La Direction générale de la cohésion sociale (DGCS) a pour mission historique la définition et la mise en oeuvre des politiques de solidarité, à laquelle a progressivement été adjointe la gestion de l'aide alimentaire autrefois rattachée au ministère de l'agriculture. Ainsi, depuis 2015, est-elle gestionnaire national du FEAD. Depuis les États généraux de l'alimentation, l'aide alimentaire est considérée comme un instrument de lutte contre la précarité alimentaire, politique dont les principes ont été codifiés par la loi du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous.
Pour mener à bien sa mission de gestion du FEAD, la DGCS s'appuie sur les dispositifs créés par le ministère de l'agriculture pour la gestion du Programme européen d'aide aux plus démunis (PEAD) et dispose d'un directeur de projet et de cinq collaborateurs. Selon le règlement FEAD, adopté en 2014, l'autorité nationale de gestion doit rendre compte à l'État membre dont elle dépend et aux autorités européennes de la traçabilité des crédits, constitués à 85 % de fonds européens et à 15 % de deniers nationaux. La DGCS veille également à l'application du droit communautaire de la concurrence et du droit national des marchés publics.
La France, comme une majorité d'États membres, a choisi, avec le soutien des associations concernées, une politique d'aide alimentaire fondée sur l'achat de denrées plutôt que sur la distribution de coupons individuels. Le FEAD distribue les mêmes volumes de nourriture que le PEAD, pour un nombre de bénéficiaires stable à environ 4,5 millions de personnes. Une politique d'achat nécessite un recours aux marchés publics. Notre rôle consiste à garantir la qualité de l'achat public, dans le respect du principe de non-discrimination entre bénéficiaires de l'aide alimentaire - de qualité - des denrées fournies. D'autres dispositifs, notamment les minima sociaux, concourent à la lutte contre la précarité alimentaire, mais nous ne contrôlons alors pas la qualité des produits ainsi acquis. Nous disposons de divers instruments pour assurer notre mission, notamment un guide de procédure. Notre objectif vise à concilier l'efficacité des outils de l'aide alimentaire et l'accès des bénéficiaires à une diversité de produits.
Nous échangeons avec les associations et FranceAgriMer pour établir la liste des denrées et faire en sorte que les produits soient bien décrits dans les fiches techniques servant de base au cahier des charges afin de pouvoir suivre ensuite les denrées livrées par les fournisseurs, leurs qualités gustatives, mais aussi leur aspect visuel. Le dispositif d'aide alimentaire ne doit pas être discriminant pour les bénéficiaires.
Cependant, il n'est pas toujours facile de décrire précisément certains produits, les normes techniques, qui sont définies la plupart du temps par les organisations professionnelles, n'étant pas toujours existantes. Or des normes précises et claires sont nécessaires pour contrôler les marchés. À titre d'exemple, il faut pouvoir s'assurer qu'un lot de café devant être composé de 50 % d'Arabica et de 50 % de Robusta ne contient pas 100 % de Robusta, moins cher et gustativement moins agréable. Nous effectuons des tests gustatifs sur les échantillons livrés par les candidats avant l'attribution des marchés afin de nous assurer que leurs produits sont conformes aux fiches techniques et qu'ils présentent les qualités gustatives attendues par les consommateurs.
J'en viens aux achats en très grands volumes de produits, cette politique étant très efficace en termes de coûts. Nous savons ainsi que nous pouvons acheter du lait en grande quantité, les analyses que nous avons effectuées montrant que le lait livré est standard, qu'il est identique à celui qu'on trouve en grande distribution. Nous l'achetons à moitié prix sur certains marchés. Pour trouver des fournisseurs capables de livrer de très grandes quantités, nous passons par des marchés publics. Pour la viande, ce sont des courtiers qui répondent aux appels d'offres car ils ont la capacité de mobiliser différents fournisseurs. D'autres secteurs passent par des courtiers : c'est le cas de la grande distribution et de la restauration collective. Le courtage n'est pas l'apanage du FEAD.
Il faut ensuite être très vigilant concernant la société attributaire du marché car elle va évidemment s'appuyer sur des sous-traitants pour assurer les volumes globaux. C'est un point de vigilance, d'autant que nous savons que certains pays de l'Union européenne arrivent à fournir de la viande à des prix plus faibles que ceux de la production nationale. Nous avons essayé de prévoir des clauses favorisant les productions nationales car nous pensons que nous avons une meilleure chaîne de contrôles vétérinaires et sanitaires de l'élevage, de l'abattage et de la transformation, mais c'est impossible au regard des règles concurrentielles et du droit européen. Seule une clause du type bilan carbone est possible, mais ses résultats sont limités au final.
Comme Virginie Beaumeunier, je pense que les mécanismes de vigilance et de signalement dans l'affaire des steaks hachés ont fonctionné très tôt puisque la première alerte date de novembre 2018, les associations des Côtes-d'Armor ayant informé le service déconcentré de la direction générale de la cohésion sociale et du ministère de l'agriculture, la direction départementale de la protection des populations, que les produits livrés n'étaient pas conformes d'un point de vue visuel et peut-être pas satisfaisants en termes de qualités gustatives. Les lots non conformes ont été repris par le fournisseur et remplacés. La sécurité du bénéficiaire de l'aide alimentaire n'était alors pas menacée, le problème étant visuel, les steaks étaient brunis du fait d'un problème de thermoscellage.
Ensuite, à compter du début du mois de février 2019, de nombreuses alertes nous nous sont parvenues, les associations ayant saisi les autorités locales de l'État compétentes, les directions départementales de la cohésion sociale. Un doute est alors apparu sur la conformité de la composition des steaks hachés au cahier des charges, ces steaks ne devant contenir que 15 % de matières grasses. Les alertes à l'échelon local d'abord, national ensuite, nous ont conduits à saisir le ministère de l'agriculture et la DGCCRF d'une présomption de tromperie sur la composition des steaks hachés.