Mes chers collègues, notre commission d'enquête poursuit ses travaux avec l'audition de Mme Claire Mathieu. Cette audition sera diffusée en direct sur le site Internet du Sénat et fera l'objet d'un compte rendu publié. Je rappelle, pour la forme, qu'un faux témoignage devant notre commission d'enquête serait passible des peines prévues aux articles 434-13, 434-14 et 434-15 du code pénal.
Conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, Mme Mathieu prête serment.
Madame Mathieu, vous êtes informaticienne et directrice de recherche au CNRS, spécialisée dans la recherche sur l'algorithmique et, en particulier, sur la conception d'algorithmes destinés à trouver des solutions quasi optimales à des problèmes difficiles à résoudre exactement.
Vous vous êtes notamment intéressée à la modélisation du phénomène dit du « plafond de verre » dans les milieux sociaux.
Notre commission d'enquête s'interroge, à propos de la question de la souveraineté numérique, sur les moyens dont disposent la France et l'Europe en la matière. À cet égard, et dans la perspective de la réaffirmation de notre souveraineté numérique, qui concerne directement l'État, les citoyens ou les acteurs de la société - je pense en particulier aux entreprises -, en quoi la science des algorithmes peut-elle apporter des solutions de progrès ?
À la faveur de la réémergence de l'intelligence artificielle, dont on parle depuis très longtemps, et grâce aux capacités de calcul décuplées et aux gigantesques bases de données désormais disponibles, les algorithmes font l'objet de beaucoup de fantasmes.
C'est notamment la souveraineté des individus qui serait au premier chef, selon certains, menacée par les algorithmes. L'exemple qui vient naturellement à l'esprit, c'est celui du réseau social Facebook, dont l'algorithme risquerait de contraindre notre liberté de penser et d'être informé.
La question de la transparence des algorithmes est aussi l'objet de nombreuses interrogations. Le phénomène de la « boîte noire » est-il inéluctable ? Est-on condamné à ne plus connaître le contenu des algorithmes et leurs calculs ? Serons-nous un jour incapables de comprendre les décisions prises pour nous par des machines ?
Enfin, estimez-vous que la recherche française, publique comme privée, dispose de suffisamment de moyens en la matière pour faire le poids face aux géants du numérique ?