Intervention de Axel Dyèvre

Délégation sénatoriale à la prospective — Réunion du 20 juin 2019 à 8h30
Audition de Mm. Olivier daRrason président-fondateur et axel dyèvre directeur associé de ceis

Axel Dyèvre, directeur associé de CEIS :

Je suis un ancien officier de l'armée française. Lorsque j'ai débuté mon parcours, on faisait de l'algorithmique, qui est désormais devenue l'IA. Lorsque nous utilisions des calculateurs pour des tirs de missiles, nous faisions en réalité de l'IA sans le savoir. L'ordinateur se voit déléguer plusieurs fonctions : il prend en charge le calcul, la proposition voire l'action.

L'IA n'est pas une perspective future mais est déjà très présente aujourd'hui : on est réveillé par un appareil, on demande à un appareil la météo ou l'itinéraire à suivre pour se rendre à ses rendez-vous et ces appareils sont capables d'analyser et de communiquer entre eux. Mon téléphone se déverrouille en me reconnaissant grâce à l'IA et en ayant, par exemple, appris à me reconnaître avec ou sans mes lunettes.

On doit distinguer entre IA locale et IA centralisée : c'est l'approche Apple contre l'approche Google. Le logiciel de gestion de photos d'Apple fait une reconnaissance de visages et fonctionne en local, même si l'on coupe l'accès à Internet. Cette approche privilégie l'algorithme sur la masse de données. Avec le gestionnaire de photos de Google, la reconnaissance de visages se fait via le cloud. L'IA locale consomme de l'énergie et a des gros besoins de calcul. Mais elle présente l'avantage de ne pas dépendre d'une connexion. L'IA centralisée dépend fortement des bibliothèques de connaissances et de volumes importants de données de référence. En IA centralisée, on obtient de meilleurs résultats en croisant des masses de données et des calculs.

Il existe une illustration parlante permettant de caractériser l'IA : un ordinateur a besoin de 500 000 images de chiens pour reconnaître sans erreur un chien alors qu'un enfant reconnaît un chien après n'en avoir vu que quelques-uns. L'IA par nature est très focalisée et peu polyvalente. Un ordinateur est capable de compléter une symphonie inachevée en regardant la masse des oeuvres disponibles, mais n'aura jamais l'idée de composer une symphonie. Un robot ne sait d'ailleurs qu'appliquer les règles - dans le film Terminator, ce dernier passe son temps à répéter qu'il est programmé pour exécuter une mission. Le mot « intelligence » dans l'expression « intelligence artificielle » est un abus de langage, une expression séduisante pour aller chercher des crédits de recherche dans les années 1950. Luc Julia, l'inventeur de l'assistant vocal Siri a affirmé dans un livre que l'intelligence artificielle n'existait pas. En matière de défense, les axes d'utilisation de l'IA diffèrent selon les pays. Les Américains utilisent l'IA pour augmenter les capacités du soldat avec une doctrine offensive. Les Chinois cherchent à augmenter leur système d'armes dans une logique défensive d'interdiction. Les Russes utilisent l'IA comme un démultiplicateur de forces. Les Israéliens utilisent l'IA pour accélérer leur temps de réaction.

L'IA est un multiplicateur de capacités de l'intelligence humaine mais pas un substitut à celle-ci. Il ne faut pas se laisser abuser par les progrès logiciels. Ce sont les capacités de calcul, les machines, le hardware, qui ont permis aux logiciels d'enregistrer d'importantes performances. L'IA est devenue très performante mais rencontre aussi ses propres limites : l'ordinateur n'arrive pas à anticiper l'imprévisible.

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