Intervention de Gérard Longuet

Mission d'information enjeux de la filière sidérurgique — Réunion du 9 juillet 2019 à 17h55
Examen et adoption du rapport de la mission

Photo de Gérard LonguetGérard Longuet :

Je fais part de toute mon admiration à Valérie Létard, qui a conduit les travaux avec passion, compétence, lucidité et proximité. J'y vois la force des élus enracinés dans les territoires, qui savent de quoi ils parlent. Je souscris à votre analyse et à vos conclusions. Demander la reconstitution d'un ministère de l'industrie est une nécessité absolue pour la balance commerciale, l'emploi et l'aménagement du territoire : l'industrie se répartit sur tout le territoire, alors que les services à haute valeur ajoutée ont une tendance inéluctable à se concentrer dans les métropoles, car ils doivent vivre ensemble.

L'absence de ministère de l'industrie, de manière perverse, transfère la responsabilité à des institutions qui n'ont aucun intérêt pour l'industrie, comme le ministère de l'environnement. Confier l'énergie au ministère de l'environnement, cela revient à confier la garde du bol de lait au chat... La confier au ministère de l'économie serait préférable, mais Bercy est le ministère de l'économie et des finances, et donc le ministère du court terme, devant faire face aux contraintes budgétaires européennes. L'État est également un des plus mauvais actionnaires, incapable d'arbitrer entre ses différentes motivations, ce qui aboutit à des incohérences patentes.

Davantage que d'un ministre, nous avons besoin des services d'un ministère de l'industrie, liés au terrain. De nombreux grands industriels français viennent du corps des mines, ou bien de Polytechnique. Ils sont certes très intelligents et travailleurs - parfois trop ! - mais surtout, ils ont souvent exercé sur le terrain, à la différence des fonctionnaires de Bercy. Lorsqu'ils viennent à Paris après quelques années de terrain, ces ingénieurs ont plus de maturité. Nous avons donc besoin d'un ministère et d'une bonne gestion des carrières. On pouvait avoir un ministère de l'industrie lorsqu'il y avait une économie mixte. Ainsi, les jeunes ingénieurs brillants, devenus expérimentés à l'approche de la quarantaine, revenant à Paris pour les études supérieures coûteuses de leurs enfants, quittaient l'administration pour rejoindre le secteur de l'économie mixte - lequel n'existe plus. Désormais, ils partent en courant dès l'âge de 35 ans pour gagner trois à quatre fois plus dans le secteur privé. Si l'on ne règle pas ce problème, nous n'aurons plus les meilleurs responsables dans nos ministères. Il faut une bonne formation supérieure, une expérience du terrain, une pratique des responsabilités gouvernementales - passage en cabinet ministériel ou exercice de missions...

Je défendrai ce rapport. Nous avons moins besoin d'un ministre formidable, que d'une administration d'État qui travaillera avec les régions et les entreprises pour donner un corps de doctrine sur l'interface entre les entreprises et la société : jusqu'où aller, et à quel rythme, en matière environnementale, sociale, d'investissement scientifique ? Si ce rapport porte ses fruits, j'aurai une vieillesse intellectuelle heureuse !

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion