Intervention de Cyrille Perez

Délégation sénatoriale aux outre-mer — Réunion du 7 février 2019 : 1ère réunion
Représentation et visibilité des outre-mer dans l'audiovisuel public — Table ronde sur la production audiovisuelle outre-mer

Cyrille Perez, producteur à 13 Productions, et membre du bureau audiovisuel du Syndicat des producteurs indépendants (SPI) :

Je suis producteur à 13 Productions, installé à Marseille. Nous coproduisons actuellement, avec des sociétés de production de chaque territoire concerné, la collection « Gens de la terre », pour France Ô. Vous projetterez d'ailleurs dans dix jours, en avant-première au sein de votre délégation, un épisode concernant des femmes agricultrices de Mayotte.

Actuellement, France Télévisions consacre 420 millions d'euros à la création, dont moins de 1 % est affecté aux antennes d'outre-mer. De plus, les antennes premières des neuf territoires consacrent 5 % de leur budget à la création et 95 % aux frais de personnel et à l'information. Jusqu'à présent, France Ô assurait 20 à 50 % du volume horaire de ces antennes. Bien qu'un pôle outre-mer soit conservé à Malakoff, sa disparition posera des problèmes pour assurer le volume horaire de ces antennes. Or le budget de France Ô, de 25 millions d'euros, ne représente que 0,8 % du budget de France Télévisions, tandis que plusieurs centaines de millions d'euros d'économies sont évoquées. Enfin, France Télévisions consacre 101 millions d'euros aux documentaires, dont 12 millions seulement aux documentaires de France 3 régions et des chaînes La 1ère.

Le SPI, syndicat de 450 producteurs présents dans tous les territoires, a formulé diverses propositions dans le cadre de la réforme de l'audiovisuel public. Alors que France Télévisions annonce une couverture numérique de l'ensemble des territoires, il faut rappeler les nombreuses difficultés d'accès au numérique dans ceux-ci. Comment penser que dans certaines zones de Guyane ou de Nouvelle-Calédonie, les téléphones portables et les télévisions permettront de regarder un film en HD pendant 52 minutes, alors que certaines zones entre Marseille et Paris sont dépourvues de 3G et de 4G ? La plateforme numérique annoncée ne pourra donc pas donner accès aux programmes, sachant en outre que la population cible de France Télévisions est plutôt âgée.

Le syndicat propose que les différentes directions de France Télévisions portent un regard attentif sur le monde ultramarin. Toutes les directions, de la fiction comme des magazines et des documentaires, devraient comporter des conseillers à l'outre-mer. Celui-ci doit cesser d'être placé dans des ghettos éloignés du siège, à Malakoff ou ailleurs, où ils apparaissent comme « la huitième roue du carrosse » de France Télévisions. Ces conseillers pourraient être issus de ces territoires et seraient en tout cas habitués à les regarder, tout en sachant juger artistiquement les programmes, ce qui n'est pas le cas actuellement.

Il nous est aussi annoncé un prime time mensuel sur l'outre-mer, sur France Télévisions. Il s'agit d'un chiffre ridicule, sachant que la population ultramarine représente 5 % de la population de la France. Des quotas doivent donc être inscrits dans le COM de France Télévisions, bien que celle-ci les refuse en estimant qu'elle est déjà soumise à trop de quotas. La semaine dernière, le Président de la République répondait encore à votre collègue de l'Assemblée de Saint-Pierre-et-Miquelon qui lui faisait part des difficultés d'accès des producteurs ultramarins. Sans quotas pour les chansons françaises, les radios n'en diffuseraient plus.

Nous militons donc pour que les programmes ultramarins disposent de deux horaires par semaine, à des moments de grande écoute. Ces programmes ne doivent pas se limiter à la découverte des territoires, comme avec « Des racines et des ailes ». Ils doivent aussi concerner des sujets culturels et de société. France Télévisions produit déjà plus de mille heures de documentaires de société. Des programmes concernant la justice ou l'éducation dans les territoires d'outre-mer devraient aussi être diffusés. Pour y parvenir, les pouvoirs publics doivent inscrire des quotas dans les cahiers des charges des chaînes de télévision.

Une obligation de moyens s'impose également. Le budget de 0,8 % que j'ai évoqué est inadmissible. Les problèmes posés par la disparition de France Ô et les difficultés des premières risquent d'ailleurs d'être répliquées dans dix ans pour les régions métropolitaines. Nous militons donc pour un relèvement des obligations financières concernant la production patrimoniale, afin de passer à 25 millions d'euros, contre 12 millions actuellement.

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