Je répondrai à Christine Della-Maggiora, avec laquelle nous travaillons d'ailleurs actuellement à la production de documentaires. Je suis en effet un producteur national, situé en région, à Nantes. J'ai beaucoup travaillé sur l'outre-mer, de l'adaptation du « Cahier d'un retour au pays natal » d'Aimé Césaire, pour France Télévisions, au film « Métis de la République », sur le premier maire noir élu en métropole, en 1929, à Sablé. Ces trois dernières années, j'ai produit cinq documentaires de 52 minutes, sachant que je ne produis que des documentaires de création au sens du CNC.
Mon compagnonnage avec l'outre-mer est une vieille histoire puisque, de 1988 à 1993, j'ai fait partie de l'équipe de MM. Le Pensec et Rocard, dans le cadre des négociations pour l'intégration de l'outre-mer dans l'Europe. J'ai aussi été l'un des directeurs généraux de RFO. Depuis quinze ans, je produis de nombreux films en Martinique, en Guadeloupe, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à La Réunion et, tout récemment, en Nouvelle-Calédonie.
Pour la filière de production audiovisuelle française, il faut partir du problème majeur de l'hyper-centralisme. Selon les organismes sociaux, 87 % des salaires payés à toute la filière du cinéma et de l'audiovisuel, pour les intermittents comme pour les permanents, le sont en Île-de-France. À Nantes, je sens déjà un effet périphérique. Le problème de l'hyper-centralisme se pose encore davantage pour les sociétés situées dans l'hyper-périphérie.
Des politiques publiques de fond ont fait défaut, en matière de décentralisation culturelle, malgré des tentatives infructueuses en 1976 ou en 1982.
Pire, les récentes réformes du CNC, dont notre ami du Syndicat des producteurs indépendants (SPI) pourra parler, vont toutes vers la concentration des entreprises. Le directeur général du CNC l'a indiqué clairement et le modeste observateur des affaires publiques que je suis pense que les décisions reviennent à Bercy lorsque le ministre de la culture n'a pas une forte personnalité. Or, le parti pris de Bercy est favorable à la concentration du secteur de la production. Dans ce cadre, j'ai d'ailleurs récemment revendu ma société à un groupe et depuis lors mes dossiers auprès du CNC, dont le traitement exigeait auparavant plusieurs mois, connaissent des délais réduits.
Cette concentration pénalise fortement l'outre-mer puisque les sociétés de production ultramarines ne possèdent pas une ossature suffisante pour produire des oeuvres de création d'ampleur.