La proposition de loi relative à l'amélioration de la trésorerie des associations, adoptée par l'Assemblée nationale le 26 mars dernier, est issue d'une proposition de loi de Mme Sarah El Haïry, nommée ensuite rapporteure de la commission des lois, et de plusieurs membres du groupe MoDem. Composée initialement de six articles, cette proposition de loi en compte désormais dix.
Nous sommes tous attachés au monde associatif et nous avons conscience de son rôle de plus en plus important dans la vie de nos communes. Simplifier la gestion des associations et alléger la tâche de ceux qui s'y consacrent est un objectif partagé.
Toutefois, l'examen de cette proposition de loi conduit à penser que plusieurs de ses dispositions font peser sur les collectivités territoriales des contraintes excessives et risquent de fragiliser le lien de confiance qui les lie aux associations.
Aujourd'hui, comme l'a souligné la représentante du Haut Conseil à la vie associative lors de son audition, « la commune est le premier partenaire » des quelque 1,5 million d'associations actives que compte notre pays.
La relation entre collectivités et associations a évolué au cours des dix dernières années. Les subventions aux associations ont parfois baissé et les dotations aux collectivités ont drastiquement diminué. Pour autant, collectivités et associations continuent de travailler ensemble, généralement en bonne intelligence.
Préserver l'équilibre entre associations et collectivités territoriales a été mon principal objectif au cours de l'examen de ce texte.
L'article 1er inscrit dans la loi l'obligation de prévoir, dans les conventions signées entre l'autorité administrative et les associations qui perçoivent une subvention, les conditions dans lesquelles l'organisme à but non lucratif peut conserver un « excédent raisonnable » sur les ressources non utilisées.
À l'origine, cette notion d'« excédent raisonnable », qui vient du droit européen, est une simple faculté. Elle s'inscrit dans le cadre très particulier du régime des subventions qui ne sont pas considérées comme des aides d'État par les instances de l'Union. Les collectivités peuvent donc déjà, en droit, laisser une part des subventions non consommées aux associations.
Les dispositions de l'article 1er vont au-delà : dans toutes les conventions liant une collectivité à une association - je vous rappelle qu'il s'agit d'une obligation pour les associations percevant plus de 23 000 euros - serait prévue la « possibilité », pour une association, de garder un excédent raisonnable dont il faudra discuter.
Cet article interfère avec la pratique des collectivités dans leurs relations avec les associations. Reconnaître un droit à la conservation de subventions publiques semble inadapté à la réalité des collectivités publiques.
De surcroît, comme le souligne à juste titre la rapporteure de l'Assemblée nationale, il n'est pas souhaitable, ni même sans doute possible, de définir ce qu'est un « excédent raisonnable ». II faudra donc que la collectivité s'engage dans une négociation avec chaque association pour déterminer ce que cette notion peut recouvrir.
Au total, cet article me semble imposer une contrainte supplémentaire aux collectivités dans leurs relations avec les associations, raison pour laquelle je vous proposerai de le supprimer.
L'article 1er bis, issu d'un amendement du Gouvernement en séance publique et d'un autre amendement identique du groupe LREM, sans quoi il aurait été frappé par l'article 40 de la Constitution, encadre les délais de versement des subventions aux associations.
À l'instar des délais de paiement applicables aux contrats de la commande publique, le délai de paiement pour l'État et ses établissements publics, ainsi que pour les collectivités territoriales, leurs établissements publics et leurs groupements, est fixé à 60 jours à compter de la notification de la décision d'attribution - c'est-à-dire dès lors que cette subvention est inscrite au budget de la collectivité concernée.
Ici encore, l'intention de préserver la trésorerie des associations est louable. Mais la réalité des collectivités territoriales n'est pas celle-là : aucune collectivité ne peut verser en une seule fois le montant total des subventions prévues à son budget. Les collectivités doivent avoir la possibilité, comme c'est le cas actuellement, de gérer dans le temps les subventions qu'elles versent, alors qu'elles-mêmes reçoivent leurs dotations de manière fragmentée et de plus en plus tardive. Inscrire dans la loi une obligation que les collectivités ne pourront pas honorer paraît mettre inutilement en cause leur responsabilité et celle de l'État. Je vous proposerai donc également de supprimer cet article.
