Intervention de Odile Renaud-Basso

Commission des affaires économiques — Réunion du 26 juin 2019 à 9h00
Table ronde sur la refonte du dispositif public d'appui au commerce extérieur

Odile Renaud-Basso, directrice générale du Trésor au ministère de l'économie et des finances :

Madame la Présidente, comme vous l'avez indiqué, c'est la première fois que je m'exprime devant vous depuis ma nomination. La refonte du dispositif public d'appui au commerce extérieur est importante et nous mobilise beaucoup. Cet échange est donc très utile. Vous avez auditionné les opérateurs - Business France, Bpifrance et les CCI France. Je vais essayer d'apporter le point de vue de la tutelle de ces opérateurs sur le déploiement de cette réforme et la mise en place de la « Team France ». Je vous présenterai également les défis que nous avons à relever en matière de commerce extérieur et de performance à l'export de nos entreprises. Cela touche à des sujets allant au-delà des seules institutions, mais liés à la politique économique. C'est la raison pour laquelle nous travaillons main dans la main avec le Quai d'Orsay.

La mise en oeuvre des annonces de Roubaix et la réforme du dispositif du soutien à l'export, lancée par le Gouvernement, sont en cours de déploiement.

Le constat - tel que vous l'avez décrit - appelait une réforme. Nous faisons face à un déficit commercial significatif et récurrent depuis le début des années 2000 : 59,3 milliards de déficit en 2018. Cela a des conséquences sur notre solde courant : il est légèrement négatif. Nous sommes ainsi dans une situation très différente de celle de l'Allemagne, et qui témoigne du manque de vitalité à l'export de notre appareil productif. Or, la capacité de vendre à l'extérieur dans un monde de plus en plus mondialisé se traduit en emplois et en capacité à innover sur notre territoire. Nous observons depuis plusieurs années une augmentation du nombre d'entreprises exportatrices - 125 000 en 2018. C'est le niveau le plus élevé depuis 10 ans, mais il reste inférieur à celui du début des années 2000 où plus de 130 000 entreprises françaises exportaient. S'il témoigne d'une amélioration progressive de nos performances à l'export, nous restons en deçà de l'Allemagne, mais également de l'Italie qui possède un tissu dynamique à l'export de PME et ETI, malgré ses difficultés économiques.

Le précédent dispositif d'accompagnement à l'export n'offrait pas satisfaction. Trop d'acteurs publics comme privés agissaient sans coordination, voire en concurrence. Ce système était illisible pour les entreprises et peu efficace. En outre, le dispositif à l'international fonctionnait de manière autonome, sans lien avec le dispositif présent sur les territoires, alors même que la bataille de l'export se joue en premier lieu dans ceux-ci.

Les principes de la réforme ont été annoncés le 23 octobre 2018. Je pense que les opérateurs vous les ont présentés en détail. Son objectif premier est d'avoir un dispositif unifié, complet et lisible par les entreprises, avec des guichets uniques chargés d'identifier et de préparer efficacement les entreprises à l'export sur la base d'un nouveau partenariat entre les régions - dans la logique de la loi NOTRe -, Business France, les CCI et Bpifrance.

À l'étranger, nous avons rationalisé le dispositif afin de gagner en efficacité. Des correspondants uniques à l'export ont été désignés. Nous nous appuyons sur des outils numériques ; un système de gestion de la relation client (CRM) public pour l'export est en cours de déploiement entre les différents acteurs. Enfin une plateforme régionale des solutions a vu le jour. Elle permet de faciliter le travail en commun et, pour les entreprises, d'identifier et d'avoir accès à l'ensemble des appuis possibles en matière d'aide à l'export.

Seize mois après, des guichets uniques existent dans onze régions. Depuis le 1er janvier 2019, 235 conseillers internationaux issus de Business France et des CCI ont été désignés dans toutes les régions, afin de d'identifier en amont les entreprises. En effet, l'un des enjeux est de détecter le plus tôt possible les entreprises qui ont du potentiel à l'export, mais qui n'iraient pas d'elles-mêmes vers cette voie, vue comme trop coûteuse, trop compliquée.

