Je suis très heureuse de vous présenter aujourd'hui le bilan de mon premier mandat, ma vision de la Française des jeux, ainsi que mon projet. J'espère que vous m'accorderez votre confiance pour me permettre de poursuivre la transformation et surtout le développement de l'entreprise.
Aujourd'hui, comme l'a rappelé le président, le projet de privatisation est sous les feux des projecteurs, avec la vaste refondation de la régulation qui l'accompagnera. Par ailleurs, le Gouvernement a annoncé récemment son intention de lancer la préparation d'une introduction en bourse de la Française des jeux ; je ne doute pas que ces points susciteront de nombreuses questions de votre part.
Au préalable, permettez-moi de vous présenter l'entreprise et de vous parler de son évolution depuis cinq ans.
La Française des jeux est une entreprise assez exceptionnelle eu égard à son activité, bien sûr, mais, surtout, à l'attachement qu'elle suscite : elle jouit d'une forte notoriété auprès du grand public ; elle bénéficie d'un fort taux d'engagement de ses salariés et elle a des relations très fortes avec l'ensemble des parties prenantes, notamment historiques - je fais allusion aux actionnaires historiques que sont les associations d'anciens combattants.
Forte de ses racines, cette entreprise a besoin de s'inscrire dans le monde d'aujourd'hui. Lorsque j'ai pris mes fonctions à la fin de l'année 2014, j'ai engagé un nouveau plan stratégique, qui a été approuvé par le conseil d'administration de l'entreprise en juillet 2015 et sur la base duquel nous avons considérablement fait évoluer l'entreprise.
Le secteur des jeux d'argent et de hasard connaît depuis quelques années d'importantes évolutions, avec des enjeux majeurs, au premier rang desquels le risque d'un vieillissement des joueurs, voire d'une réduction de leur nombre, un risque d'autant plus fort avec le développement des usages numériques. Qui plus est, depuis 2010, date de l'ouverture à la concurrence du marché des paris sportifs en ligne, l'univers est beaucoup plus concurrentiel, même si l'essentiel de l'activité de l'entreprise s'opère dans un cadre monopolistique.
Le plan a consisté à s'appuyer sur les atouts de l'entreprise, avec l'objectif de renouveler assez largement la manière dont l'entreprise interagit avec ses clients, afin de lui permettre de poursuivre sa croissance, tout en restant attachée à son modèle de valeurs, son modèle historique et un modèle de régulation. Pour ce faire, nous avons engagé des investissements considérables pour numériser notre offre et notre distribution, pour moderniser notre réseau de points de vente et, par là même, soutenir un maillage territorial étroit, en vue de participer à la croissance du marché des paris sportifs et de développer de manière générale l'innovation, tout en poursuivant notre engagement en matière de jeu responsable et en valorisant nos actifs technologiques.
La Française des jeux est le principal opérateur de jeux d'argent et de hasard en France : elle gère des droits exclusifs sur la loterie dans les points de vente et en ligne ainsi que sur les paris sportifs dans les points de vente ; elle opère également sur les paris sportifs en ligne, dans un marché en forte concurrence. C'est la deuxième loterie européenne derrière la loterie italienne Automatica et la quatrième loterie mondiale, sachant que les deux premières sont chinoises. Le montant des mises à la fin de l'année 2018 s'élevait à 15,8 milliards d'euros, avec une croissance régulière de l'ordre de 4 % depuis 2014. Elle a redistribué 10,7 milliards d'euros aux joueurs sous forme de gains et 3,5 milliards d'euros au titre des contributions aux finances publiques. L'entreprise compte 2 500 salariés - 500 dans des métiers technologiques, 300 dans le marketing et 800 dans le domaine commercial, les trois secteurs les plus importants.
Concernant la numérisation de nos activités, nous avons atteint notre objectif de 20 % de mises numérisées, soit des mises en ligne, soit des mises faites par des moyens numériques dans le réseau - et c'est là un point très important de notre stratégie pour conserver une certaine attractivité auprès de nos joueurs. Ainsi, notre base de clients est large. Pour ce faire, nous avons construit un écosystème d'innovation, avec un certain nombre d'investissements dans des fonds d'investissement, de partenariats avec la Web School Factory, par exemple, l'accueil du premier incubateur français dédié à l'expérience client omnicanale dans notre nouveau siège.
Nous avons également beaucoup investi sur les paris sportifs, un marché encore en construction en France, qui est donc en forte croissance. Nous avons réussi à insuffler un dynamisme dans nos points de vente, ce qui n'était pas acquis eu égard à la concurrence du marché en ligne. Le marché des paris sportifs dans les points de vente a crû de 20 % l'année dernière, ce qui est une belle réussite, même si le marché en ligne a augmenté, quant à lui, de 50 %. Nous investissons évidemment sur le marché en ligne parce que nous ne voulons pas nous retrouver marginalisés.
