Cet amendement a pour objet l’intérim dans la fonction publique territoriale.
Mes chers collègues, nous voudrions attirer votre attention sur les dérives potentielles qui peuvent se produire. En théorie, le recours à l’intérim peut se justifier, notamment quand il existe un besoin urgent, limité dans le temps. Procéder à un recrutement de très courte durée pour remplacer temporairement une absence ou pour se laisser le temps d’une embauche, cela ne pose pas de problème.
Toutefois, la jurisprudence le montre, la notion de « durée raisonnable nécessaire », de toute façon difficilement appréciable par la justice administrative, n’est pas toujours respectée par les collectivités. Je ne prendrai qu’un exemple : comment la Ville de Lyon a-t-elle pu mettre plus de trois ans pour procéder au recrutement d’un directeur général des services, alors même que des candidats lui étaient proposés par le maire d’arrondissement concerné ?
Certes, mes chers collègues, dans ce cas, la justice a prononcé une condamnation, mais c’est largement insuffisant, pour deux raisons.
Premièrement, pour une condamnation, combien de situations délictueuses sont-elles passées entre les mailles du filet ? Cette question est d’autant plus légitime que la mutation que les différents gouvernements ont imposée à la fonction publique, avec un retour des liens hiérarchiques forts entre pouvoir politique et administration n’invite vraiment pas les agents à aller devant les tribunaux, de peur de voir leur carrière brisée.
Deuxièmement, j’ai bien du mal à me satisfaire d’une procédure contentieuse de plus de sept ans, qui a porté préjudice au plaignant.
Il me semble qu’il faut aussi s’interroger sur l’intérêt qu’éprouvent les collectivités à recourir à l’emploi intérimaire. Clairement, ce dernier n’est pas économiquement favorable, puisque le marché de l’intérim coûte deux fois plus que des recrutements en CDD.
Il faut donc chercher la réponse ailleurs, et trois hypothèses émergent.
La première, que l’on peut entendre, bien qu’elle soit largement évitable, c’est de faire le joint entre la vacance d’un poste et le recrutement d’un fonctionnaire.
La deuxième, qui est problématique, consiste à recruter sur un temps très court des intérimaires pour assurer le service minimum en cas de grève et donc remplacer les grévistes – il est tout de même étonnant, alors que le Gouvernement manifeste sa volonté de rapprocher le secteur public du secteur privé, qu’il maintienne légal dans la fonction publique ce qui ne l’est pas dans le privé, en application de l’article L. 1251-10 du code du travail.
La troisième, tout aussi problématique, est que les collectivités peuvent ainsi abandonner leurs obligations d’employeur en les déléguant totalement à des entreprises régulièrement épinglées pour leur manque de respect pour la législation du travail, ce qui pose d’ailleurs la question du règlement des conflits en contentieux, puisque si la juridiction administrative a jusqu’ici pris en charge ces dossiers, ce n’est pas forcément naturel.