Beaucoup a déjà été dit par mes deux collègues.
Je tiens tout d'abord à vous remercier, mesdames, messieurs les sénateurs, de donner la parole à FranceAgriMer, qui a été mis en cause par certains médias, ce qui n'est jamais très agréable. Je tiens également à dire à quel point, en tant que directrice de l'établissement, je suis particulièrement consternée qu'une telle affaire ait pu se produire sur des produits destinés aux populations les plus vulnérables. Mes équipes, qui travaillent avec beaucoup d'application et de conscience professionnelle, en ont été également particulièrement choquées et affectées.
La participation de FranceAgriMer, qui est un établissement agricole, à un dispositif à vocation sociale est le fruit de l'histoire. Nous gérions auparavant les programmes d'aide aux plus démunis financés par le budget de la politique agricole commune. En 2014, l'origine des fonds budgétaires européens a été modifiée et la politique organisant la distribution de l'aide aux plus démunis a changé de base juridique. Nous avons assuré la continuité entre les deux programmes et mis en place dans l'urgence les nouvelles dispositions applicables au FEAD, ce qui explique en très grande partie les difficultés de gestion survenues en 2016, lesquelles ont toutes été corrigées, en parfaite concertation avec l'autorité de gestion, pour répondre aux attentes de la Commission européenne.
FranceAgriMer joue un double rôle dans le dispositif du FEAD. Il est à la fois gestionnaire de la mesure - c'est lui qui vérifie et prépare les appels de fonds auprès de la Commission européenne - et organisme bénéficiaire. Dans ce cadre, il est chargé de la passation des marchés publics d'achats des produits alimentaires pour le compte des associations caritatives, du suivi de l'exécution de ces marchés et du paiement des fournisseurs, au fur et à mesure des livraisons aux organisations caritatives.
Ce marché n'est pas seulement un marché de fourniture de denrées alimentaires. C'est aussi un marché de fourniture de logistique. Comme cela a été très bien dit, les produits sont livrés dans les entrepôts des associations caritatives, qui sont très nombreux. L'ensemble des produits achetés par FranceAgriMer avec les crédits du FEAD et les crédits nationaux sont livrés dans 350 points de livraison, ce qui représente pratiquement 17 000 livraisons en une année. Dans l'affaire des steaks hachés, les livraisons étaient effectuées dans 80 entrepôts, à raison de 7 livraisons par an dans chacun d'entre eux, soit un total de 560 livraisons. La plupart des entreprises ayant répondu à l'appel d'offres étaient donc à la fois capables de fournir des denrées alimentaires et d'assurer les livraisons, ce qui explique la nature des entreprises choisies.
Dans l'affaire qui nous réunit aujourd'hui, FranceAgriMer était chargé d'élaborer le cahier des charges de l'appel d'offres, dont le niveau d'exigence était assez élevé pour les steaks hachés, de choisir l'attributaire, en l'occurrence la société Voldis, puis de s'assurer de l'exécution de ce marché en vérifiant les autocontrôles sanitaires exigés. La société Voldis les a transmis, ils ne présentaient aucune anomalie. FranceAgriMer a réalisé les prélèvements dans les entrepôts des organisations caritatives, qui ont été transmis au laboratoire travaillant pour notre compte, là aussi dans le cadre d'un marché public. Le résultat des analyses nous a été remis il y a quarante-huit heures.
Dès les premières alertes, nous avons suspendu les paiements à la société Voldis, par mesure de précaution, sachant que nous n'avions alors pas réellement de base juridique pour le faire, puis entamé une procédure contradictoire afin de permettre à la société de se défendre, comme dans toutes les affaires. Nous avons également choisi dès cette date de mettre en place le régime de sanctions prévu dans le cahier des charges, soit une pénalité représentant 5 % de la valeur des marchandises livrées.
Dans cette affaire, il y a une suspicion de fraude assez lourde et organisée. La justice tranchera. Sans vouloir défausser FranceAgriMer de toutes ses responsabilités, je pense qu'aucune procédure d'appel d'offres n'aurait pu nous en prémunir. Les procédures de marchés publics sont faites pour garantir l'équité d'accès aux marchés et pour garantir le bon usage des fonds publics mis en oeuvre. L'offre de Voldis était bien conforme au cahier des charges. Elle prévoyait la fourniture de steaks 100 % muscle, 100 % boeuf, avec un taux de matières grasses n'excédant pas 15 %, soit typiquement le genre de produits que nous trouvons, vous et moi, dans nos supermarchés. Quant au fournisseur polonais, qui figurait dans l'offre que nous avons retenue, il présentait sur le papier toutes les garanties sanitaires et commerciales nécessaires.
Pour en terminer sur le dispositif de contrôle, une partie des vérifications est effectivement déléguée aux associations. Ce sont elles qui doivent effectuer un premier contrôle visuel lorsqu'elles reçoivent les produits. Elles peuvent également faire des dégustations et procéder à des analyses si elles le souhaitent. À mon sens, ce processus a fonctionné. Dès que les associations ont fait part des doutes qu'elles avaient sur les produits, FranceAgriMer, les services chargés des contrôles sanitaires, la direction générale du ministère de l'agriculture et la DGCCRF se sont mis en ordre de marche. Cela étant, le processus est certainement perfectible. Nous allons tirer tous les enseignements de cette affaire pour le perfectionner, tout en préservant la fluidité de l'approvisionnement des associations caritatives. Il ne faut pas en effet perdre de vue que l'objectif est que les produits arrivent en temps et en heure aux associations caritatives afin qu'elles puissent les distribuer aux bénéficiaires de l'aide alimentaire.