Monsieur le Président Éblé, vous m'avez demandé quelle était la différence entre un green bond et un sustainable bond. Les deux correspondent à des émissions de dette de la CDC, allouées à des opérations particulières de transition écologique et énergétique. Le sustainable bond a un mandat plus large, qui inclut le logement social et les maisons de retraite, alors que le green bond se restreint à des opérations écologiques. Les 500 millions d'euros levés seront affectés à des opérations à vocation écologique et solidaire. Ils ont été collectés la semaine dernière, pour cinq ans, à un taux négatif de 26 centimes : non seulement les investisseurs nous prêtent de l'argent, mais en plus ils nous payent pour cela ! Ce n'est pas forcément un très bon signal sur l'équilibre macroéconomique général, mais c'est un témoignage de la motivation des investisseurs internationaux, puisque seuls 40 % des fonds proviennent d'investisseurs français.
Les prêts structurés de la SFIL ont été réduits, et s'élèvent désormais à un milliard d'euros. La SFIL est une banque de développement, détenue à 75 % par l'État, 20 % par la CDC et 5 % par la Banque Postale, qui a été constituée pour récupérer un certain nombre d'actifs de Dexia. Ses équipes ont fait un travail remarquable ces dernières années pour réduire le risque qui était porté par l'État du fait de ces actifs. C'est un travail de Pénélope : pour chaque ligne, avec chaque contrepartie, il a fallu négocier pour réduire le risque. L'encours de la SFIL est d'environ 75 milliards d'euros, pour 1,5 milliard d'euros de fonds propres. La rentabilité de la SFIL est modeste, ce qui est assez logique pour une banque de développement. Son mandat est de financer les collectivités, et elle continue à le faire en refinançant l'activité de financement des collectivités locales de la Banque Postale. La diversification, pour elle, sera de financer les grandes opérations d'exportation. C'est une activité qui contribue à l'intérêt général, et les banques sont demandeuses de cette intervention. La grande exportation française est d'ailleurs suivie attentivement et garantie par l'État au travers de la BPI.
La SFIL restera-t-elle un véhicule bancaire de la CDC ? Oui, puisqu'il y a un mandat particulier. Un des projets qui sous-tend le rapprochement avec la Poste est de bien coordonner l'action de quatre établissements de types très divers mais ayant chacun un mandat bien précis : Bpifrance, la Banque des territoires, la SFIL et la Banque postale.
Je ne connais pas la rémunération des collaborateurs de la SFIL. Il y a des activités très techniques de gestion financière mais, comme on est dans le secteur public, ce ne sont pas les rémunérations qui sont servies dans le privé. La situation a été suivie de très près par l'État, et le sera par nous lorsque la SFIL rejoindra le groupe.
Sur Euronext, nous sommes montés au capital en deux temps. Nous avions 3 %, Bpifrance avait 3 % et, en accord avec Nicolas Dufourcq, nous avons rassemblé ces participations dans les mains de la CDC pour avoir une unité de commandement sur ces 6 %. Comme une banque française et une banque néerlandaise étaient vendeuses, nous avons racheté leurs participations. La première raison est qu'Euronext constitue un actif stratégique : Euronext est une grande infrastructure de marché, et l'endroit où s'échangent les titres permettant d'accéder au capital des grandes entreprises européennes. Il était donc dans le mandat de la CDC de peser au capital de cette grande entreprise européenne d'origine française. Sous l'autorité de Stéphane Boujnah, Euronext construit une plateforme européenne. C'est une institution très bien gérée, dont l'équilibre financier, que nous suivons attentivement, ne nous inspire pas d'inquiétude, et qui a les moyens de financer son développement, d'autant qu'elle s'appuie sur des actionnaires solides.
Sur le dépôt de garantie des locataires, nous avons rencontré l'auteur du rapport. Nous avons des réserves sur l'idée de centraliser des ressources financières à un moment où leur rémunération est négative. Ce serait compliqué pour l'établissement qui porterait la ressource... Et les bailleurs sociaux ont de la trésorerie.
Un vrai mouvement d'évolution est engagé dans le logement social, avec un rapprochement des bailleurs pour se consolider. Ils s'appuient sur la mise en place des outils : le rallongement de la dette est en place ; le prêt de haut de bilan tarde à être mis en oeuvre, car il s'agit d'une offre conjointe avec Action logement. La clause de revoyure a permis une meilleure compréhension entre les différentes familles de l'HLM, Action logement, l'État et la CDC, sur les outils à leur disposition. Les rapprochements qui se font sont de vrais rapprochements. CDC Habitat, notre opérateur de logement social, a décidé l'année dernière de fusionner les treize entreprises sociales pour l'habitat de son réseau, ce qui génère de vraies économies - et, avec plus de 750 opérateurs, le logement social a des gains de productivité à faire.
