Intervention de Christine Della-Maggiora

Délégation sénatoriale aux outre-mer — Réunion du 7 février 2019 : 1ère réunion
Représentation et visibilité des outre-mer dans l'audiovisuel public — Table ronde sur la production audiovisuelle outre-mer

Christine Della-Maggiora, présidente du SPACOM :

Le SPACOM a été créé il y a deux ans, à la suite d'états généraux organisés en Polynésie lors desquels nous avons établi le constat amer que lorsque nous essayons, chacun de notre côté, d'avoir de la visibilité en métropole, nous n'y arrivions pas. Nous avons donc essayé de réunir tous les producteurs d'outre-mer dans un même syndicat, de manière à avoir une parole forte, sachant que nous portons des problématiques assez communes. Je prends donc la parole au nom de l'ensemble des producteurs d'outre-mer.

J'aimerais d'abord dresser l'état des lieux de nos filières locales de production. Assez jeunes, elles se sont constituées depuis 2002. Nous avons l'impression que les chargés de programmes des télévisions considèrent toujours que nos productions ne sont pas abouties. Or, nous avons avancé très vite puisque nous comptons désormais plus de 1 000 techniciens et 90 sociétés de production qui produisent des documentaires, du flux, des magazines et des fictions. Nous sommes à même de produire des films au même niveau que des producteurs métropolitains.

Notre difficulté tient à notre distance de la métropole. Étant donné cet éloignement de plusieurs milliers de kilomètres, les enjeux et les moyens diffèrent forcément.

Nous avons en outre l'impression que lorsque l'on parle des oeuvres ultramarines, elles sont toutes placées « dans le même panier ». Les documentaires et les fictions sont évoqués en même temps, bien qu'ils répondent à des modèles de production totalement différents. De plus, aucune distinction n'est établie entre les productions lancées sur le territoire, par des réalisateurs locaux, et les productions initiées en métropole, par des réalisateurs métropolitains.

Nous souhaitons donc rappeler quelques définitions. Une production locale concerne une société dont le siège social se trouve en outre-mer, qui travaille dans son département ou ces territoires, à la mise en valeur de ceux-ci, en étroite collaboration, avec les techniciens locaux. Elle fait ainsi émerger des talents, tout en faisant partie du tissu économique et social de son département ou de son territoire. Cette notion de tissu est importante, car vous savez que l'outre-mer est souvent sinistré en termes d'emploi : or, notre filière se trouve en plein essor, peut créer des emplois et possède un énorme potentiel. Nous ne voudrions pas qu'elle meure avant de s'épanouir totalement.

Je précise que les boîtes aux lettres sont des sociétés possédant une adresse locale, mais qui ne peuvent se définir comme des sociétés de production locales. Il s'agit en effet de sociétés qui, par opportunisme, viennent chez nous chercher des fonds locaux pour faire fonctionner des productions sans pérennité.

J'en viens à la notion d'oeuvre ultramarine. Une société hexagonale allant tourner un film en Afrique avec un producteur et un réalisateur métropolitains ne conduirait pas à qualifier « d'africaine » l'oeuvre produite ; il devrait en être de même des oeuvres ultramarines. Bien sûr, nous ne nous opposons pas aux coproductions ou aux productions métropolitaines. En revanche, nous voulons un rééquilibrage sur notre visibilité.

Or, France Ô devait être un tremplin pour la production locale. Elle n'y est pas parvenue jusqu'à présent et sa fin a été annoncée. Nous nous demandons par conséquent comment nous parviendrons à avoir une visibilité à l'échelle nationale.

Nous demandons que soit donnée une définition très claire d'une oeuvre ultramarine : il s'agit d'une oeuvre produite par des producteurs ultramarins, totalement ou au moins à 50 % dans le cadre de coproductions avec des sociétés métropolitaines. De plus, elle est le fruit de réalisateurs d'outre-mer et parle de l'outre-mer. Quant aux oeuvres ultramarines initiées en métropole, il s'agit d'une autre notion, différente et complémentaire.

Sans ces deux types de visibilité, nous disparaîtrons car notre filière est en danger. Pour renforcer cette visibilité, il a été d'ailleurs indiqué qu'à la télévision, une semaine par mois ou par an pourrait être dédiée à l'outre-mer. Cette démarche reviendrait à faire encore une fois de l'outre-mer un territoire extérieur à la Nation. S'il n'existe pas d'autre option, nous demandons que l'outre-mer soit représenté sur les chaînes nationales régulièrement, afin d'offrir des opportunités aux producteurs locaux ou aux coproductions.

Nous demandons aussi que les réseaux de nos premières soient supportés par des aides beaucoup plus importantes, sachant que nous produisons depuis plus de dix ans avec nos premières. Nous savons que les producteurs de métropole viendront chez nous puisqu'ils ne disposeront plus de France Ô. Comment réussirons-nous à ne pas être phagocytés par un afflux de sociétés extérieures ? La seule solution consiste à augmenter de manière très importante les budgets des premières pour des productions externes, le danger étant qu'il soit utilisé pour réaliser des productions en interne, ce qui n'apporterait rien à nos filières locales.

Par ailleurs, depuis plusieurs années, nous sommes victimes d'une production à deux vitesses, comme, sans doute, les régions. Si, en tant que productrice, je propose un projet de film documentaire en Nouvelle-Calédonie, pour le même budget la chaîne La 1ère me donne 9 000 à 15 000 euros quand France Ô accordera 35 000 à 45 000 euros. Nous aimerions que les producteurs locaux et les producteurs nationaux soient mis sur un pied d'égalité et avoir ainsi la possibilité de faire travailler de plus nombreux techniciens.

S'agissant de la question des quotas, qui est controversée, je souligne que les productions ultramarines et locales ne pourront jamais avoir aucune visibilité sur les chaînes nationales sans eux. Il faut donc y recourir de manière décomplexée, pour défendre la production locale.

Enfin, je veux lancer un appel. France Ô devait être un tremplin, qu'il n'a pas été. Désormais, les pouvoirs publics désignent France Télévisions comme relais. Nous en sommes toutefois distants de 10 000 à 22 000 kilomètres et nous n'avons aucune possibilité d'atteindre les chargés de programmes. Si rien n'est mis en place, nous disparaîtrons.

Nous comptons donc sur vous pour nous aider à ne pas disparaître et pour soutenir une filière en plein développement.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion