Intervention de Grégoire Olivereau

Délégation sénatoriale aux outre-mer — Réunion du 7 février 2019 : 1ère réunion
Représentation et visibilité des outre-mer dans l'audiovisuel public — Table ronde sur la production audiovisuelle outre-mer

Grégoire Olivereau :

Ma société, Eden, produit actuellement pour France 3, France Ô, Public Sénat, les groupes Canal+ et TF1, principalement des programmes de flux, mais aussi des documentaires et des films destinés aux réseaux sociaux. Mes activités m'ont souvent amené à être en contact avec les acteurs des outre-mer, qui dépendent très fortement de France Télévisions.

Ma société se positionne comme un producteur national, qui comprend dans son champ de compétences, les outre-mer. Si, dans cette catégorie, France Ô est notre principal client, nous avons aussi tourné pour Cuisine+, Ushuaia, Canal+ Réunion et des institutions comme le Ministère des outre-mer.

Dans le domaine du flux, notamment pour les magazines, le financement provient d'un seul client, à quelques exceptions près. Pour les documentaires que nous avons produits, nous avons pu nous appuyer sur des aides régionales et parfois sur un second diffuseur. En revanche, le CNC n'a jamais soutenu nos documentaires destinés à France Ô.

Quoique je connaisse bien les directeurs régionaux et les responsables des programmes de La 1ère, mon seul interlocuteur est France Ô. Depuis que je collabore avec cette chaîne, j'ai connu deux directeurs exécutifs et six directeurs des programmes. La ligne éditoriale de la chaîne a évolué, en passant d'une chaîne des outre-mer, de la diversité, des cultures urbaines et de la jeunesse à une chaîne exclusivement consacrée à l'outre-mer. Notre travail de producteur consiste à nous adapter à ces évolutions, même si nous n'y sommes pas forcément favorables.

Je ne suis d'ailleurs pas favorable à la suppression de France Ô. D'une part, elle induirait une perte de chiffre d'affaires de 50 % pour ma société. D'autre part, je crains que cette décision ne soit motivée que par des raisons d'économies, sans véritable réflexion stratégique. Or, de nombreux territoires d'outre-mer sont de véritables poudrières sociales, comme nous l'ont montré la crise en Guyane, les gilets jaunes de La Réunion et, récemment, la réunion des élus à l'Élysée.

Notre mission consiste notamment à donner la parole aux citoyens ultramarins sur des thèmes de société ou de la vie quotidienne. Ils ont besoin de leur chaîne nationale de télévision, au-delà des stations régionales, afin qu'elle reflète la réalité de leurs territoires dans les outre-mer et dans la France hexagonale.

Un problème existe bien sûr. Une chaîne exclusivement consacrée à l'outre-mer ne fait pas d'audience, tandis qu'une chaîne de l'outre-mer, de la diversité, des cultures urbaines et de la jeunesse en faisait davantage. Sans être la panacée, ce positionnement était cohérent avec la jeunesse des outre-mer.

Est-il cependant nécessaire que le service public fasse de l'audience ? Arte en fait-elle beaucoup ? Le pari de la qualité ne doit-il pas parfois l'emporter ?

Je précise que je produis « Les Témoins d'outre-mer » (LTOM), programme d'une heure de France Ô diffusé en direct à 18 h 40, également diffusé sur les premières. Chaque jour, il donne la parole à treize citoyens de tous les outre-mer, par selfie vidéo. 60 % des invités sont ultramarins, et nous recevons régulièrement des invités qui jouent en live en fin d'émission, par exemple Vaitena, Guulan, Saïfa, Delgrès, Kénaelle, Paul Wamo, Fabrice di Falco et Daniel Waro.

Cette semaine, nous avons notamment traité du Nouvel An chinois, du chômage des jeunes, de l'éveil des enfants à la culture et de la manière dont l'Église peut se réformer face à la pédophilie. Chaque jour, de grandes discussions de trente minutes cherchent à créer des ponts entre les outre-mer, et entre ceux-ci et la métropole.

La présidente de France Télévisions rappelait ici même que notre audience nationale s'élevait à 36 000 spectateurs. C'est peu, mais nous assurons chaque jour une véritable mission de service public en donnant la parole à des citoyens ultramarins sur des thèmes de société qui les concernent et en laissant une large place à l'actualité culturelle. La présidente indiquait d'ailleurs qu'elle était fière de ces programmes.

De plus, nous travaillons chaque jour avec les équipes techniques et éditoriales de France Ô. Nous tournons chez eux, avec eux, avec des équipes compétentes, auxquelles nous apportons notre fraîcheur, notre dynamisme et notre volonté de renouvellement, et elles nous apportent leurs compétences et leur parfaite connaissance des outre-mer. L'échange est permanent.

Quant au numérique, nous en possédons déjà une expérience, puisque LTOM dispose d'un site et d'une application, avec 27 000 abonnés sur Facebook et plusieurs dizaines de milliers de lecteurs quotidiens de nos publications en ligne. Quant à l'avenir de France Ô sur le numérique, je n'en ai aucune idée. Nous savons cependant que le numérique est destiné à une population jeune et amatrice de programmes plutôt courts. De plus, il dispose de moindres financements que la télévision.

Quant à l'idée de renforcer la présence des outre-mer sur les chaînes nationales du service public, je crains que les outre-mer ne soient voués à une approche systématiquement réductrice, de l'ordre de la carte postale, dénuée de pertinence notamment pour les citoyens ultramarins. Je me demande aussi ce qui garantira la présence des outre-mer sur les services publics, par exemple avec les successeurs des dirigeants actuels de France Télévisions dont nous connaissons la forte volonté de représentation des outre-mer. Le baromètre de la diversité mis en place par la précédente équipe semble ne plus exister. En sera-t-il de même du baromètre des outre-mer ?

Dans l'ensemble, l'existence de France Ô est la seule garantie viable de présence des outre-mer à l'échelle nationale. Au minimum, il me paraît nécessaire que le pôle outre-mer de France Télévisions puisse produire en propre un programme diffusé sur les antennes de France 2, France 3 et France 5. La préservation d'une fréquence dédiée aux outre-mer me paraît indispensable.

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