Intervention de Catherine Morin-Desailly

Réunion du 10 juillet 2019 à 14h30
Conservation et restauration de la cathédrale notre-dame de paris — Adoption en nouvelle lecture d'un projet de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Catherine Morin-DesaillyCatherine Morin-Desailly :

Ces inflexions vont dans le sens de la préservation de notre État de droit, sur laquelle nous n’avons cessé d’alerter.

Dès lors, pourquoi ne pas nous suivre davantage, aller au bout de notre logique pour garantir un texte véritablement cohérent, rassurant et protecteur ?

Pourquoi laisser planer de telles ambiguïtés dans le texte ? Pourquoi ne pas y inscrire clairement que l’architecte en chef des monuments historiques sera responsable de la maîtrise d’œuvre ? Compte tenu du rôle dévolu à l’établissement public, également chargé de la maîtrise d’ouvrage, c’est une précision essentielle pour éviter tout mélange des genres.

Pourquoi s’évertuer à considérer la cathédrale comme hors-sol, en refusant d’insérer toute référence à l’Unesco ? Franchement, je peine à comprendre la négligence que subit ce classement, sitôt obtenu. Siégeant au sein du Comité français du patrimoine mondial, je vois avec quelle ardeur notre pays défend les différents dossiers de candidature. Cette référence à l’Unesco est utile, quand on sait que le bien « Paris, rives de la Seine » ne dispose toujours pas d’un plan de gestion, dont une disposition du code du patrimoine impose pourtant l’élaboration depuis maintenant trois ans.

Pourquoi maintenir des habilitations à légiférer par ordonnances qui ne font que trahir l’impréparation du Gouvernement ?

Pourquoi, enfin, préférer maintenir la date du 16 avril dernier et « appliquer une tolérance » envers les premiers donateurs, qui se sont pressés dès le soir du 15 avril, plutôt que d’inscrire simplement cette seconde date dans le texte ?

Les débats autour de ce projet de loi ont mis en lumière un certain nombre d’inquiétudes.

La première inquiétude concerne le dispositif en matière de mécénat, que la commission des finances de l’Assemblée nationale menace de remettre à plat, comme la plupart des crédits d’impôt en matière culturelle.

Notre commission de la culture s’est penchée, l’an passé, sur la question du mécénat dans le domaine culturel – M. Schmitz était d’ailleurs le rapporteur de ce travail. Sans surprise, elle a démontré à quel point le mécénat constituait une ressource importante pour le financement de la culture.

Les acteurs culturels, à qui l’État demande depuis des années d’accroître leurs ressources propres, ne comprendraient pas qu’un dispositif devenu essentiel pour eux et ayant fait ses preuves soit remis en cause, même partiellement. Les conséquences en seraient terribles.

Nous avons aussi constaté que la restauration du patrimoine fait partie des domaines du champ culturel qui attirent le plus de mécènes. Compte tenu de l’état de notre patrimoine, prenons garde à ne pas « couper le robinet » sans évaluation préalable.

Il serait paradoxal, pour le Gouvernement, d’élever via ce projet de loi le taux de la réduction d’impôt au titre du mécénat des particuliers, certes dans des circonstances exceptionnelles, pour l’abaisser brutalement quelques semaines plus tard, en le portant, comme on l’entend ici ou là, de 60 % à 40 %.

La seconde inquiétude concerne l’état de notre patrimoine.

Nous nous sommes tous réjouis de la création du loto du patrimoine, mais nous sommes conscients que le souffle d’air apporté grâce à lui reste insuffisant. Nous le savons également : les crédits de l’État dans ce domaine, même s’ils ont été légèrement redressés, ne retrouveront probablement pas les niveaux passés. Cet investissement est pourtant nécessaire pour assurer correctement la restauration de notre patrimoine et développer la culture de l’entretien, qui nous manque tant.

Monsieur le ministre, j’espère que vous pourrez nous transmettre, avant la période budgétaire, le dernier rapport, qui doit désormais être achevé, sur l’état sanitaire de notre patrimoine.

J’espère surtout que le mérite de ce projet de loi, qui nous laissera sans doute un souvenir amer, sera, au moins, d’avoir permis au ministère de la culture de se pencher sur les deux problèmes que je viens d’évoquer !

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