À l'étranger, la réforme se déploie selon le calendrier prévu. Business France a mis en place des concessions de services publics avec des acteurs privés dans six pays. Nous avons décidé de tester ce système dans les pays suivants : la Belgique, la Norvège, Singapour, le Maroc et la Hongrie. En effet, ils représentent une palette diversifiée de pays : membres de l'Union européenne, non membres de l'Union européenne, un pays asiatique. En outre, Business France teste un deuxième type de solution dans trois autres pays (Hong Kong, le Japon et la Russie) à partir du 1er juillet : les marchés de services publics.

Les outils numériques sont en cours de déploiement. Les plateformes régionales ont été lancées à Rouen le 17 juin en présence du Premier ministre. Elles seront déclinées sous la forme de quatorze portails régionaux. L'outil de gestion des clients a été lancé dans quatre régions en avril : la Nouvelle-Aquitaine, la Normandie, les Hauts-de-France et l'Île-de-France. Ces outils seront déployés sur l'ensemble du territoire en septembre.

En parallèle à cette réforme institutionnelle et organisationnelle, nous adaptons nos outils de soutien à l'exportation aux petites entreprises. Cette responsabilité incombe à la DG Trésor qui doit évaluer les besoins des entreprises et les risques financiers. Les PME sont essentielles pour atteindre l'objectif de 200 000 entreprises exportatrices. Nous avons réformé l'assurance prospection. Elle est gérée par Bpifrance. Nous l'avons rendu plus simple et plus attractive. Les premiers résultats sont là : + 17 % en un an du nombre d'assurances distribuées. Ces assurances aident les entreprises à aller prospecter de nouveaux marchés, en couvrant une partie du risque qu'elles prennent. Cela représente pour l'État un risque non négligeable, mais cet outil est utile aux PME. Nous sommes également passés d'une logique de guichet à une logique de conquête pour les outils financiers, afin de mieux aider les primo-exportateurs et combattre l'idée selon laquelle les garanties financières seraient réservées aux grands groupes. Nous souhaitons que le nombre de bénéficiaires de l'assurance-crédit croisse de 25 % par an. Bpifrance est maintenant gestionnaire de cette assurance. L'accès devrait donc être plus structuré et spontané avec le tissu des PME en France. Cela devrait faciliter ce développement.

Enfin, les outils financiers ont été complétés avec des projets stratégiques. Ils permettent de soutenir des opérations stratégiques pour l'économie française, même en l'absence de contrats d'exportation sous-jacents. Les premiers projets sont en cours d'instruction. Il s'agit d'accompagner des projets de développement à l'international qui ne comportent pas seulement un volet exportation, mais bien une implantation à l'étranger.

Dans ce contexte, nous travaillons étroitement avec la direction générale de la mondialisation du Quai d'Orsay (DGM). Vous posiez la question de l'articulation et du rôle des différentes administrations centrales. Nous travaillons chacun avec son prisme - nous plutôt économique, la DGM avec une approche plus diplomatique. Une convention a été signée en 2014. Elle définit les principes de coopération. Tous les services chargés du commerce extérieur et du développement international doivent travailler en bonne intelligence, afin de faciliter l'articulation et renforcer les synergies. Nous travaillons particulièrement au titre du commerce extérieur sur la situation macroéconomique. Nos équipes analysent son évolution. Nous intervenons également dans d'autres domaines : le financement des exportations, la tutelle de Bpifrance, les investissements directs étrangers et l'attractivité du territoire, ainsi que les sujets relatifs aux négociations commerciales multilatérales et bilatérales, pour lesquelles nous assurons la représentation française au niveau européen et dans les instances internationales - à l'OMC. Le ministère de l'Europe et des affaires étrangères participe aux différents comités présidés par le Trésor ou Bpifrance afin d'attribuer les garanties export ou des fonds. Il est associé à toute mesure d'internationalisation des outils de financement à l'exportation. Notre coopération est très étroite. Elle permet aux deux ministres de disposer d'un outil directement opérationnel, professionnel et dédié à l'ensemble des missions relevant de nos deux directions.

Lorsque l'on réfléchit aux enjeux à l'export, il y a certes l'efficacité des dispositifs, mais plus fondamentalement notre compétitivité et son amélioration. Pour exporter, il faut avoir le bon produit au bon prix, par rapport aux positionnements de nos concurrents. Nous partons d'une situation avec un déficit de compétitivité aux conséquences graves. Toutefois, celui-ci se réduit. La détérioration de notre compétitivité à partir du début des années 2000 s'explique par la dynamique défavorable de notre commerce extérieur depuis une vingtaine d'années. Cela s'est traduit par l'accumulation de déficits commerciaux et la réduction de nos parts de marché au niveau mondial. En 2000, nos parts de marché représentaient 5 % du marché mondial. Elles sont aujourd'hui de 3 %. Il faut toutefois noter que nos parts de marché se stabilisent depuis plusieurs années : nous avons enrayé la baisse régulière de celles-ci.

La compétitivité d'un pays peut être mesurée indirectement par l'écart du solde courant de la balance des paiements par rapport à son niveau d'équilibre. Selon ce critère, la France a un léger déficit de compétitivité. Nous sommes donc en situation défavorable par rapport aux autres grands pays de la zone euro et à la zone euro dans son ensemble - à l'équilibre.

En matière de compétitivité coût, les coûts de production de la France apparaissent aujourd'hui globalement dans la moyenne. Cela est dû aux efforts réalisés sur les coûts salariaux unitaires, et notamment l'effet des allégements de charges sur le travail instaurés à compter de 2013-2014 : le CICE, le pacte de responsabilité, les nouvelles mesures d'allégement de charges autour du SMIC décidées par le présent gouvernement. Ces mesures ont un effet clair sur le coût du travail. Elles contribuent à améliorer notre compétitivité coût.

Notre compétitivité hors coût est relativement stable depuis 2000. Toutefois, elle a souffert de l'affaiblissement de notre appareil productif industriel et de gains de productivité limités ces dernières années. Cette faiblesse n'est pas spécifiquement française, mais elle limite le rattrapage possible de la France sur la compétitivité hors coût.

Afin de répondre à ce constat, plusieurs mesures de politiques économiques apparaissent fondamentales, afin de traiter les problèmes à la racine : la réforme du marché du travail, la transformation du CICE en baisse de charges pérenne afin de donner plus de stabilité aux entreprises, la réforme de la formation professionnelle. Il faut améliorer l'employabilité de la main d'oeuvre, stimuler l'emploi et accroître la productivité du travail. Nous sommes face à un paradoxe : il existe des difficultés de recrutement sur des emplois spécifiques, nécessitant un besoin d'adaptation de la main d'oeuvre. La loi PACTE doit permettre un allégement des règles applicables aux entreprises, en matière de seuils par exemple. La réduction du taux de l'impôt sur les sociétés, la réduction de la fiscalité du capital, laquelle vise à soutenir l'investissement dans l'innovation et à libérer le potentiel de nos économies, doivent contribuer à améliorer notre compétitivité. Il en est de même des investissements dans la transition écologique, des innovations de rupture et des mesures prises dans le cadre du Grand plan d'investissement. Tous ces éléments sont essentiels afin de préparer l'avenir et renforcer notre potentiel productif à long terme. J'inclus dans ce champ le renforcement du système éducatif. À long terme, l'effet est important sur les performances de l'économie.

Le Gouvernement travaille actuellement sur le pacte productif. Comme indiqué précédemment, plusieurs mesures ont été prises pour agir sur le niveau macro-économique. Nous travaillons désormais sur une approche méso-économique, au niveau des filières et des secteurs d'activités. Elle vise à identifier les opportunités et les besoins de financement, à moyen et long termes, à travers la mobilisation de leviers transversaux et sectoriels. Des groupes de travail ont été mis en place par grands secteurs d'activités : numérique, industrie, agriculture... Des consultations sont prévues.

L'amélioration de notre performance à l'export ne peut se concevoir que dans un contexte équitable et de juste concurrence à l'international. C'est l'enjeu des négociations commerciales. Si les autres pays ne respectent pas les règles du jeu, ou en appliquent des différentes, la France part avec un handicap initial important. Il y a tout d'abord la question de l'égalité concurrentielle dans le soutien à l'export. C'est un sujet de préoccupation. Les règles de l'OCDE sont contraignantes. Elles permettent d'encadrer ce que chacun fait. Or, certains pays n'appliquent pas ces règles. Nous essayons aujourd'hui de les inciter à participer aux dispositifs de coordination et de respect de standards minimum.

En outre, il ne faut pas négliger la politique commerciale européenne. Cette dernière fait l'objet aujourd'hui d'une attention particulière dans un contexte de recrudescence des tensions commerciales et de crise du multilatéralisme. La mise en place d'une nouvelle Commission européenne et d'un nouveau Parlement européen est le bon moment pour définir un nouvel agenda stratégique de l'Union européenne, dans un monde en profond bouleversement. Il nous parait très important que l'Union européenne assume réellement son rôle. Elle est le bon niveau pour négocier en termes de poids relatif. Elle doit pouvoir assumer pleinement un rôle de leadership dans un système multilatéral fondé sur des règles de level-playing field renforcées, avec l'OMC en son centre. Or, de très fortes tensions existent entre une stratégie bilatérale de négociations et des mesures de tarification mises en place de façon unilatérale. En outre, l'Union européenne peut peser sur le débat en cours relatif à la possibilité de renforcer les règles de l'OMC, afin de disposer de règles permettant de régler les différends, mais aussi de traiter les questions de subventions et de prise en compte des distorsions dans le fonctionnement d'un certain nombre d'économies.

Sur le plan européen, nous plaidons très fortement pour un rééquilibrage de la politique commerciale européenne. L'Union européenne a concentré ses efforts sur la négociation d'accords bilatéraux, comme le CETA ou avec le Japon. Ces accords sont importants. Ils constituent une assurance dans un moment de remise en cause du système multilatéral. Toutefois, il nous paraît important d'insister sur d'autres aspects aujourd'hui négligés : le fait d'avoir une politique plus proactive, afin de s'assurer du respect par nos partenaires commerciaux des règles du commerce international, qu'il s'agisse des engagements pris à l'OMC, ou dans les accords bilatéraux. Aujourd'hui, le suivi et la mise en oeuvre des accords précédents et le respect des règles d'antidumping sont peu développés. Très peu de moyens sont mis en place par la Commission européenne dans ce domaine. Les moyens de la DG Commerce se concentrent sur la négociation, mais très peu sur le suivi des accords signés. Or, cela constitue un enjeu majeur pour défendre nos entreprises sur les marchés internationaux, mais aussi sur le marché européen face à des entreprises pratiquant le dumping ou bénéficiant de subventions massives. Aussi, nous proposons la mise en place d'un chief trade enforcer, une personne chargée de la mise en oeuvre des accords multilatéraux, afin de donner plus de visibilité et de moyens à ces actions.

Nous travaillons également à l'adoption de nouveaux outils, notamment de surveillance des investissements. Nous avons renforcé notre propre dispositif national d'autorisation des investissements étrangers en France. Nous avons poussé pour l'adoption d'un règlement prévoyant la surveillance des investissements étrangers en Europe. Chaque pays garde une marge de manoeuvre, mais cela permet de sensibiliser nos partenaires à ces enjeux, et avoir une meilleure visibilité sur les risques potentiels d'acquisition qui auraient des effets stratégiques sur la France et plus globalement au niveau européen.

Une des grandes priorités de l'Union européenne en matière commerciale est d'afficher plus nettement les objectifs de développement durable et le renforcement des droits sociaux. Ils participent à l'équité des conditions de concurrence.

