Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, en général, nos assemblées parlementaires parviennent à coconstruire intelligemment les textes à dominante culturelle, et particulièrement patrimoniale.
S’agissant de ce projet de loi, il a été rédigé dans un contexte émotionnel et précipité, chacun en convient. Il était donc tout à fait normal, compréhensible et légitime qu’il passe par la toise de l’expérience et de la réflexion des députés et des sénateurs pour atteindre sa juste et bonne mesure législative.
Dans cet esprit constructif, le Sénat avait proposé en première lecture, grâce au travail du rapporteur Alain Schmitz, des corrections au texte de l’Assemblée nationale, allant dans le sens d’une plus grande cohérence dans la mise en place des dispositifs à prévoir pour la conservation et la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris, ainsi que d’une plus grande vigilance quant au respect des règles dans l’instruction des travaux à venir.
La commission mixte paritaire a échoué d’emblée dans sa mission d’élaborer un texte commun, dès lors qu’il fut annoncé qu’il n’était pas question de renoncer à l’article 9, qui prévoyait des ordonnances pour adopter des dérogations à différents codes de la loi et que le Sénat avait supprimé. Celui-ci serait, quoi qu’il en soit, réintroduit par la majorité, à l’Assemblée nationale, lors de la lecture suivante.
Après cette annonce, aucun débat n’était possible et la discussion sur les autres articles devenait inutile. Par souci de convivialité, et puisque l’on nous avait annoncé que l’article 9 serait, en tout état de cause, rétabli par l’Assemblée nationale, nous n’avons même pas utilisé notre supériorité numérique pour forcer la commission mixte paritaire à maintenir sa suppression, et les autres articles n’ont été ni examinés ni débattus. Ce fut donc un échec.
Cet article 9 a été rétabli en des termes quasi identiques par la commission de la culture de l’Assemblée nationale.
Quelle ne fut donc pas notre surprise, monsieur le ministre, de vous voir en proposer en séance, par amendement, une nouvelle rédaction, complètement remaniée et presque satisfaisante. Cela mérite que nous saluions votre prise en compte de la grande inquiétude qu’avait soulevée cet article, tant dans notre assemblée sénatoriale que dans l’opinion publique. Les réunions interministérielles ont sans doute été difficiles !
Dans la quasi-totalité de la rédaction ainsi remaniée, vous inversez le raisonnement et précisez les dérogations que vous estimez devoir appliquer. S’agissant du choix de l’Inrap, l’Institut national de recherches archéologiques préventives, comme opérateur pour effectuer les fouilles archéologiques, des mesures sur la publicité et de l’occupation du domaine public par des activités économiques, nous sommes favorables à votre texte.
En revanche, nous pensons qu’il ne faut pas supprimer la consultation de la commission régionale du patrimoine et de l’architecture, la CRPA, en cas de litige – peu probable – entre l’architecte des bâtiments de France, l’ABF, et l’autorité administrative, par respect pour ses membres, mais aussi parce que cette procédure n’obère en rien le calendrier des opérations.
Cette dérogation pourrait en effet être ultérieurement revendiquée dans les cas d’avis divergents avec les ABF. La CRPA ne statue de surcroît que pour avis, ce qui peut être utile, et le préfet de région peut mettre un terme, par sa décision, à un éventuel désaccord.
Si nous saluons le fait que vous ne proposiez plus de dérogation au code du patrimoine, vous maintenez cependant le principe d’une dérogation par ordonnances aux codes de l’environnement, de la voirie et de l’urbanisme, qui nous semble toujours faire bénéficier l’État d’une liberté d’appréciation des règles établies, alors même que celui-ci exige leur stricte application par les collectivités locales et les citoyens. Nous ne voyons pas en quoi, en outre, ces codes constitueraient des obstacles à l’avancée des travaux.
Aussi proposons-nous la suppression des alinéas concernés.
J’ajoute quelques remarques sur le reste du texte, dont j’indique de nouveau que vos amendements l’ont amélioré, dans le sens que nous souhaitions : nous l’avons quelque peu toiletté, en restant fidèles à nos options et nous y avons maintenu les contributions qui nous semblent nécessaires.
Ainsi, nous ne changeons pas d’avis sur la clarification de la date d’entrée en application de la déductibilité fiscale. De nombreux dons ont été effectués le 15 avril, dans l’intention de contribuer à la restauration de Notre-Dame. Ce n’est pas parce que le Président de la République a dit : « dès demain… » qu’il faut, par la loi, instaurer une inégalité de traitement entre ceux qui ont versé le 15 et ceux qui ont donné le 16.
Comme vous le savez, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous restons, comme nombre de Français et beaucoup de donateurs, désireux de voir la cathédrale et sa flèche reconstruites dans le dernier état visuel connu.
Je reste, personnellement, partisan d’y employer, dans toute la mesure du possible, les matériaux d’origine : charpente en bois – le bois est disponible –, pierres de taille, …