Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, l’actualité récente a fait naître un climat de défiance, mais aussi une prise de conscience des enjeux liés à la sécurité des réseaux 5G. Un équipementier majeur a été montré du doigt et accusé d’espionner ses clients.
Face à ceux qui crient au loup, nous nous réjouissons que la France choisisse de répondre avec sang-froid, mais sans naïveté. L’objet de la proposition de loi que nous examinons cet après-midi est de proposer un cadre sécuritaire pour le développement de cette technologie.
Les réseaux radioélectriques mobiles sont à l’aube d’une transformation fondamentale, si fondamentale qu’il nous est difficile d’en prévoir les évolutions et de savoir si celles-ci seront positives ou négatives.
À l’évidence, la technologie 5G est porteuse de risques, parce qu’elle est nouvelle, parce que son architecture est très différente de celle de la 4G, parce que les usages auxquels elle est destinée sont eux-mêmes sensibles, enfin, parce qu’elle consacrera l’internet des objets, multipliant ainsi les accès au réseau et, par là même, les failles potentielles.
Malgré ces risques, la France a tout de même choisi de franchir ce cap. Nous nous en réjouissons, car les possibilités offertes par cette technologie sont monumentales. Il nous appartient de définir les modalités de son usage, afin qu’il se réalise dans les meilleures conditions. « L’homme et sa sécurité doivent constituer la première préoccupation de toute aventure technologique », affirmait Albert Einstein. Nous ferions bien de nous en souvenir.
Le groupe Les Indépendants se félicite toujours de l’initiative parlementaire. Il est toutefois plus réservé lorsque la complexité d’un sujet rend particulièrement éclairantes, sinon nécessaires, la réalisation d’une étude d’impact et la saisine du Conseil d’État pour avis qui accompagnent les textes. Cette proposition de loi aurait ainsi pu grandement bénéficier de tels éclairages.
Au-delà de ces considérations, nous estimons que le dispositif envisagé est pertinent. En particulier, il nous semble de bonne économie de faire peser la demande d’autorisation sur les opérateurs télécoms désignés comme « opérateurs d’importance vitale ». Plusieurs options étaient possibles, mais celle-ci nous paraît servir le mieux l’objectif de sécurité nationale, à savoir s’assurer que les réseaux télécoms soient opérationnels et fiables, quel que soit l’équipementier choisi.
Nous avons toute confiance dans la compétence des services du Premier ministre, au premier rang desquels le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale et l’Agence nationale de sécurité des systèmes d’information, pour mener à bien l’examen préalable à l’autorisation d’exploitation.
Nous sommes également satisfaits par l’approche de ce texte, qui a vocation à s’appliquer à tous sans discrimination. C’est juste, car les amis d’aujourd’hui ne seront peut-être pas ceux de demain. C’est pragmatique, car les failles techniques ne sont pas toujours les conséquences d’actes de malveillance. Le faux sentiment de sécurité est un écueil majeur en la matière.
Le groupe Les Indépendants considère que cette proposition de loi permettra de s’assurer que les dispositifs exploités ne présentent pas de risque pour la sécurité nationale.
En revanche, nous tenons à signaler ici notre inquiétude. Si deux équipementiers 5G sont finlandais et suédois, le marché est largement dominé par des acteurs chinois et sud-coréens.
La 5G est une révolution comparable à celle du smartphone, tant par ses implications dans nos vies quotidiennes que par les opportunités industrielles qu’elle offre. Nous ne devons pas manquer ce rendez-vous comme nous avons manqué celui du smartphone. Les téléphones sont aujourd’hui sud-coréens ou américains, et leur système d’exploitation est toujours américain.
Ne commettons pas l’erreur funeste de croire que le concepteur et l’utilisateur sont sur un pied d’égalité. Il est temps que l’Europe – pourquoi pas sur l’initiative de la France, madame la secrétaire d’État ? – se saisisse de la problématique de la souveraineté numérique. Une commission d’enquête sénatoriale est en cours, et nous nous félicitons qu’elle défriche le sujet.
Cette souveraineté nécessitera probablement un volet logiciel et un volet matériel. Où est l’ordinateur grand public français ou européen, le système d’exploitation, ou encore le moteur de recherche ?
Nous soutiendrons cette proposition de loi, parce qu’elle sauvegarde les intérêts de la sécurité nationale. Le groupe Les Indépendants enjoint cependant le Gouvernement de définir et de mettre en œuvre une politique de souveraineté numérique. Cette politique est un enjeu stratégique de long terme, essentiel à l’indépendance de la Nation.