Intervention de Agnès Pannier-Runacher

Réunion du 26 juin 2019 à 14h30
Exploitation des réseaux radioélectriques mobiles — Adoption en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Agnès Pannier-Runacher :

Monsieur le président, madame le rapporteur, monsieur le rapporteur pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, vous examinez aujourd’hui en première lecture en séance publique la proposition de loi sur le déploiement de la 5G et la sécurité de nos réseaux.

Cette lecture est éclairée par le rapport de Catherine Procaccia, fait au nom de la commission des affaires économiques. Avant d’y répondre, je rappellerai les grandes orientations que le Gouvernement défend.

La première orientation consiste à déployer rapidement la 5G sur le territoire. Comme vous le savez, nous sommes entrés dans une course au déploiement de la 5G et les États qui sauront en massifier l’usage sont susceptibles de prendre une avance technologique, notamment en matière industrielle. Il faut donc se donner les moyens non seulement de déployer la 5G en France, mais surtout d’en développer les usages, tant industriels que de services, pour renforcer notre compétitivité. L’infrastructure ne suffira pas : il faut l’activité et les business models qui les accompagnent nécessairement.

La deuxième orientation consiste à expérimenter pour accélérer l’innovation. Les industriels doivent avoir accès aux infrastructures dans de bonnes conditions, mais ils doivent aussi pouvoir expérimenter la 5G facilement.

C’est pourquoi, avec l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l’Arcep, nous encourageons à la création de « bacs à sable » de tests sur la 5G, c’est-à-dire à la création de plateformes d’expérimentations où n’importe quelle entreprise, fût-elle une PME ou une entreprise de taille intermédiaire, peut venir tester son produit en situation réelle.

Les modalités sont simples : pendant trois ans, ces plateformes seront autorisées à utiliser des fréquences 26 gigahertz, et les innovations pourront être testées en s’affranchissant en partie du cadre réglementaire. La France est, semble-t-il, avec l’Allemagne, la plus avancée dans cette démarche. C’est un levier pour gagner du terrain et acquérir une avance technologique.

La troisième orientation consiste à préserver la sécurité de nos réseaux et de nos communications. Tel est l’objectif du texte qui vous est aujourd’hui soumis, mesdames, messieurs les sénateurs.

Dans cette perspective, tous les équipementiers sans distinction doivent être soumis aux mêmes règles, car des vulnérabilités ou des failles de sécurité peuvent être constatées chez tous les équipementiers. En outre, les actionnariats et les stratégies des équipementiers peuvent évoluer dans le temps. Quand on parle de 5G, je le rappelle, on parle de temps long – dix à quinze ans au minimum. À ce titre, il convient d’être très vigilant.

Finalement, cette nouvelle protection ne doit pas retarder l’innovation et la réussite de la 5G.

Il me semblait nécessaire de rappeler ces grands principes avant de commencer le débat en séance.

Madame Procaccia, j’aimerais prendre quelques instants pour répondre à votre rapport. Vous avez à juste titre souligné l’enjeu historique que représente le déploiement de la 5G ; je n’y reviens pas. Nous sommes tous conscients de son importance et de la nécessité d’agir vite, sans précipitation pour autant. Je pense que cette proposition de loi respecte ce principe.

En revanche, madame le rapporteur, je ne partage pas la critique que vous nous avez adressée d’avoir voulu « passer en force ». Depuis nos premiers échanges dans le cadre de l’examen du projet de loi Pacte, nous avons eu de longs débats à l’Assemblée nationale et au Sénat. Nos débats en commission, dans cette assemblée, ont permis de simplifier et de clarifier le dispositif. Je pense à la précision sur le champ d’application du dispositif pour le limiter aux équipements de cinquième génération et de générations ultérieures. Nous écoutons, nous débattons et nous améliorons le texte.

Madame le rapporteur, vous avez également émis des propositions. Ainsi, la commission a supprimé la mention du périmètre géographique d’exploitation dans le dossier de demande. Comme je l’ai affirmé lors de mon audition en commission, il n’est pas question que l’État dicte aux opérateurs leur politique d’achat. Le Gouvernement est donc favorable à cette proposition de clarification, qui est particulièrement bienvenue.

La proposition d’instaurer une autorisation du Premier ministre sous condition me semble en revanche présenter des risques contentieux. La sensibilité du Sénat sur les questions de couverture numérique du territoire est tout à fait compréhensible, et le nouveau dispositif doit être conçu pour avoir un minimum d’impact sur les déploiements des opérateurs. Le fait de qualifier des décisions de deux mois est une réponse.

Toutefois, l’évolution que vous proposez nous semble de nature à fragiliser le dispositif et à nuire à son efficacité, puisqu’elle donnera lieu à des discussions avec les opérateurs et présente des risques contentieux. Or nous gérons un impératif de sécurité nationale et un impératif de souveraineté. Pour cette raison, Gouvernement est défavorable à cette proposition.

La proposition d’étendre le champ du contrôle ou des actes d’ingérences sur les opérateurs aux États membres de l’Union européenne nous semble également poser un problème au regard du principe de la liberté d’établissement au sein de l’Union européenne, d’autant plus que l’effort de protection de la sécurité des futurs réseaux 5G se déroule dans le cadre d’une démarche coordonnée à l’échelon de l’Union européenne, au sein de laquelle la France entend pleinement prendre sa part en partageant des informations avec ses partenaires.

Le droit existant au sein de l’Union européenne prévient les cas dont vous semblez vouloir vous défendre, à savoir qu’un État de l’Union européenne souhaite s’immiscer dans la gestion des réseaux français ; cela ne serait pas possible au regard du droit européen.

Le Gouvernement souhaite donc revenir à la version du texte voté par l’Assemblée nationale, car il considère que cette évolution n’est pas un très bon signal adressé à nos partenaires ; qui plus est, je viens de le dire, elle est déjà traitée par le droit européen.

La commission a proposé des simplifications, notamment la simplification de notre dispositif de contrôle avec la fusion des régimes. C’était une demande des opérateurs à laquelle elle a su répondre.

Nous accepterons tout ce qui simplifiera notre dispositif, tant que notre sécurité et notre souveraineté sont garanties et tant que la vitesse de déploiement n’est pas entravée – je pense que nous partageons largement ce dernier objectif. Ce sont les deux réserves que nous maintiendrons.

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