Le dispositif de soutien à l'export est une condition clairement nécessaire, mais pas suffisante à l'amélioration de notre performance à l'export. L'ensemble des outils de politique économique et la stratégie en matière de politique commerciale sont des éléments importants.

La réforme est en cours de déploiement. Il est trop tôt pour tirer un bilan. On peut déjà se féliciter du rythme de déploiement, notamment des outils informatiques. Nous referons un bilan dans un an, afin de mesurer l'impact sur les entreprises.

Caroline Malausséna, directrice de la diplomatie économique au ministère de l'Europe et des affaires étrangères. - J'ai senti dans vos propos introductifs une interrogation sur le rôle de ma direction et son changement de nom.

Qu'est-ce que la diplomatie économique et pourquoi cette direction a-t-elle été créée ? La diplomatie est la défense et la promotion des intérêts et valeurs de la France. À ce titre sont inclus nos intérêts économiques. Tous nos ambassadeurs et ambassadrices ont toujours soutenu la diplomatie économique, en soutenant nos entreprises à l'étranger. Certes il y a eu des changements. Mais cette action est partie prenante de la diplomatie.

Quels sont les changements récents ? La diplomatie économique a été mise en avant par M. Laurent Fabius. Mais, ce concept est plus ancien. En réalité, le prisme « entreprises » a commencé sous le mandat de Jacques Chirac. Dès 2000, il insistait beaucoup sur le rôle de nos ambassadeurs, qui devaient apporter personnellement un soutien à nos entreprises. M. Hubert Védrine, en tant que ministre des affaires étrangères, a pour sa part créé la « mission entreprises ». Pour la première fois, le terme « entreprise » entrait au Quai d'Orsay. D'ailleurs, pour l'anecdote, ce terme n'était à l'époque pas présent à Bercy : la direction générale des entreprises s'appelait la DG 6. La « mission entreprises », que j'ai eu l'honneur de diriger, était petite - 4 personnes - mais elle représentait un point d'entrée. En 2009, la direction générale de la mondialisation est créée. Il nous est apparu, comme chez nos partenaires, que de nouveaux enjeux liés à la mondialisation faisaient leur apparition. On ne pouvait plus simplement travailler de manière bilatérale avec un pays. Je pense par exemple aux sujets environnementaux et climatiques. La direction générale de la mondialisation voulait rassembler dans une direction au Quai d'Orsay l'ensemble des grands problèmes transversaux et des questions liées à l'influence de la France. Il y a eu une sous-direction des entreprises qui est devenue une direction indépendante sous Laurent Fabius. Ce dernier a d'ailleurs souhaité que le tourisme soit rattaché au ministère des affaires étrangères : cette entité est devenue la direction des entreprises, des affaires internationales et de la promotion du tourisme. Récemment, j'ai proposé un changement de nom car il était désormais plus important d'afficher l'identité de diplomatie économique en tant que partie prenante des actions diplomatiques.

Ma direction comprend 60 personnes. Elle est composée de diplomates. Nous essayons également de croiser les compétences de nombreux contractuels.

Vous vous interrogiez sur la mise en place de la réforme au niveau international. Il est important d'ancrer le soutien aux PME dans nos régions avec la « Team France Export ». Nous avons souhaité introduire de la simplicité et de la lisibilité. Par exemple, une PME accompagnée en région, développe son projet et souhaite exporter vers le Japon. Que se passe-t-il une fois que le projet se concrétise ? Au Japon se trouve la chambre de commerce franco-japonaise, des opérateurs privés, Business France. Comment ces différents acteurs articulent-ils leurs actions ? Notre idée première était de se dire que Business France, dans un certain nombre de pays - comme l'indiquait Christophe Lecourtier dans son rapport - pouvait lancer des appels d'offres et proposer aux chambres de commerce à l'international et aux opérateurs privés qui le souhaiteraient de reprendre en concession de service public, l'accompagnement des PME.