L'offre Tonus que nous mettons en place repose sur nos capitaux propres à hauteur de 700 millions d'euros. Elle est conçue pour être à destination des bailleurs sociaux exclusivement. Je remercie la commission de surveillance de son soutien : la CDC va porter la nue-propriété pendant des durées de quinze à vingt ans, sans aucune rémunération. Le bailleur social, ayant l'usufruit, récupèrera la totalité des revenus, pour un investissement qui représentera sans doute la moitié du montant total.
Il y a aussi des baisses de charges pour le secteur : quand nous allongeons la dette en faisant du prêt de haut de bilan à 0 % pendant vingt ans, nous supprimons des charges financières. Outre l'effort de bonification financière, qui représente 700 millions d'euros par an, l'État a décidé de maintenir un taux de Livret A certes élevé par rapport à l'univers des taux, mais plus bas qu'il n'aurait été avec la formule précédente, et cela représente aussi un effort de soutien au secteur de 700 millions d'euros.
Avec le mouvement du logement social, nous sommes dans une relation d'offre de service. Nous dialoguons avec les fédérations, avec chaque organisme, et chacun décide si nos outils lui conviennent ou non. La Banque des territoires emporte un dynamisme accru, avec un site internet à destination de tous les organismes, présentant des offres très diverses.
L'allongement de la dette, s'il diminue la charge annuelle, ne fait pas baisser le coût global, qui augmente au contraire. Quel est le rôle de la CDC dans la réorganisation ? Les acteurs viennent nous voir et nous finançons le projet qu'ils nous proposent. Notre neutralité entre les mouvements de logement social est totale, et nous offrons les mêmes outils à chacun - je l'ai clairement dit aux fédérations.
Le financement des PME et des TPE n'est pas le rôle de la Banque des territoires. Bpifrance finance les entreprises grandes et moyennes. Le financement des commerces de centre-ville, qui ont souffert, n'est ni dans notre mandat ni dans nos moyens. C'est le rôle des banques commerciales ou mutualistes qui sont sur le terrain. Quant aux indemnisations, elles relèvent des assureurs ou des pouvoirs publics. La CDC ne fonctionne qu'avec les revenus de ses placements et de son travail. S'il lui arrive de financer à fonds perdus de l'ingénierie ou du développement, elle ne peut intervenir sur un fonds d'indemnisation pour ce type d'activités.
Dans le cadre de la mission que vous avez mentionnée, nous avons été interrogés. Il est important d'avoir un modèle partant du Livret A, qui est un produit de placement sûr et très apprécié de nos concitoyens. Ce livret A alimente essentiellement le logement social et les activités d'investisseur de la CDC. Le logement social étant garanti par les élus et les collectivités locales, cela fait du Livret A un placement extrêmement sûr. C'est l'ensemble qui fait système, et il ne faut pas l'affaiblir en le modifiant, car il est puissant et protecteur.
Même dans la configuration actuelle, avec des marchés financiers agités et des taux d'intérêt négatifs, il n'y pas de doute sur la solidité des fonds d'épargne, dont les fonds propres ont été augmentés fortement ces dernières années, dont les résultats sont très largement positifs et dont l'équilibre financier est assuré. Les fonds d'épargne gérés par la CDC représentent 285 milliards d'euros. Au total, il y a environ 290 milliards d'euros de prêt, dont 170 milliards d'euros pour le logement social et les collectivités locales - le reste étant investi sur les marchés financiers. Tout cela est très solide, et se déploie dans le cadre d'un mandat que nous donne le Gouvernement, et sous la surveillance très attentive du ministère des finances. Aucune préoccupation, donc, mais ce système doit continuer à se développer.
Sur certains segments du secteur du logement, on peut être plus dynamique. Je pense notamment au logement intermédiaire, où nous avons nous-mêmes été acteurs de la dynamisation, dans un pays où le manque de logements est un sujet chronique depuis des dizaines d'années.
Pour les maisons « France service », les 30 millions d'euros viendront de la CDC, et le fond de présence territoriale est utilisé chaque année par la Poste pour maintenir une présence territoriale très large - et coûteuse. La transformation numérique comporte deux éléments. L'installation du très haut débit partout est en cours, au rythme de 100 000 prises par trimestre dans les régions d'initiative publique, non couvertes par les opérateurs privés. Pour les personnes âgées ou celles qui ne sont pas adaptées, c'est la présence humaine qui les aidera, dans les maisons « France service », itinérantes ou fixes. Il faut une présence sur les territoires, pour permettre un accompagnement personnel, lorsqu'il est nécessaire.
