Intervention de Muriel Pénicaud

Commission des affaires sociales — Réunion du 9 juillet 2019 à 18h00
Réforme de l'assurance chômage — Audition de Mme Muriel Pénicaud ministre du travail

Muriel Pénicaud, ministre :

Avant l'envoi du document de cadrage prévu par la loi, il y a eu un mois de concertation avec les partenaires sociaux. Des discussions ont eu lieu et je tiens à rappeler que discuter ne veut pas dire que l'on soit d'accord sur tout. Les partenaires sociaux n'ont pas découvert le jour J ce document. Des débats ont eu lieu pour élaborer le diagnostic, les priorités... Ensuite, lorsque nous avons ouvert la négociation, nous avons convenu avec les partenaires sociaux d'un délai de 4 mois. Peu avant l'expiration de celui-ci, les partenaires sociaux ont demandé un mois supplémentaire, car ils pensaient aboutir. Toutefois, cela n'a pas été le cas, et ils nous ont fait savoir qu'ils ne parviendraient pas à un accord. Aussi, je pense que le sénateur Tourenne fait référence, dans ses propos, à un accord précédent. En ce qui concerne l'assurance chômage, les partenaires sociaux ont déclaré en février 2019 qu'ils n'arriveraient pas à trouver un accord.

En outre, depuis sa création, le régime de l'assurance chômage relève du domaine réglementaire. Dans les faits, en cas d'accord, nous transposons dans le décret les termes de celui-ci. Mais si aucun accord n'est trouvé, le Gouvernement rédige lui-même le contenu du décret. On aurait pu, en février, sortir très rapidement un décret. Mais nous ne l'avons pas fait, car nous avons estimé que les partenaires sociaux n'avaient pas discuté pour rien. Aussi, depuis février, nous avons poursuivi les discussions, fait des simulations, posé des questions inédites à l'Unédic. D'ailleurs, nous avons repris un certain nombre d'idées évoquées lors des concertations. Les partenaires sociaux seront consultés le 16 juillet sur les projets de décret. Nous ne sommes pas dans un accord tripartite. Mais je ne peux pas laisser dire qu'il n'y a pas eu de dialogue, ni de concertation. J'en veux pour preuve que sur d'autres sujets et dans le même calendrier, nous avons abouti à un consensus. Je vais présider très prochainement le « G7 social », qui est le G7 des ministres du travail et de l'emploi. Cette réunion va nourrir les travaux du G7 des chefs d'État et de gouvernement au mois d'août. Pour la première fois, dans l'histoire du G7, nous avons une déclaration commune non seulement des pays du G7, mais également du patronat et du syndicat au niveau national et mondial. Il y a quelques jours, à Aix, en Provence, tous ont salué au plan international, la force du dialogue qui s'est déroulé en France sur ce sujet, permettant de faire des avancées significatives sur l'accès universel à la protection sociale, la compétence et l'évolution du numérique, le multilatéralisme et le respect des normes internationales, l'égalité homme-femme. J'ai toujours agi dans la concertation, dans ma vie professionnelle antérieure et en tant que ministre. Toutefois, à un moment donné, le pays a besoin qu'un certain nombre de mesures soient prises.

En outre, il n'est pas vrai de dire que les partenaires sociaux sont incapables de faire faire des économies à l'assurance chômage. Ils l'ont déjà fait à de nombreuses reprises. L'économie de 3,9 milliards d'euros, indiquée dans le document de cadrage, devait se faire sur une durée de trois ans. Faire des économies n'est pas un but en soi, mais la conséquence des mesures prises.

Le phénomène des personnes non indemnisées n'est pas nouveau et je tiens à apporter une précision sur ce point. Des personnes qui ont très peu travaillé s'inscrivent à Pôle emploi. Elles n'ont pas le droit à des indemnités chômage, mais elles peuvent utiliser les services de Pôle emploi. Sont également inscrits à Pôle emploi des salariés en poste mais qui veulent changer d'emploi et utilisent Pôle emploi à cette fin.

Un chômeur sur cinq qui alterne des contrats courts au moment où il devient chômeur gagne plus que ce qu'il a gagné en moyenne dans le mois lorsqu'il travaillait. Par exemple, quelqu'un qui travaille un jour sur deux et touche 1,5 fois le SMIC gagne 880 euros net par mois, soit l'équivalent d'un demi-SMIC. Lorsqu'il entre dans le système de l'assurance chômage aujourd'hui, il touche 1 200 euros d'indemnité, mais sur une période très courte. Demain, il touchera moins mais plus longtemps. J'avoue avoir du mal à comprendre que certains puissent accepter l'idée selon laquelle on puisse toucher plus d'argent au chômage qu'en travaillant.