Nous avons développé des activités pour valoriser les actifs de la Française des jeux, rendre notre modèle d'affaires plus résilient et assurer des relais de croissance pour demain. À cet égard, je citerai notre développement à l'international : nous vendons notre savoir-faire à d'autres loteries sous la marque FDJ Gaming Solutions et nous menons des expériences dans le domaine des services et du divertissement.
Pour favoriser l'innovation et développer le numérique, nous nous sommes appuyés sur ce qui constitue, à mes yeux, l'ADN de l'entreprise, à savoir notre réseau de proximité. Je l'ai dit, la Française des jeux est proche des Français et elle a un fort impact économique et social, que nous mesurons tous les ans, depuis trois ans, grâce à une étude réalisée par un organisme indépendant. Ainsi, en 2018, la Française des jeux a créé ou maintenu sur l'ensemble du territoire plus de 50 000 emplois et a contribué au produit intérieur brut (PIB) à hauteur de 5,4 milliards d'euros. Notre réseau, le premier réseau de proximité en France, comprend plus de 30 000 points de vente, qui sont accessibles à moins de dix minutes à pied en ville et en voiture en zone rurale par plus de 90 % de la population. Notre réseau, qui n'est pas propre à la Française des jeux, permet à des réseaux de proximité comme les bars-tabac-presse et les distributeurs de presse en particulier d'avoir une activité complémentaire. D'ailleurs, nous avons récemment réussi à stabiliser ce réseau, qui avait tendance à diminuer, en engageant trois types d'actions.
Premièrement, nous avons investi à hauteur de 180 millions d'euros pour moderniser ce réseau, en proposant des équipements plus modernes. Deuxièmement, nous avons entrepris de recréer des points de vente avec nos partenaires du réseau pour compenser la fermeture de bars-tabac et distributeurs de presse, qui est due à leur activité principale. Troisièmement, nous avons complété ce réseau par une diversification, qui reste pour l'instant marginale, mais qui nous a permis de stabiliser, pour la première année, le nombre de points de vente à 30 000, contre plus de 40 000 voilà dix ans. Cela a été rendu possible grâce aux nouvelles relations que nous avons nouées avec nos partenaires de ce réseau historique, à savoir la Confédération nationale des buralistes et Culture Presse : nous avons passé un accord avec eux en février 2018 aux termes duquel nous avons revu la structure de la rémunération que nous leur versons pour favoriser leur développement et le nôtre, aligner nos intérêts et introduire une différenciation de leurs commissions en fonction du type de jeu. Cet accord se traduira, à la fin d'année 2019, par une augmentation de l'ordre de 0,3 point de la rémunération moyenne - en 2018, nous avons versé 785 millions d'euros au réseau - ; nous avons donc un poids important dans le soutien économique de ce réseau.
Parallèlement, nous avons transformé notre force de vente, ce qui nous a permis, à la fois, d'améliorer notre performance commerciale et de professionnaliser l'accompagnement de notre réseau, en particulier quant à la gestion des risques. En effet, nous gérons le risque d'addiction, mais aussi les risques de blanchiment, de fraude et de manipulation des compétitions sportives.
À cet égard, je dirai un mot sur le jeu responsable, qui fait partie de la mission de l'entreprise et, d'une manière plus structurelle, de la pérennité du modèle de l'entreprise. J'ai d'ailleurs pris l'engagement spontané de consacrer 10 % de mon budget concernant la publicité à la télévision au jeu responsable : des campagnes portent, par exemple, sur l'interdiction du jeu aux mineurs ou, de manière générale, sur le jeu responsable. L'entreprise a consacré des moyens très importants pour faire connaître et faire appliquer la loi, à savoir l'interdiction du jeu des mineurs, dans le cadre de campagnes d'information, notamment à la télévision pendant les événements sportifs, des moments clés pour communiquer sur ce sujet, ou en formant nos détaillants et en les contrôlant, avec des sanctions financières. Nos résultats sont en progrès, même s'ils restent insatisfaisants eu égard à l'objectif fondamental de politique publique. C'est pourquoi nous allons continuer à investir sur ce sujet : outre les sanctions financières prévues dans nos contrats, des amendes ont été votées dans le cadre de la loi Pacte.
Je rappelle que la part du jeu dans le revenu des ménages français reste modérée par rapport à celle d'autres pays. Selon l'Observatoire des jeux, organisme indépendant, la prévalence du jeu problématique reste faible et les jeux de la Française des jeux sont les moins addictifs dans le secteur des jeux d'argent et de hasard.
Je terminerai mon propos en vous parlant de l'engagement sociétal de la Française des jeux.