Il est rapidement apparu que ce n'était pas si simple. Nous avons essayé d'être pragmatiques. Chaque pays est différent. Nos ambassadeurs se sont d'ailleurs fortement mobilisés pour cette réforme. Ainsi, notre ambassadeur au Japon a consulté les acteurs sur place. Il nous a indiqué que l'appel d'offres risquait de ne pas être conclusif. Aucun acteur, ni même Business France ou la chambre de commerce franco-japonaise ne pourra le reprendre tel quel. Nous nous sommes dits que nous pourrions dans certains pays passer un marché public de services. Dans notre réflexion, nous sommes donc partis des concessions de services publics, puis avons proposé des marchés de services publics. Dans certains pays - ce n'était pas prévu initialement - où il n'y a pas de bureau de Business France ou de chambre de commerce, nous avons imaginé mettre en place un référencement. En effet, dans ces pays se trouvent des acteurs privés qui pourraient aider nos entreprises souhaitant exporter. Nous sommes très prudents, car nous orientons nos PME vers un opérateur privé qui doit être sérieux et fiable. Tous les référents ne sont pas encore en place. Mais, dans un certain nombre de pays, nous référencerons un ou deux opérateurs privés, conventionnés pour un an.

La vraie nouveauté de la réforme se situe dans le rôle des régions, en raison de la loi NOTRe. En effet, les compétences qu'elles exercent désormais en matière économique doivent se poursuivre à l'international.

Il serait paradoxal que nous incitions tous les acteurs de l'export à travailler en équipe France, et qu'en administration centrale, nous ne soyons pas capables de travailler intelligemment au sein de cette équipe. La DG Trésor est leader sur les questions de financement en accompagnement à l'export. Les réseaux doivent être capables de produire des analyses macroéconomiques très importantes. Nous travaillons en complémentarité. Deux exemples sont le conseil national de l'industrie (CNI) et les comités stratégiques de filière d'une part, et d'autre part, pour le ministère des affaires étrangères, la mise en place de fédérateurs par secteur. Il s'agit de personnalités privées qui acceptent à titre bénévole de s'impliquer auprès du ministre des affaires étrangères dans la structuration de notre offre.

Classiquement, la diplomatie s'est occupée des grands contrats stratégiques : l'énergie, le nucléaire civil, les transports, l'énergie renouvelable, les contrats militaires. Depuis quelques années, nous considérons comme stratégiques des domaines où la France est excellente et où pourtant nos performances ne suivent pas. Je pense à l'agroalimentaire, au domaine de la santé - notre savoir-faire hospitalier - aux énergies renouvelables, à la ville durable - sujet multidimensionnel pour lequel il n'y a pas vraiment une filière unique. Nous avons des PME très innovantes. Il faut les promouvoir. Nos équipes et les fédérateurs ont besoin de réfléchir à la structuration de notre offre, en partant de la demande internationale. En matière de santé, pour la Chine, la lutte contre le diabète est un enjeu important. Nous sommes bons dans ce domaine. Dès lors, il s'agit de voir comment promouvoir notre savoir-faire.

Les comités stratégiques de filières au sein du CNI ont une démarche inverse. Il y a des filières qui réfléchissent à leur structuration en France. Au bout du raisonnement se trouve un référent export. Les deux démarches doivent se rencontrer. Nous discutons avec la DG Trésor et les ministres, pour que ce soit la même personne qui soit chez nous le fédérateur et au sein du CNI le référent export. Ainsi, dans le domaine de la santé, M. Jean-Patrick Lajonchère, directeur de l'hôpital Saint-Joseph, est à la fois notre fédérateur, nous aidant à réfléchir auprès des entreprises pour la structuration de l'offre dans le domaine de la santé à l'international, mais aussi le référent export. Pour la ville durable, c'est M. Gérard Wolf qui s'occupe de ce sujet au MEDEF. Ce sujet va d'ailleurs être au coeur du sommet Afrique-France de 2020. Cela doit contribuer à la structuration de nos offres.

La convention de 2014 précise la répartition des rôles entre nos deux directions : la façon de préparer un dossier pour le ministre, le Président de la République, de répondre à une commande... Mais, je crois que compte tenu des enjeux, il va falloir approfondir cette convention.

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