Pour les entreprises adaptées, Sophie Cluzel a passé un accord en juillet dernier, afin d'augmenter en quatre ans les places disponibles de 40 000 à 80 000, moyennant une évolution du modèle. J'ai d'ailleurs dégagé des moyens dans le plan d'investissement dans les compétences pour les aider. Il y a à Pôle emploi 500 000 personnes en situation de handicap. Le taux d'emploi est aujourd'hui de 3,4 % au lieu des 6 % d'obligation des entreprises. Les raisons sont multiples : problème de qualification, regard, préjugés... Aujourd'hui 80 % des handicaps sont très bien compensés et pour les 20 % restants nous avons les moyens de le faire avec l'Agefiph. Nous allons accompagner les entreprises adaptées, et pour la première fois, nous allons leur permettre de doubler le nombre de personnes qu'elles peuvent accueillir.

Je souhaite revenir sur la règle selon laquelle aucun demandeur d'emploi ne pourra toucher une indemnisation mensuelle inférieure à au moins 65 % de son salaire net de référence ni plus de 96 % de celui-ci - au lieu des 200 % actuels. Avec notre règle de six mois travaillés lors des 24 derniers mois, nous restons dans les 25 % des pays de l'OCDE ayant les régimes les plus faciles d'accès.

Trois décrets sont prévus. Le premier dresse le constat de la carence. Le deuxième prend les mesures d'application pour les démissionnaires et les indépendants, prévues dans la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel. Le troisième décret contient la convention modifiée.

L'une de nos priorités est la mobilisation territoriale, y compris en zone rurale, afin de trouver des solutions à la garde des enfants, au logement, à la mobilité. S'il y en a besoin, nous interviendrons au plan national pour aider les territoires qui en auraient le plus besoin. Toutefois, nous souhaitons partir des territoires, car une règle générale unique sera inadaptée à la spécificité de chaque bassin d'emploi.

L'Unédic, dans ses chiffres, ne prend pas en compte les effets de la réforme. Ces derniers sont en effet dus à des changements de comportement. Chaque fois que l'assurance chômage a été réformée, on a constaté des effets sur les comportements, en France comme ailleurs.

L'association Régions de France a récemment écrit au Premier ministre pour indiquer qu'elle ne souhaitait pas une décentralisation de Pôle emploi. Par contre, il est nécessaire de mieux associer les territoires. Lorsque vous regardez les autres pays européens, il y a toujours une agence nationale de l'emploi, y compris dans des pays plus décentralisés que la France. Là encore, les raisons sont nombreuses : des effets d'échelle sur les outils, la technologie, la formation ; mais aussi parce que les gouvernements sont toujours rendus responsables du chômage. Il serait donc compliqué d'en confier la responsabilité à un tiers. En revanche, nous avons discuté la semaine dernière avec les régions et le Premier ministre afin de travailler plus étroitement ensemble et de mieux articuler les compétences de chacun.

Le marché des cadres connaît le plein emploi en ce moment. Le seul point noir concerne les seniors. C'est la raison pour laquelle nous les excluons de la dégressivité et nous allons renforcer leur formation.

L'ensemble de ces mesures ne s'appliquera pas le jour de la publication des décrets. Pour les demandeurs d'emploi actuels, il n'y aura aucune modification. Le calendrier de la réforme comprend trois étapes : au 1er novembre entrent en vigueur les droits des démissionnaires, des indépendants et le plafonnement des hauts revenus. Ainsi, la première dégressivité n'interviendra qu'au mois de mai de l'année prochaine. Les conditions d'éligibilité au bonus-malus et la taxe sur les CDD d'usage entreront en vigueur au 1er janvier pour être sur une pleine année civile. Enfin, au 1er avril 2020 entrera en vigueur le fait que l'on ne puisse pas toucher des indemnités supérieures à son salaire mensuel. Ainsi, dans un premier temps seront mis en place l'accompagnement, la formation. Les nouvelles règles relatives à l'indemnisation ne se comprennent qu'en lien avec le renforcement de l'accompagnement.

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