Intervention de David Assouline

Réunion du 10 juillet 2019 à 14h30
Conservation et restauration de la cathédrale notre-dame de paris — Adoption en nouvelle lecture d'un projet de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de David AssoulineDavid Assouline :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne puis que me féliciter de l’évolution de ce texte. Mais, avant tout, j’évoquerai le paradoxe des sentiments qui envahissent nombre d’entre nous à ce stade de la discussion.

Sur le fond, la mobilisation de la société, des experts, des amoureux du patrimoine et des parlementaires a infléchi ce projet de loi. On ne peut que s’en réjouir, car elle l’a infléchi dans le bon sens. Certains rappels que nous avons formulés, parfois, comme des évidences, ont été entendus.

Toutefois, il faut revenir sur la méthode – Mme la présidente de la commission l’a d’ailleurs déjà fait.

La commission mixte paritaire est, par définition, le moment où les deux assemblées échangent, puis cherchent un compromis. Parfois, celui-ci n’est pas possible ; parfois, il est partiellement possible ; parfois, il est atteignable. C’est par de tels échanges que l’on avance.

Monsieur le ministre, dans la tradition de votre ministère, vous avez toujours suivi cette méthode lors des débats parlementaires : chercher le consensus, autant que faire se peut.

Or, dès le début de cette commission mixte paritaire, on nous a fait comprendre que l’on ne pouvait pas modifier la moindre virgule. À l’évidence, cette réunion était une simple mise en scène : tout le monde constatant l’impossibilité d’un d’accord, on aurait même pu, dès le début, se dire « au revoir »…

Nous en concluons que le Gouvernement a décidé de ne pas bouger, de ne pas entendre ce que nous avions à dire ; qu’il est sûr de son fait, notamment de ce que l’Assemblée nationale a voté.

Puis, à l’Assemblée nationale, vous proposez tout à coup de modifier deux articles de manière tout à fait substantielle. Il s’agit, notamment, du cœur même de nos débats, à savoir les dérogations au code du patrimoine, et du recours à un établissement public, qui n’est pas une question secondaire. C’est pour le moins surprenant… Mais, en fait, ce projet de loi est arrivé comme un fait du prince.

Le Président de la République s’est exprimé au lendemain du drame. C’était son devoir après un tel choc : il a tenu des propos forts, et ses paroles étaient attendues dans le monde entier. Cela étant, il a déclaré : « Je lance la souscription », alors que cette dernière avait commencé la veille, spontanément. À l’inverse, il aurait dû souligner que les Français avaient, tout de suite, et de leur propre chef, commencé à donner.

Ensuite, on a inscrit dans le projet de loi que la souscription commençait au moment du discours du Président de la République. C’est incroyable !

De plus, le Président de la République a rapidement nommé une personnalité, du reste tout à fait compétente, pour commencer à travailler ; mais on a constaté qu’elle avait dépassé l’âge maximal pour exercer de telles fonctions… Aussi, parce que le chef de l’État l’avait déjà désignée, on nous a demandé de voter une dérogation spécifique : encore le fait du prince !

Le troisième fait du prince, c’était le débat parlementaire, avec toutes les dérogations imposées parce qu’il fallait aller vite, que l’on n’avait pas le temps de mener des évaluations et que le Président de la République avait annoncé une durée de cinq ans pour les travaux.

Vous vous êtes cependant rendu compte que l’on pouvait aller dans le mur en continuant ainsi, et votre ministère a repris le dossier. Il risquait en effet d’être sacrifié dans le processus, et, avec lui, sa fonction essentielle dans l’exercice du rôle de l’État en matière de préservation du patrimoine.

Pensez donc : si ces dérogations au code du patrimoine avaient été maintenues, vous auriez été contraint, chaque fois qu’une commune aurait demandé à en bénéficier, de répondre qu’elles ne s’appliquaient qu’à Notre-Dame, au risque de fragiliser la crédibilité et l’autorité même de l’État.

Vous avez donc évolué dans le bon sens, je ne vais pas m’en plaindre. Mais nous tenons à défendre le rôle du Parlement. Je vous remercie d’ailleurs, monsieur le ministre, d’avoir donné raison au Sénat. Même si vous ne pouvez pas l’avouer, cela nous fait plaisir !

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