Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, à l’origine, cette proposition de loi avait pour vocation la simplification, la clarification et l’actualisation de certaines dispositions du code de commerce portant essentiellement sur le droit des sociétés.
Si la demande de stabilité juridique de la part de nos concitoyens et en particulier des agents économiques est forte, elle ne saurait réduire l’aspiration des mêmes acteurs à l’adaptation constante de notre droit.
Cette adaptation régulière du droit des sociétés est un impératif pour doter nos entreprises des moyens juridiques de développer leurs activités et, en même temps, de garantir un environnement économique de confiance, qui doit être établi aussi bien à l’intérieur de l’entreprise, entre actionnaires, dirigeants, salariés, qu’à l’extérieur, à l’égard des tiers, qu’il s’agisse des clients, fournisseurs, administrations ou autres partenaires.
Nous n’en sommes pas au premier texte sur le sujet. Le droit des sociétés a régulièrement évolué pour s’adapter aux mutations de l’économie, avec, parfois, certaines innovations, comme le statut de la société par actions simplifiée, la SAS, qui connaît un succès grandissant depuis quelques années, ou celui d’autoentrepreneur, qui, pour sa part, n’est pas concerné par le droit des sociétés, puisqu’il représente surtout une dérogation à celui-ci.
On peut également noter le recours de plus en plus fréquent par les TPE, PME ou ETI aux sociétés civiles de participation pour assurer le portage d’actions ou de parts sociales, ou encore aux sociétés civiles immobilières, de plus en plus souvent propriétaires de l’immobilier d’entreprise.
Au cours des dernières décennies, plusieurs textes ont permis de faire évoluer le droit des sociétés, toujours dans le sens de la simplification. Mais on doit bien constater que, parallèlement, d’autres dispositifs ont été introduits dans des lois qui n’étaient pas spécifiques aux sociétés et sont venus toucher de manière négative la vie des entreprises, en alourdissant formalisme, réglementations et contraintes diverses. Je ne suis pas sûr que sur cinq ans, dix ans ou vingt ans, la balance entre simplification et complexification soit positive, ou même simplement neutre.
Avant d’évoquer le fond, je veux aborder, comme certains de mes collègues l’ont fait, le cheminement de ce texte à travers le temps.
La structure finale de cette proposition de loi déposée au mois d’août 2014, voilà presque cinq ans – je rappelle qu’il y a eu entre-temps un renouvellement complet du Sénat par deux moitiés – est assez différente du texte d’origine. L’auteur n’y est strictement pour rien. À l’époque, une cinquantaine de mesures concrètes avaient été listées et retenues pour la plupart par la commission des lois.
En effet, depuis cette période, un certain nombre de modifications ou dispositifs proposés ont pu être partiellement ou en totalité introduits dans différents textes, en particulier la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dite loi Macron, la loi Sapin II, la loi Pacte, ou encore les lois de finances successives.
Par ailleurs, de nouvelles dispositions ont pu être introduites à l’occasion de la navette parlementaire.
Sur le plan législatif, un tel processus n’est pas sérieux. En effet, en cinq ans, le contexte et l’environnement économique, technologique ou international ont changé, ce qui peut rendre certaines mesures obsolètes. Et encore, nous avons la chance d’avoir conservé pendant ce laps de temps les deux principaux protagonistes de cette proposition de loi : son auteur, Thani Mohamed Soilihi, et le rapporteur, André Reichardt. Je tiens à féliciter mes deux collègues de leur patience un peu forcée et de leur adaptabilité aux circonstances de la navette parlementaire.
Je ferai une autre remarque récurrente. La plupart des réformes que nous engageons par voie législative reposent trop souvent sur des textes fourre-tout qui manquent généralement de ligne directrice et qui n’introduisent que très rarement des modifications en profondeur, se limitant fréquemment à des adaptations superficielles ou d’importance marginale.
Notre manière de fabriquer la loi doit, elle aussi, être adaptée aux contraintes de notre époque, qui nécessitent un peu plus de méthode et de réactivité. Mais peut-être verrons-nous poindre une telle amélioration au détour d’une révision constitutionnelle…
Compte tenu de ces circonstances, le choix fait par la commission de nous proposer le vote d’un texte conforme est raisonnable, afin de pouvoir assurer la mise en œuvre dans les meilleurs délais de certaines mesures utiles, de bon sens et parfois depuis longtemps annoncées.
Bien entendu, une telle situation est, pour le législateur, voire pour les entreprises, un peu frustrante, car d’autres approfondissements et enrichissements du texte auraient été souhaitables et auraient permis de lui redonner une colonne vertébrale.
Même si certaines dispositions introduites par le Sénat n’ont pas été retenues par l’Assemblée nationale, il demeure sur l’essentiel une très large convergence entre nos deux assemblées. Je note au passage qu’a été traitée la possibilité pour des actionnaires minoritaires de demander la désignation d’un commissaire aux comptes dans des sociétés qui n’y sont plus obligatoirement assujetties. Il est vrai que ce sujet n’avait pas été complètement apuré lors des discussions passionnées de la loi Pacte sur le seuil d’intervention des commissaires aux comptes. Je n’évoquerai pas d’autres exemples précédemment mentionnés. Mais je retiens avec satisfaction que, dans les assemblées d’actionnaires, on ne procédera pas à l’interprétation des abstentions, qui ne peuvent effectivement pas être assimilées à des votes positifs plus qu’à des votes négatifs, la neutralité étant la vocation même de l’abstention ou du vote blanc.
Malgré les réserves que l’on peut émettre sur le processus législatif et le calendrier, je crois que ce texte pourra contribuer à améliorer le fonctionnement des entreprises et de notre économie. C’est la raison pour laquelle les membres du groupe du RDSE se prononceront à l’unanimité en sa faveur.