Ce débat intervient quelques semaines après les élections européennes, un scrutin qui a réservé deux surprises.
On peut se réjouir de la hausse de la participation. Cette mobilisation accrue par rapport au précédent scrutin, tirée en grande partie par la jeunesse, constitue en effet un bon signal dans un contexte de remise en cause de la démocratie représentative par certains de nos concitoyens. De plus, on a observé un léger reflux de la vague populiste, malgré les scores très attendus des extrêmes en Hongrie, en Pologne et en Italie. Je mets également de côté le cas de la Grande-Bretagne, dont la politique interne est engluée dans le Brexit. Sans parler de victoire, les forces modérées pro-européennes ont en tout cas démontré une certaine résistance.
Si l'Europe souhaite capitaliser sur ces deux éléments positifs, elle doit rapidement se mettre au travail et poursuivre les ambitions du programme stratégique 2019-2024, qui prône une Europe plus protectrice, plus équitable et plus influente.
Donner une nouvelle impulsion à l'Europe, c'est également, au préalable, régler le mieux possible la question de son incarnation, avec le renouvellement des postes-clés au sein des institutions, qui est à l'ordre du jour du Conseil européen à venir. À cet égard, il est bien dommage que les règles ne soient pas clairement établies dans les traités, en particulier pour le prestigieux poste de Président de la Commission européenne. L'article 17 du traité sur l'Union européenne stipule que « en tenant compte des élections au Parlement européen, et après avoir procédé aux consultations appropriées, le Conseil européen, statuant à la majorité qualifiée, propose au Parlement européen un candidat à la fonction de président de la commission. » Dans ces conditions plutôt souples, chacun peut trouver son interprétation. Est-ce au seul candidat en tête de la liste majoritaire qu'il revient de présider la Commission ? Ne serait-ce pas plutôt au chef du plus grand groupe parlementaire ? Ou encore, pour rejoindre la dernière position du Président de la République - qui n'est peut-être qu'un leurre -, ne faudrait-il pas donner à la Commission un visage connu, compétent et aguerri ? Pour le moment, ce sont les tractations qui définissent la règle. Au jeu des négociations, le RDSE espère que le président désigné reflétera au mieux l'expression de nos concitoyens.
Au sein de cette expression, au-delà de l'agrandissement de la famille centriste et libérale, on a pu voir une poussée des Verts, qui invitera certainement à renforcer encore davantage la place de l'écologie dans les politiques publiques. L'Union européenne a, dans ce domaine, de nombreux dossiers sur la table, au premier rang desquels la question du changement climatique, sur laquelle se penchera le Conseil européen dans la perspective du sommet Action Climat du 23 septembre prochain. Si certains de mes collègues du RDSE exercent une vigilance particulière sur cette question, je crois que, quelles que soient nos sensibilités, nous sommes tous conscients de la nécessité d'accélérer les actions pour verdir l'économie et la société. J'en profite pour saluer les projets du Gouvernement en matière d'écologie, dévoilés mercredi dernier dans le cadre de la déclaration de politique générale. Cependant, compte tenu de l'ampleur des défis, c'est l'Union européenne qui est la bonne échelle pour amplifier des réponses qui doivent le plus souvent être communes pour être plus efficaces. C'est pourquoi, au regard de la situation alarmante décrite dans le dernier rapport du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, l'Europe doit remplir tous ses engagements pris en 2015 à la COP21, surmonter la ligne de fracture Est-Ouest et, enfin, jouer un rôle d'ambassadeur auprès de Pékin et de Washington. Pour autant, les décisions visant à la neutralité carbone ne doivent pas méconnaître les contraintes qui pèsent sur les entreprises et les agriculteurs. Lorsqu'on interdit, il faut trouver des alternatives, qui doivent être encouragées grâce à l'innovation. Il faut également proposer des solutions inclusives, pour ne pas alourdir les difficultés financières des plus fragiles qui, on l'a vu durant des semaines, savent se faire entendre. Ainsi, réussir la transition écologique implique de mobiliser des financements. L'Union européenne sait faire des efforts. Sur la dernière mandature, environ 180 milliards d'euros ont été consacrés à l'économie verte et au plan climat.
À l'ordre du jour du Conseil européen figure également le cadre financier pluriannuel 2021-2027, que devra approuver le nouveau Parlement européen. La négociation du cadre financier pluriannuel est toujours un exercice compliqué - le Brexit ayant ajouté un degré d'incertitude - parce que celui-ci traduit les priorités de l'Union européenne pour plusieurs années. Je sais que tous les États membres sont très impliqués pour défendre leurs intérêts, et je salue la détermination de la France dans ses tentatives pour préserver les politiques traditionnelles, en particulier la politique agricole commune, un volet auquel le Sénat est sensible, comme il l'a démontré récemment en séance par le vote d'une proposition de résolution que le RDSE a soutenue.
Sur le cadre budgétaire dans son ensemble, on peut partager les objectifs affirmés au sommet de Sibiu : plus de solidarité, et des moyens pour se préparer aux nouveaux enjeux, notamment en matière de sécurité et de défense. Cependant, l'équation financière est difficile à résoudre, entre la préservation des politiques fondatrices de l'Union européenne et les nouveaux défis à relever. Le Parlement européen a souligné cette difficulté en novembre dernier.
Par conséquent, au sein de ce cadre financier pluriannuel, qui connaît une augmentation très relative, avec une proposition de la Commission à hauteur de 1 279 milliards d'euros, il faudra pouvoir jouer sur les ressources propres pour parer à toute éventualité et notamment explorer les pistes pour en créer de nouvelles. Le RDSE approuve la position de la France, qui milite pour une véritable conditionnalité fiscale et sociale pour l'octroi des fonds européens. La mise en oeuvre de ce principe pourrait contribuer à une meilleure convergence entre États membres. Hélas, Paris n'est pas suffisamment entendu sur ce point. Pour donner plus de sens et de poids à l'Europe, il faut pourtant encourager une meilleure coordination entre les politiques des États membres dans de nombreux domaines. Comme Jean-Claude Juncker l'avait justement dit en 2017 dans son discours sur l'état de l'Union, pour que l'Europe prospère, les États membres de l'Union européenne doivent oeuvrer de concert. J'espère que le successeur du dirigeant luxembourgeois poussera aussi l'Europe dans cette direction !