Intervention de Gérald Darmanin

Commission des affaires sociales — Réunion du 26 juin 2019 à 16h30
Application de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 et situation et perspectives des comptes sociaux — Audition de M. Gérald daRmanin ministre de l'action et des comptes publics

Gérald Darmanin, ministre :

En tout cas, on ne peut pas nous reprocher de ne pas faire aujourd'hui ce que l'on n'a pas fait hier ! Je rappelle aussi qu'une hausse de 0,1 point de l'Ondam représente 200 millions d'euros pour les finances publiques. L'effort que nous réalisons est donc conséquent ! On peut aussi se demander si l'enveloppe budgétaire est bien utilisée. Les hôpitaux et la sécurité sociale ont fait de gros efforts mais il reste sans doute des marges de progrès. C'est pourquoi Agnès Buzyn a présenté son texte sur la santé.

Élu d'une ville particulièrement touchée par le chômage, je connais bien les urgences. Les urgentistes réclament sans doute plus de moyens, mais ils se plaignent surtout des conditions de travail, de l'accumulation des gardes et des heures de nuit, des problèmes de sécurité, du fait qu'un contractuel payé à la journée soit mieux payé qu'un titulaire - la ministre a d'ailleurs pris un décret sur ce sujet. Il faut continuer à renforcer la collaboration entre la médecine de ville et l'hôpital. Reconnaissons aussi que la population a évolué, que l'hôpital que nous connaissons n'est plus tout à fait celui d'hier. Le pouvoir politique doit s'efforcer de répondre aux attentes et celles-ci ne sont pas uniquement budgétaires. Les urgentistes que j'ai rencontrés m'ont beaucoup parlé de vocation, de conditions d'exercice et de sens du travail.

La régionalisation de l'Ondam ? La question se pose et Mme Buzyn aura l'occasion de s'exprimer sur ce sujet. Attention toutefois au risque d'une différenciation des tarifs entre les régions. En tout cas, je crois que le PLFSS pour 2020 ne sera pas construit sur ce principe.

Mme Cohen nous reproche de ne pas anticiper, mais la dépendance est incluse dans l'Ondam. Des crédits de santé sont utilisés pour financer la grande dépendance. Nicolas Sarkozy et François Hollande avaient déjà évoqué la création d'une cinquième branche. Ils ne l'ont pas fait car cela coûte très cher et c'est très compliqué. Emmanuel Macron souhaite la création d'une enveloppe dédiée à la dépendance. Cela permettra de garantir que les crédits de santé vont bien à la santé et que les dépenses liées à la dépendance sont bien prises en charge. Les besoins sont considérables.

Michel Rocard disait que la réforme des retraites pouvait provoquer la chute de n'importe quel gouvernement. Tous les gouvernements ont ainsi affirmé qu'ils ne voulaient toucher à rien, tout en trouvant un moyen pour le faire quand même. En effet, on ne peut pas maîtriser la dépense publique sans toucher aux dépenses sociales car elles représentent la moitié des dépenses publiques : l'Ondam représente 200 milliards d'euros ; les retraites, un engagement de 320 milliards d'euros, 14 % du PIB. Il serait donc illusoire de penser qu'un gouvernement puisse se désintéresser budgétairement de la question des retraites. La France est l'un des pays qui consacre le plus aux pensions, et c'est aussi l'un des pays où l'on part le plus tôt à la retraite.

Dans la réforme des retraites, il faut distinguer les mesures applicables avant 2025 et celles qui seront valables ensuite avec l'instauration d'un régime de retraite par points. Le Haut-commissaire rendra ses conclusions le 12 juillet au Premier ministre ; un projet de loi devrait être déposé à l'automne et nous aurons l'occasion sans doute de débattre longuement de ce magnifique projet de société, mais qui soulève beaucoup de questions puisque l'on fait 42 réformes en une.

En attendant, la question que vous posez est de savoir si nous allons procéder à une réforme paramétrique : modifiera-t-on l'âge légal de départ ? La réponse est non ! On pourrait aussi réfléchir à un système de décotes et de surcotes modifiant l'âge de départ effectif, ou alors à une accélération de la réforme Touraine en modifiant la durée de cotisation. Tels sont les scénarios. Le Gouvernement proposera, dans le cadre du PLFSS, des mesures en accord avec les annonces du Président de la République lors du grand débat national et du Premier ministre lors de son discours politique générale. Le Président de la République s'est engagé à ne pas revenir sur l'âge légal. Mais il faut constater aussi que les prévisions du Conseil d'orientation des retraites (COR) ont évolué depuis la campagne présidentielle. L'enjeu est que le travail paie plus pour pouvoir compenser les baisses d'impôts. Soit on augmente la durée hebdomadaire du travail au-delà de 35 heures - mais le Président de la République a déjà repoussé cette hypothèse -, soit on supprime des jours fériés, ce qui semble peu probable, soit on prend des mesures en attendant la réforme des retraites. Dans tous les cas, les mesures proposées devront être cohérentes avec la réforme par points que nous allons proposer ensuite. Si nous voulons que la réforme de 2025 soit durable et aboutisse à un régime pérenne, il faut que le budget des retraites en 2025 soit à l'équilibre. Ce n'est pas le cas aujourd'hui. Donc je n'ai pas encore de réponse précise à votre question mais je vous ai dressé les problématiques.

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