Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, cette proposition de loi relative à la sécurité des réseaux mobiles, en vue du déploiement de la 5G, est révélatrice des profonds changements en cours, au niveau mondial, dans les rapports de force économiques et commerciaux.
En 2014, l’économie chinoise a dépassé celle des États-Unis. Depuis peu, elle surclasse celle de l’Union européenne, avec tout ce que cela implique en termes d’enjeux de souveraineté.
Ne se limitant plus au rôle d’atelier du monde, la Chine a effectué une remontée spectaculaire dans certaines filières comme l’électronique et le numérique, au point d’être en mesure d’y occuper une position dominante et de susciter des craintes plus ou moins fondées.
Ce nouveau rapport de force affecte le secteur des télécommunications, avec l’émergence de l’équipementier Huawei et le déclassement d’acteurs historiques comme Alcatel ou Nokia. Dans la course au progrès, des positions qui semblaient pourtant définitivement acquises se voient désormais particulièrement fragilisées.
C’est dans un contexte mondial où se mêlent compétition économique et enjeux géopolitiques que nous examinons cette proposition de loi, madame la secrétaire d’État. Comme vous le savez, mes chers collègues, ce texte est inspiré d’un amendement proposé lors de l’examen de la loi Pacte, que la Haute Assemblée avait rejeté.
Pour résumer l’enjeu d’une phrase, malgré la technicité du sujet, il s’agit d’apporter une réponse juridique en matière de sécurité au déploiement de la cinquième génération de standards de réseaux mobiles en France.
La 5G est bien souvent présentée comme une technologie de rupture, avec des débits de communication étant jusqu’à dix fois plus rapides que ceux de la 4G et, surtout, de nouvelles applications, comme les véhicules autonomes, la télémédecine ou les infrastructures connectées.
Compte tenu de son incroyable potentiel, la 5G fait d’ores et déjà l’objet d’expérimentations et d’investissements importants par les opérateurs, en vue de son déploiement commercial.
Afin d’accompagner ce déploiement, en 2017, l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l’Arcep, a lancé un plan de bataille. Si le calendrier est respecté – nous l’espérons, madame la secrétaire d’État –, l’agence devrait procéder à l’attribution des fréquences pas plus tard que cet automne.
Si les nouveaux usages que pourrait apporter la 5G pour les consommateurs et les entreprises peuvent être très importants, nous savons aussi quels risques cette technologie pourrait entraîner si elle se déployait en l’absence d’un cadre normatif adapté, notamment en matière de sécurité des réseaux.
Prometteuse, cette technologie apparaît aussi plus vulnérable que celles des générations précédentes : risques de piratage, soupçons d’espionnage liés à un fournisseur d’origine étrangère…
Face à ces incertitudes, le Gouvernement a décidé d’instaurer un nouveau régime d’autorisation préalable, proche de celui qui existe déjà pour les équipements présentant un risque pour le respect de la vie privée et le secret des correspondances électroniques. La réglementation proposée concerne tous les appareils permettant des connexions 5G et « présentant un risque pour l’intégrité, la sécurité, la confidentialité et la continuité de l’exploitation du réseau ».
Notons que cette obligation d’autorisation préalable concerne les opérateurs, à charge pour eux de récupérer les informations auprès des équipementiers. En pratique, cela confère à l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information, l’Anssi, la responsabilité d’instruire les dossiers de demande d’autorisation, en vue d’une autorisation accordée par le Premier ministre dans un délai de deux mois. Notre collègue rapporteur a bien rappelé tout cela, ainsi que la cible, à savoir les opérateurs d’importance vitale.
En cas de non-respect de la procédure d’autorisation préalable, l’opérateur se verra appliquer une sanction pénale calquée sur le régime de l’article 226-3 – une disposition bien connue concernant le secret des correspondances électroniques –, un régime qui, à l’évidence, a fait ses preuves.
On aurait pu imaginer que la charge des démarches ne repose pas sur les seuls opérateurs, mais comment les pouvoirs publics français auraient-ils pu imposer des obligations à des équipementiers implantés, pour la plupart, à l’étranger ? J’ajoute que les conditions d’exploitation relèvent avant tout des opérateurs. Par ailleurs, le danger d’un équipement n’est pas intrinsèque ; il est lié, nous le savons, à la façon dont on l’utilise.
Dans son immense sagesse, la commission des affaires économiques a amendé le texte, afin, notamment, de minimiser l’effet des décisions administratives sur le rythme de déploiement et, surtout, de mieux articuler le nouveau régime d’autorisation préalable avec le régime existant, pour éviter les problèmes d’application. Madame le rapporteur, mon groupe vous suit dans cette démarche.
Toutefois, je présenterai trois amendements à l’article 1er, dont deux portant sur des points qui me semblent plus discutables : la question du périmètre géographique d’exploitation du futur équipement et le problème de la référence aux seuls réseaux 5G pour l’application du dispositif. Mais j’y reviendrai bien sûr lors de l’examen des articles.
Enfin, au-delà de ce débat sur la sécurité des réseaux 5G, je profite de l’occasion pour rappeler l’importance de terminer le déploiement de la 4G, voire de générations antérieures, sur l’ensemble du territoire. En effet, à l’heure actuelle, nombre de zones sont encore mal couvertes, voire pas couvertes du tout. La 5G peut alors y apparaître, madame la secrétaire d’État, comme un objectif bien lointain…
En attendant, les membres du groupe du RDSE voteront cette proposition de loi, car le déploiement de la 5G est un enjeu de sécurité nationale, qui doit être parfaitement appréhendé en amont.