Concernant le sport français tant professionnel qu'amateur, notre engagement se fait via l'affectation des mises que vous votez chaque année à destination hier du Centre national pour le développement du sport (CNDS) et, désormais, de l'Agence nationale du sport. Par ailleurs, nous oeuvrons au travers de l'équipe de cyclisme Groupama-FDJ, de différents partenariats pour favoriser la mixité et le sport féminin notamment. À cet égard, je ne résiste pas au plaisir de vous dire que l'équipe cycliste FDJ-Nouvelle Aquitaine-Futuroscope est championne de France depuis le week-end dernier.
Le patrimoine est une cause plus récente, qui est cohérente avec le caractère de notre entreprise, notamment en termes d'implantation territoriale. Le loto du patrimoine a permis de verser l'an passé 22 millions d'euros à la Fondation du patrimoine, lesquels ont été abondés d'une somme quasi équivalente par l'État via le budget du ministère de la culture. Sur les 269 sites, 230 ont déjà commencé à bénéficier de ces financements. Nous allons renouveler l'opération en 2019 : un super loto est prévu le 14 juillet prochain.
Enfin, depuis 2018, les actions de la Fondation Française des jeux portent sur l'égalité des chances. Celle-ci soutient plus de 100 associations et elle est dotée d'un budget de 18 millions d'euros sur cinq ans.
Pour conclure, j'évoquerai la privatisation de la FDJ, une décision de notre actionnaire, qui a été votée dans le cadre de l'article 137 de la loi Pacte, laquelle a été promulguée le 22 mai 2019.
Permettez-moi de rappeler quelques éléments principiels. Lors des débats parlementaires, tous les arguments ont été, me semble-t-il, exposés. La loi Pacte a assez largement répondu à un certain nombre de questions.
L'entreprise restera sous le contrôle étroit de l'État, qui a annoncé vouloir rester actionnaire de l'entreprise à hauteur de 20 % minimum et va surtout conserver un certain nombre de droits exorbitants du droit commun pour assurer ce contrôle, avec un commissaire du Gouvernement au conseil d'administration ou un droit de regard sur certaines opérations liées à la mise en oeuvre de la régulation et au franchissement de seuil au capital. La qualité et la force de la régulation sont en effet des aspects fondamentaux, comme l'a souligné le ministre lors des débats. La majorité des acteurs du secteur des jeux d'argent et de hasard en France sont privés, à l'instar d'ailleurs des grands acteurs internationaux du secteur de la loterie. La Française des jeux est aujourd'hui régulée, et elle le sera demain plus encore, avec la mise en place prévue d'ici au 1er janvier 2020 d'une autorité de régulation indépendante, en vue de renforcer la cohérence en matière de régulation du secteur entre les activités exercées sous droits exclusifs, notamment la Française des jeux, et les activités exercées en concurrence. Ce régulateur sera donc le gardien du respect des objectifs de préservation de l'ordre public et de l'ordre social, qui sont au coeur de la politique des jeux en France - et tel est l'objet du projet d'ordonnance que le Gouvernement prépare et qui devrait être publié dans les prochaines semaines.
En outre, la Française des jeux continuera de contribuer aux finances publiques au travers de la fiscalité des jeux. Ainsi, l'article 138 de la loi Pacte prévoit le passage d'une fiscalité sur les mises à une fiscalité sur le produit brut des jeux (PBJ), avec l'objectif de maintenir dans le temps des grands équilibres et, notamment, de préserver les intérêts des finances publiques, quel que soit l'actionnariat. La privatisation se fera à périmètre constant des droits exclusifs confiés à l'entreprise ; elle ne modifie donc pas notre périmètre d'activité. Je suis, pour ma part, convaincue que la force et la continuité de nos engagements, notamment en matière de jeu responsable et d'impact économique et social, font partie intégrante de notre modèle économique et social.
La privatisation constitue évidemment une évolution très importante de l'entreprise, mais elle nous offre surtout, selon moi, l'opportunité d'augmenter notre capacité à mettre en oeuvre notre stratégie, à renforcer notre agilité, à nous donner des perspectives complémentaires de développement et de partenariat, notamment à l'international, dans le droit fil des actions que je conduis depuis cinq ans. C'est la raison pour laquelle je suis prête à mener ce projet d'évolution du capital, avec la volonté d'en faire un facteur supplémentaire de valorisation et de développement de l'entreprise pour les actionnaires, mais aussi pour l'ensemble des parties prenantes, c'est-à-dire les salariés de l'entreprise et l'ensemble des acteurs impliqués.
J'espère vous avoir convaincus de mon envie de poursuivre ma mission à la tête de cette entreprise, à laquelle je suis extrêmement attachée.