Les armées françaises pourraient utiliser un cloud sécurisé opéré par Thales : Microsoft en est partie prenante, de manière non négligeable. Comment avez-vous appréhendé cette situation, et le risque induit, surtout après l'adoption du Cloud act ?
Général François Lecointre. - Nous sommes susceptibles dès aujourd'hui de lancer des cyber attaques sur le champ de bataille, pour neutraliser un adversaire ; et nous nous préparons à agir dans le champ cyber - nous serons prêts lorsque le politique nous le demandera. Je vous rappelle que le ministère de la défense est devenu ministère des armées, ce qui illustre la dimension offensive.
Je n'ai guère de compétence sur le code des marchés publics...
Général Olivier Bonnet de Paillerets. - Utilisons-nous suffisamment les régimes que vous évoquez ? Sans doute pas, mais nous les utilisons. Tout l'effort fait avec la DGA consiste précisément à revoir la relation entre le besoin opérationnel et la réponse programmatique - qui n'est pas synchronisée dans le monde cyber, c'est certain. Nous mettons en place des mécanismes qui permettent à la DGA d'intervenir en maîtrise d'oeuvre et non seulement en maîtrise d'ouvrage, donc avec une ingénierie propre, capable d'innover sur les réseaux du Comcyber : cela nous donne une vraie souveraineté de développement, même en adaptation de ce qui existe dans le public, mais en en maîtrisant les codes. C'est fondamental. Nous permettrons aussi dans l'avenir à des entreprises d'accéder à une partie de nos données pour faire de l'expérimentation sur nos besoins : il s'agit là encore d'une souveraineté autour de l'innovation adaptée aux opérations militaires. Ce n'est pas tant aux règles des marchés publics qu'il faut déroger, mais aux processus actuels. La DGA lance des défis, injecte par ce biais de l'argent dans les entreprises pour la recherche-développement ou pour parvenir rapidement à la preuve de concept, en six mois, temps acceptable pour la cyber défense. Nous multiplions les process pour répondre au temps court, au temps moyen, au temps long.
Sur la 5G, j'ai réuni des réservistes spécialistes, auxquels j'ai demandé de nous dire en quoi la 5G va modifier la cyber défense. La relation entre le monde de l'expertise et le monde militaire est indispensable pour préparer une réponse aux questions stratégiques.
Général Jean-Jacques Pellerin. - La 5G va faire évoluer l'environnement. On se souvient comment la Tour Eiffel fut équipée par les premiers transmetteurs : les armées étaient en avance ! Aujourd'hui, c'est le monde civil qui tire la défense, mais les militaires sont vigilants pour préparer l'utilisation des nouvelles technologies à des fins de défense. La 5G pourra être utilisée au niveau tactique, et sur le théâtre national, pour Vigipirate par exemple. C'est un domaine maîtrisé et maîtrisable, et nous aurons le temps de nous adapter, dès lors que la technologie existante, la 4G, satisfait les besoins actuels.
Quant au cloud, nous avons entamé une réflexion sur ce qui pourrait être fait et à quel coût. Cloud n'est pas synonyme de « ouvert ». Nous avons identifié trois niveaux de cloud : privé, correspondant à des éléments actifs qui seraient maîtrisés par la Dirisi ; dédié, accessible à un opérateur de confiance ; et celui accessible à un opérateur plus public. Les données transiteraient sur l'un ou l'autre niveau selon le niveau de confidentialité et selon les besoins.
Thales s'est allié à Microsoft pour présenter une offre de cloud. C'est une proposition qu'ils nous font. Nous réfléchissons sur la pertinence de nous orienter vers cette technologie. Il faudra en tout état de cause faire une analyse de la valeur et savoir si le cloud, qui paraît effectivement une voie d'avenir, est la meilleure réponse aux besoins.