L'article 2, dans sa forme actuelle, est issu d'une réécriture complète proposée en séance par le Gouvernement. Il s'agit de permettre aux associations ayant des liens d'adhésion communs à une union ou fédération d'associations de se consentir des prêts de trésorerie pour une durée inférieure à deux ans à 0 %.
On peut s'interroger sur la portée pratique de ce texte. Le rôle de parapluie donné aux unions et fédérations d'associations pour des prêts entre leurs associations membres ne paraît pas forcément adéquat. Par ailleurs, comment vont s'organiser les relations entre associations prêteuses et emprunteuses en cas de défaut de remboursement ?
Je m'interroge enfin sur l'inscription de la mention d'un « taux zéro » dans le code monétaire et financier, seule mention de ce type à ma connaissance. Pour autant, cet article pouvant permettre de répondre à des difficultés de trésorerie d'associations, je vous proposerai de l'adopter sans modification.
L'article 3 facilite le transfert des dépôts et avoirs des comptes inactifs des associations vers le Fonds pour le développement de la vie associative, le FDVA.
En séance publique, l'Assemblée nationale a transformé la rédaction initiale du texte en se bornant à préciser les informations données par les banques lorsqu'elles transmettent à la Caisse des dépôts et consignation les fonds des comptes en déshérence et en demandant mention dans le rapport annuel de la Caisse. Cet article pourrait être adopté sans modification.
L'article 3 bis, issu d'un amendement du Gouvernement et d'un autre amendement identique de la rapporteure de l'Assemblée nationale, autorise la participation des parlementaires aux collèges départementaux de la commission régionale du FDVA.
Cette mesure est justifiée par le fait que le FDVA bénéficie d'une dotation qui relevait auparavant de la réserve parlementaire. Il s'agit de donner aux députés et aux sénateurs un droit de suivi sur ces sommes. Toutefois, je m'interroge sur la cohérence de cette disposition avec la suppression de la réserve parlementaire. Je vous proposerai donc la suppression de cet article.
L'article 4 inscrit dans la loi la possibilité de confier à des associations d'intérêt général ou à des associations et fondations reconnues d'utilité publique la gestion d'immeubles saisis lors de procédures pénales. Je vous proposerai de compléter cette disposition pour inclure les foncières intervenant dans le domaine du logement social dans le champ des associations susceptibles de se voir confier la gestion d'immeubles.
L'article 4 bis, issu de deux amendements identiques déposés en séance par un certain nombre de députés, exclut du droit de préemption les aliénations à titre gratuit au profit des organisations non lucratives.
Cette disposition constitue une restriction du droit de préemption des collectivités. Si une collectivité décide d'user de son droit de préemption, lequel est extrêmement encadré, pour acquérir un bien dans le cadre, par exemple, d'un projet public, il ne me paraît pas illégitime qu'elle ait priorité sur une association, sur une fondation ou sur une congrégation. Je vous proposerai donc de supprimer cet article.
L'article 5 est une demande de rapport sur la fiscalité des dons et legs et les moyens de développer et promouvoir la philanthropie. L'Assemblée nationale travaille déjà sur cette question.
L'article 5 bis, issu d'un amendement présenté par les députés du groupe LREM et adopté en séance publique, particulièrement technique, harmonise un certain nombre de dispositifs. Cette disposition n'appelle pas de remarques particulières.
L'article 5 ter, également très technique, ne pose pas non plus de problème particulier.
En conclusion, plusieurs des mesures proposées dans ce texte peuvent être utiles aux associations. D'autres, par contre, ne me semblent pas judicieuses. En effet, malgré l'importance et l'engagement des associations dans la vie de notre pays, la loi ne saurait les placer au même niveau que les collectivités territoriales dans le lien qui les unit.