La transition écologique est une de nos priorités. Les financements existent, et nous avons des enveloppes très abondantes pour la rénovation thermique du logement social. Les règles ont été assouplies, et on espère que cela sera mieux utilisé. Vous avez raison : sur les bâtiments publics mal isolés, il y a des économies importantes à faire pour les collectivités locales. Nous souhaitons qu'elles se saisissent de ces enveloppes pour faire de la rénovation des bâtiments. Nous avons aussi des enveloppes pour les universités, et nous avons rénové l'université de Bordeaux. Nous le faisons savoir aux élus, et la Poste nous aidera à leur porter le message.
Il y a plusieurs types de territoires, dans la République, qui demandent un traitement particulier. Il y a les quartiers, dont on ne parle pas beaucoup, mais auxquels nous sommes très attachés. Il y a les villes moyennes, pour lesquelles l'initiative « Action coeur de ville » est très forte. Nous devons être très actifs dans les bourgs ayant une fonction de centralité. Nous le sommes dans certaines régions, qui ont engagé des initiatives dans ce sens, comme la Bretagne. Nous le sommes quand les élus nous le demandent. Je me suis, par exemple, rendu à Brioude, à la demande du maire, pour monter un projet. Nous réfléchissons, avec le Gouvernement, à des initiatives plus fortes en faveur des bourgs et des zones rurales ayant une fonction de centralité, sur un modèle de coordination entre les différents acteurs : État, CDC et probablement quelques autres.
Pour ce qui concerne le dossier des retraites, la reconstitution de carrière est compliquée. Sans anticiper sur les décisions du Gouvernement, il me semble qu'il y a trois cas de figure. Pour celles et ceux qui prendront leur retraite dans les cinq ans qui viennent, le régime ne change pas. Les personnes qui entrent dans la vie professionnelle intègreront immédiatement le futur système. Entre les deux, pour les personnes qui ont déjà acquis des droits importants dans le système actuel, et qui vont en acquérir dans le futur système, il faudra reconstituer leur carrière, et basculer les intérêts de l'ancien système dans un nouveau système - car il me semble important que les droits acquis soient préservés. Cela nécessitera une longue période de transition, pour que les droits de chacun soient bien reconstitués. Un pays comme la Suède a fait ça avant nous, sur des périodes de transition longues, et sous la surveillance d'organismes publics et des partenaires sociaux. En tous cas, il faudra du temps. Concernant l'avenir de la retraite additionnelle de la fonction publique (RAFP), et d'autres systèmes, c'est au Gouvernement de faire des propositions. Pendant la très longue période de transition, ce système sera probablement maintenu. Et, même si nous basculons vers un régime universel, il faudra bien diverses institutions pour gérer les différentes catégories d'agents et de salariés.
Les prêts des fonds d'épargne sont autorisés par décision du ministre des finances, avec lequel nous avons des débats francs et directs sur les enveloppes pour les collectivités locales. Depuis la crise de 2008, les banques du secteur concurrentiel sont revenues très activement dans le financement des collectivités locales. Les fonds d'épargne ont vocation à intervenir quand il y a une faille de marché, mais pas en concurrence avec les acteurs privés.
Pour la plupart des collectivités locales, il y a les offres des banques commerciales ; la Banque des territoires peut intervenir en complément, mais avec une offre plus onéreuse. Pour les grandes collectivités, cela ne pose pas de problème : elles arbitrent. Pour les petites, qui n'ont pas forcément accès aux banques commerciales, c'est plus compliqué, mais elles disposent de nos offres. Que je sache, les banques commerciales vont très rarement au-delà de 25 ans pour la durée des prêts - ce qui s'inscrit, par conséquent, dans le mandat de la CDC. La durée du crédit que nous proposons est liée au projet. Pour un projet de très long terme, comme pour des prêts fonciers ou en matière d'infrastructures, nous allons sur des durées plus longues.
Pour l'évaluation de Bpifrance, nous analysons très attentivement l'utilité des fonds engagés. Je suis convaincu que l'énergie exceptionnelle déployée par Nicolas Dufourcq et les équipes de Bpifrance est l'une des causes du retour de l'industrialisation et du développement des sociétés - nous avons désormais une cinquième licorne française, dans le secteur de la photographie. Nous suivons, segment par segment, la croissance et le développement de nos investissements. C'est très encourageant.
Sur les territoires ruraux qui ne sont pas dans les territoires d'industrie, je ferais la même réponse que sur les villes moyennes : nous sommes présents, et nous accompagnons, y compris quand ce n'est pas fléché par un grand programme national.
M. Gremillet dit que 100 millions d'euros par an, ce n'est rien. En effet, mais le mandat de la CDC ne porte pas sur le développement des entreprises elles-mêmes, qui concerne Bpifrance ou les banques commerciales. Il porte sur l'aménagement local qui permet d'accueillir l'industrie. De ce point de vue, la somme paraît bien calibrée. S'il faut plus, nous mettrons les fonds immédiatement à disposition.