Intervention de Olivier Dussopt

Réunion du 20 juin 2019 à 15h00
Transformation de la fonction publique — Article 11, amendement 12

Olivier Dussopt :

Comme je l’ai annoncé, le Gouvernement est défavorable à l’ensemble des amendements visant à revenir sur les dispositions de l’article 11.

Deux amendements méritent une attention particulière.

Monsieur Tourenne, je partage l’avis de Mme la rapporteur : votre amendement n° 12 rectifié bis est parfaitement satisfait par la rédaction actuelle. J’en sollicite donc le retrait ; en cas de maintien, mon avis serait défavorable.

Avec son amendement n° 132 rectifié bis, M. Durain propose de supprimer la nécessité de fournir une preuve de l’imposition commune pour les couples pacsés demandant à bénéficier d’une priorité de mutation. À titre personnel, j’étais spontanément plutôt favorable à cette idée. Toutefois, à y regarder de plus près, une difficulté se pose.

De fait, l’imposition commune est un élément qui permet d’attester l’ancienneté du lien au sein du couple, puisqu’une imposition séparée n’est ouverte que pour les revenus acquis au titre de la première année du PACS.

Inversement, en dehors de la première année du PACS, l’imposition séparée est possible pour les couples séparés de biens et ne vivant pas sous le même toit, en cas d’instance de séparation de corps ou de divorce, lorsque le couple a été autorisé à avoir des résidences séparées, et en cas d’abandon du domicile conjugal par l’un ou l’autre des époux ou des pacsés, lorsque chacun dispose de revenus professionnels ou patrimoniaux distincts, en application du 4° de l’article 6 du code général des impôts.

La possibilité d’avoir une imposition séparée tout en étant sous le régime juridique du PACS ou du mariage est importante.

Dans la mesure où la priorité légale de rapprochement permet, d’une certaine manière, de passer devant d’autres agents qui souhaitent la même mutation, nous trouvons opportun de maintenir un véritable contrôle de la réalité du couple, donc de la nécessité du rapprochement.

C’est la raison pour laquelle l’avis est défavorable, si l’amendement n’est pas retiré. En effet, son adoption conduirait certainement, comme l’a suggéré Mme la rapporteur, à des formes de contournement, à la faveur desquelles certains bénéficieraient d’une possibilité de rapprochement grâce à une personne dont ils ne sont plus du tout proches ou dont ils ne sont pas proches dans leur quotidien.

S’agissant du CIMM, qui a donné lieu à de nombreux amendements, il a été érigé en priorité légale d’affectation par la loi du 28 février 2017 de programmation pour l’égalité réelle outre-mer. Ses conditions d’application ont été précisées par une circulaire du 1er mars 2017, et l’application en année pleine est intervenue à partir de 2018.

Un bilan est en cours de réalisation, à la fois positif et contrasté. Positif, parce que, au risque de surprendre les parlementaires ultramarins, quelque 75 % des demandes de mutation déposées au titre de l’année 2018 par des fonctionnaires bénéficiant d’un CIMM ont été suivies d’une mutation correspondant au vœu formulé.

La difficulté tient plutôt au stock – pardonnez l’impropriété du terme – de demandes.

La loi ÉROM prévoit que le bénéfice du CIMM s’évalue au moment du dépôt de la demande de mutation. En d’autres termes, lorsque des fonctionnaires ultramarins ont déposé des demandes de mutation voilà plusieurs mois, voire plusieurs années, avant que le CIMM ne devienne une priorité légale d’affectation, le CIMM ne peut être pris en compte, ce qui oblige ces agents à déposer une nouvelle demande.

Je précise que le Gouvernement ne sera en aucun cas favorable à des priorités systématiques d’affectation. Le CIMM est une priorité légale d’affectation, mais il en existe d’autres, comme le rapprochement conjugal. L’Assemblée nationale a introduit une priorité légale d’affectation au bénéfice des proches aidants. Nous ne pouvons rendre une des priorités légales plus prioritaire que les autres. Chaque situation est appréciée au moment des décisions de mobilité.

Par ailleurs, cette priorité légale d’affectation s’entend uniquement s’il est ouvert un poste correspondant aux qualifications, aux compétences et au grade de l’agent qui y prétend. Qu’aucun poste ne soit ouvert est effectivement un frein à l’application du CIMM.

La nomination d’un élève stagiaire d’IRA ou d’une autre école de service public n’est pas une mutation. Aux termes de la loi ÉROM, il ne peut y avoir application du CIMM à cette primo-affectation.

En revanche, l’Assemblée nationale a décidé, avec le soutien du Gouvernement, de permettre l’organisation de concours nationaux à affectation locale, ce qui permettra notamment à certains de nos concitoyens originaires d’outre-mer de se présenter à des concours nationaux en ayant la certitude d’être affectés dans leur région de vie ; ce qui est valable pour l’outre-mer l’est d’ailleurs aussi pour d’autres régions en métropole.

Le CIMM, tel qu’il est conçu aujourd’hui, est défini par un faisceau d’indices. Mme la rapporteur a rappelé qu’il se fonde sur une construction jurisprudentielle.

Le Gouvernement n’est pas favorable aujourd’hui à l’adoption d’une disposition obligeant le pouvoir réglementaire à fixer les critères par décret. Non qu’il ne soit pas nécessaire de travailler plus avant sur la question, mais nous considérons qu’inventorier les critères de définition serait certainement moins protecteur, en tout cas moins englobant, que le recours jurisprudentiel à un faisceau d’indices permettant d’avoir une appréciation plus souple du bénéfice d’un CIMM. Un décret serait trop réducteur et contraignant pour les agents. D’où mon avis défavorable sur les amendements.

En revanche, j’émettrai, également à titre exceptionnel, un avis favorable sur la demande de rapport. En effet, ce document permettra d’avancer dans cette discussion.

Madame Jasmin, vous avez raison en ce qui concerne la police. Pour des raisons de gestion, le ministère de l’intérieur avait pris la décision, pour certains corps de police, de reporter d’un an l’application du CIMM qui devait intervenir en 2018. Le Conseil d’État a tranché cette question : il a jugé que le bénéfice du CIMM était immédiat et ne pouvait être reporté dans le temps. Cette décision impose à toutes les administrations la prise en compte immédiate du CIMM.

Enfin, je suis favorable à l’amendement n° 582 de Mme la rapporteur, qui vise les proches aidants. Une difficulté rédactionnelle se pose néanmoins, qui pourra peut-être être corrigée tout de suite ; sinon, elle le sera dans la suite de la navette.

L’amendement tend à mentionner les agents éligibles à un congé, alors que, pour bénéficier de la priorité, l’agent doit être bénéficiaire du congé de manière effective. Il conviendrait donc que l’expression « éligible au congé » soit remplacée par l’expression « bénéficiaire d’un congé ».

Pour me résumer, le Gouvernement est défavorable aux amendements n° 124 rectifié bis, 422, 132 rectifié bis, 241 rectifié, 424 rectifié, 510, 88 rectifié, 242, 243, 136 rectifié bis, 423 et 442 rectifié quater. Il sollicite le retrait de l’amendement n° 12 rectifié bis et y sera défavorable s’il est maintenu. Il est favorable à l’amendement n° 582, s’il est rectifié dans le sens que j’ai indiqué.

S’agissant du décret, je répète que nous sommes prêts à y travailler, mais je vous invite à la prudence en la matière. Je crains que la fixation d’une liste de critères ne soit plus restrictive que le faisceau d’indices qui prévaut aujourd’hui.

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