Intervention de Yves Crozet

Mission d'information Transports aériens — Réunion du 19 juin 2019 à 16h00
Audition de Mm. Yves Crozet professeur émérite iep lyon et paul chiambaretto professeur à la montpellier business school et chercheur associé à polytechnique spécialistes du transport aérien

Yves Crozet, professeur émérite :

Cette thématique s'inscrit dans des débats actuels, visant à interdire le transport aérien en direction des territoires accessibles en moins de 2 heures 30 par un autre mode de transport. Il s'agit pour moi de gesticulations politiciennes. Le choix de ce seuil interroge. Cette agitation n'a pas vraiment de sens.

Globalement, le trafic aérien domestique en France diminue. Il diminue en termes, d'abord, de nombre de passagers relatifs : il y avait, en 2017, 15 milliards de passagers par kilomètre, soit 1,5 % des passagers motorisés par kilomètre en France. En termes de mouvements d'avions, ensuite. Selon les chiffres de la commission nationale des transports, nous étions à 12 080 mouvements d'avions par jour, et nous en sommes désormais à 850. Le transport aérien domestique se contracte donc. Prenons l'exemple de l'aéroport de Lyon : entre 2007 et 2017, le nombre de passagers a augmenté de 30 %, tandis que le nombre de vols diminuait de 12 %. Cela s'explique par un meilleur remplissage des avions.

La consommation de kérosène des avions en France est relativement stable depuis 2000, alors que le trafic a augmenté de 60 %. Les moteurs des avions consomment beaucoup moins, et les avions sont beaucoup mieux remplis. Le transport aérien est un système qui est aujourd'hui extraordinairement performant : il permet de voyager pour environ 5 centimes par voyageur par kilomètre lorsque nous sommes sur des axes lourds. C'est deux fois moins que ce que l'on paye habituellement pour un TGV et pratiquement cinq fois moins que ce que coûte un déplacement en voiture.

C'est ce succès même du transport aérien qui pose problème. La baisse des coûts est tellement importante que le transport aérien vient se substituer à d'autres modes de transports. Au départ de Lyon, il est par exemple beaucoup moins cher aujourd'hui de faire un week-end à Rome qu'un week-end à Paris. Le succès du transport aérien est essentiellement dû aux compagnies low cost, qui se concentrent sur les grandes plateformes. Nous assistons donc à un phénomène de polarisation, de massification du trafic aérien.

Il existe un éclatement du monde du transport aérien en plusieurs catégories. Celle des compagnies historiques, d'abord, celle du low cost, ensuite, et celle de tous les vols qui ne peuvent pas être rentables, enfin. Dans cette dernière catégorie, l'absence de rentabilité s'explique par le fait que ces lignes opèrent sur des zones de faible densité, à faible potentiel d'utilisateurs du transport aérien, car il y a peu d'entreprises. Ces lignes ne peuvent donc exister que par le subventionnement public.

Cela pose question : il faut certes maintenir un certain nombre de lignes qui sont indispensables, mais faut-il multiplier les aéroports ? La grosse difficulté dans ce domaine est celle des petits aéroports de province. En France, environ 45 aéroports représentent seulement 0,5 % du trafic du transport aérien. Personne n'ose faire de ménage dans ces plateformes aéroportuaires locales car cela pose des problèmes dans l'équilibre politique local. C'est sans doute ce qui a conduit la Ministre Élisabeth Borne lors des Assises du transport aérien à multiplier par quatre les dotations pour le transport aérien local.

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