Intervention de Jean-Louis Tourenne

Commission des affaires sociales — Réunion du 9 juillet 2019 à 18h00
Réforme de l'assurance chômage — Audition de Mme Muriel Pénicaud ministre du travail

Photo de Jean-Louis TourenneJean-Louis Tourenne :

Madame la Ministre, j'adhère totalement au discours que vos tenez. Celui-ci est vertueux, ambitieux, universel et généreux : il s'agit d'avoir demain moins de chômeurs, mois de précarité.

Deux millions sur les quatre millions de démissionnaires pourront bénéficier d'une indemnisation. Cette dernière sera de l'ordre de 800 euros par mois pendant six mois. Selon vous, cette mesure ne va pas grever le budget de l'assurance chômage, même si actuellement aucune indication n'est donnée sur son financement.

En revanche, j'adhère moins à la méthode. Il me semble qu'en février, un accord entre les organisations syndicales et professionnelles avait été trouvé. Mais, vous avez préféré ne pas en tenir compte. Et, de manière ubuesque, alors que nous avions travaillé sur ce sujet en commission, préparé des amendements, le Gouvernement a déposé, juste avant le début de la discussion générale du texte en séance, un amendement rouvrant la négociation.

Certes, faute d'accord, vous indiquez que le gouvernement prend ses responsabilités. Mais, si vous l'aviez voulu, vous auriez pu vous y prendre autrement. Vous avez commencé à dire aux partenaires sociaux qu'il fallait trouver 3,4 milliards d'euros d'économie. Comment voulez-vous qu'une organisation syndicale assume l'impopularité de cette économie que vous leur imposiez ?

Enfin, je trouve dans votre méthode un certain mépris à l'égard des organisations syndicales mais aussi à l'égard du Parlement : nous avions discuté, débattu et même voté des dispositions concernant l'assurance chômage, mais tout a été balayé d'un revers de la main.

Vous indiquez que des chômeurs touchent des indemnités supérieures à leur salaire antérieur. Mais une telle affirmation procède d'une manipulation. En effet, pour une personne travaillant une semaine par mois et qui touche moins que le SMIC, vous divisez son salaire par les 30 jours, et par conséquent le salaire mensuel ainsi calculé est très faible. A partir de ce moment-là vous considérez qu'il touche davantage grâce aux indemnités.

En outre, vous aviez indiqué qu'il y avait chaque année 37 millions d'offres d'emploi. Vous avez aujourd'hui corrigé ce chiffre. En 2018, c'était 37 millions de contrat et aux alentours de 3 millions d'offres offertes chaque année.

Je souhaite également revenir sur les comparaisons internationales dont vous usez abondamment. Vous expliquez qu'en Allemagne les conditions d'indemnisation sont largement moins favorables que les conditions françaises. C'est vrai si on regarde uniquement l'allocation chômage. En Allemagne, elle s'élève à 40 euros pour 100 euros de salaire antérieur. Un Français touche 52 euros. Seulement en Allemagne, le chômeur touche en plus 25 euros de contributions publiques de solidarité nationale, alors qu'elles ne sont que de 10 euros en France. Au final, l'indemnisation en Allemagne est plus élevée qu'en France. Je regrette cet acharnement contre notre système d'assurance chômage.

Vous avez également indiqué qu'il était normal de ponctionner les demandeurs d'emploi ayant des hauts salaires, afin de financer les indemnités de ceux qui en ont le plus besoin. Sauf que ces derniers subissent également une cure d'austérité, car on durcit les conditions d'éligibilité à l'assurance chômage.

En bref, je ne comprends pas que l'on puisse prendre ce type de mesures en se cachant derrière de belles intentions. Ce n'est pas beau pour ceux qui se retrouvent au chômage, qui ont des familles et des enfants à nourrir : ils sont déjà pénalisés car ont été licenciés ; maintenant vous leur enlevez également de quoi survivre.

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