Intervention de Rachel Mazuir

Réunion du 26 juin 2019 à 14h30
Exploitation des réseaux radioélectriques mobiles — Adoption en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Rachel MazuirRachel Mazuir :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, les médias se font régulièrement l’écho de cyberattaques d’envergure en direction des États, au moment des élections présidentielles américaines par exemple, ou en direction de grands groupes industriels. Les plus connues d’entre elles se nomment WannaCry ou NotPetya. Cependant, même si l’on n’en parle pas ou peu, de simples citoyens sont aussi victimes de hackers. Tout cela sous le règne de la 4G !

Aussi, faut-il avoir peur de la 5G ou, à tout le moins, doit-on s’en inquiéter ? Cette question est peut-être exagérée, mais on peut se la poser à la lecture de cette proposition de loi et, surtout, à la lecture des arguments et attendus qui l’expliquent et la justifient. D’ailleurs, la plupart des précédentes interventions soulignent peu ou prou cette inquiétude.

Pour confirmer ce sentiment, il suffit de lire la déclaration de la Commission européenne, qui a cru nécessaire d’alerter les États membres le 26 mars 2019 en expliquant que : « Les réseaux de cinquième génération seront à l’avenir l’épine dorsale de nos sociétés et de nos économies, reliant des milliards d’objets et de systèmes, y compris dans des secteurs critiques comme l’énergie, les transports, les banques et la santé, ainsi que des systèmes de contrôle industriel qui véhiculent des informations sensibles – nous en connaissons tous – et étayent des dispositifs de sécurité ».

Je n’oublie pas l’émergence de technologies qui seront sans doute dopées par la 5G : je veux parler de l’industrie 4.0, une nouvelle génération d’usines connectées, robotisées et intelligentes.

Néanmoins, la Commission européenne insiste encore et invite les États à prendre, le cas échéant, les mesures nécessaires pour garantir cette sécurité. Elle suggère – pour ma part, je trouve qu’elle le fait de manière péremptoire, mais pourquoi pas ! – « l’obligation renforcée, pour les fournisseurs et les opérateurs, de garantir la sécurité des réseaux. » On ne peut qu’être d’accord avec cette préconisation. La 5G repose et reposera de plus en plus sur des équipements virtuels, des réseaux déconnectés qui accroîtront sa vulnérabilité.

Sans entrer dans des détails trop techniques, que d’autres ici maîtrisent d’ailleurs sûrement mieux que moi, il faut constater que, jusqu’à présent, les fonctionnalités reposaient sur des éléments physiques, les logiciels étant eux-mêmes disséminés dans ces équipements.

Avec la 5G, les logiciels seront réunis dans le cloud, c’est-à-dire un stockage et un accès par l’intermédiaire d’internet, plutôt que par le disque dur d’un ordinateur, les serveurs pouvant être localisés ailleurs, à des distances importantes ou, du moins, plus importantes. La circulation des données sera de fait beaucoup moins centralisée.

Les antennes deviennent elles-mêmes actives et intelligentes. Les informations de plus en plus déconcentrées sont en conséquence davantage vulnérables et peuvent davantage être interceptées. C’est entre autres pour l’une de ces raisons, j’imagine, que la commission des affaires étrangères et de la défense s’est saisie de ce sujet pour avis.

La sécurité des réseaux est d’une importance vitale pour notre société et, au premier chef, pour nos forces de sécurité : gendarmerie, police, services de secours et d’incendie et, plus encore, armées. Ces forces interviennent et s’appuient sur les réseaux civils de télécommunication pour leurs activités opérationnelles sur le territoire national. Elles sont donc directement concernées par le développement de la 5G et tout particulièrement sensibilisées à sa potentielle vulnérabilité.

Des expérimentations de la technologie 5G ont été lancées en France en 2018. Comme vous le savez, l’attribution des bandes de fréquences est prévue pour la fin de l’année. Le déploiement des équipements devrait commencer en 2020, avec un achèvement éventuel en 2022 ou 2023 ; d’où l’examen en procédure accélérée de cette proposition de loi après le rejet d’un d’amendement déposé à l’occasion de la discussion de la loi Pacte. Le sujet, madame la secrétaire d’État, méritait manifestement mieux qu’un amendement.

Avons-nous pour autant satisfait ou épuisé le sujet, tout en ayant répondu à toutes les interrogations ? Certainement pas ! Le directeur de l’Anssi disait lui-même que toutes les ressources de la 5G n’avaient pas été explorées et qu’il s’en fallait de beaucoup.

Pour autant, ce texte que l’on nous demande d’adopter dans l’urgence est indispensable. On peut regretter cette urgence, qui nous a privés d’un travail parlementaire beaucoup plus approfondi – certains orateurs l’ont déjà dit –, mais ce texte est une réponse appropriée pour le moment.

Je rejoins ma collègue Viviane Artigalas pour souhaiter un suivi permanent de cette technologie, par essence particulièrement évolutive et nécessitant en conséquence des adaptations régulières.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion