Antilles et la marine colombienne, pour des raisons liées à l'interprétation du cadre juridique applicable aux personnes interceptées, s'oppose à toute avancée dans ce sens. La Justice française est à l'origine de ce blocage et notre Ambassade attend un message clair de l'exécutif qui n'arrive pas.
La Colombie a par ailleurs d'importants besoins en termes de renouvellement de ses équipements, ce qui peut présenter un intérêt pour notre industrie de défense, avec deux bémols toutefois : des moyens limités au vu du poids du titre 2 et du titre 3 dans le budget, et la concurrence importante des États-Unis, de l'Espagne, d'Israël et de l'Allemagne. Naval Group, dont nous avons rencontré le représentant, se positionne notamment sur un marché de frégates.
Enfin, il ne faut pas négliger les coopérations potentielles dans le domaine spatial, sur lequel la Colombie mise beaucoup et pour lequel nous avons un atout de poids avec la Guyane. À cet égard, il peut paraître intéressant de renforcer nos coopérations Guyane, compte tenu des problématiques que nous avons en commun, comme la géographie et l'orpaillage. Je repasse la parole à notre collègue Hugues Saury pour la conclusion.