Monsieur le président, Madame la rapporteure, les lignes d'aménagement du territoire existent depuis longtemps. Pour un certain nombre de villes, l'avion est la seule solution : les liaisons en train sont très longues, les autoroutes parfois éloignées.
Par ailleurs, par rapport aux années 1980-1990, l'économie a besoin de plus de vitesse et de réactivité. Des villes situées à 4 heures, voire 5 heures des grandes métropoles risquent fort de perdre leurs entreprises.
Les lignes d'aménagement du territoire ne représentent pas des volumes de trafic considérable. Il faut les considérer comme des liaisons d'affaires mutualisées qui proposent un tarif acceptable. Toutes les entreprises peuvent accéder aux lignes d'aménagement du territoire, mais elles ne pourraient certainement pas accéder à un avion-taxi, malheureusement assez cher. En outre, si les prix sont assez variés sur une même liaison, cela n'exclut pas de pouvoir en profiter pour des raisons familiales ou touristiques, l'idée maîtresse demeurant avant tout de sauvegarder le tissu économique.
Ces lignes ont été beaucoup plus importantes à une certaine époque. En 2005, les LAT représentaient 18,6 millions d'euros et comptaient 23 liaisons. En 2018, on en était à 4,3 millions d'euros pour six liaisons, quatre étant considérées comme un minimum vital.
Cette comptabilité est très compliquée. Il faut en effet étudier différemment les autorisations d'engagement (AE) et les crédits de paiement (CP). Or quand on passe un contrat, il est pluriannuel. Le volume d'AE représente donc trois à quatre fois le volume des CP, et l'on était tombé à un étiage d'un peu moins de 5 millions par an. On y ajoute pour cette année et les années à venir 15 millions de plus. Ceci traduit une augmentation importante du volume qui va permettre de reconstituer les liaisons qui avaient disparu faute d'argent et d'en lancer d'autres pour pallier le déficit de l'offre ferroviaire. C'est le cas à Limoges, où sont installées deux entreprises majeures du CAC 40 et où les conditions d'accessibilité ont été jugées par tous insuffisantes, ou de Quimper, où une DSP va se substituer à la liaison qui va fermer pour des raisons économiques. Ceci permettra d'assurer la continuité de la liaison.
Il n'y a plus aucun espoir de créer quoi que ce soit en 2019 mais, en 2020 et 2021, on pourra répondre à des demandes. Cette politique est récente et je serais surpris que nous ne saturions pas nos budgets qui le sont déjà à la mi-année pour 2019 et sur une bonne partie de 2020 pour les liaisons à venir.
On dit souvent qu'il existe trop d'aéroports en France. On mélange beaucoup de choses très différentes. Roissy est un aéroport de rang mondial, un très grand hub international. Sa desserte long-courrier est la première d'Europe, et cette position sera encore renforcée après le Brexit.
Les perspectives de croissance de Paris sont bien supérieures à celle de Londres, pour des raisons de qualité de l'infrastructure. On peut se rendre dans la plupart des pays du monde directement ou avec une escale à partir de notre pays. C'est une vraie capacité économique.
Quant aux grands aéroports de province, ils enregistrent une croissance supérieure à Paris et ont connu ces dernières années l'ouverture européenne. Dans les années 1990, la ligne dominante d'un grand aéroport de province était la liaison avec Paris. On comptait alors peu de lignes internationales. Aujourd'hui, la ligne avec Paris est souvent dominée par d'autres liaisons, qui permettent d'aller un peu partout en Europe ou en Afrique du Nord. Ces lignes moyen-courriers sont d'une diversité considérable et ont accompagné la construction européenne.
La deuxième révolution à venir, c'est l'arrivée de l'A321 neo XLR, pour extra long range, qui va pouvoir aller de France jusqu'au milieu des États-Unis sans s'arrêter sur la côte est. C'est un nouvel avion long-courrier d'environ 200 places, contre 300 à 350 pour les modèles actuels. La taille de nos villes fait que, même à Lyon, il est très difficile de remplir un avion long-courrier de 300 places. En revanche, des avions de ce type vont faire que, dans nos grandes métropoles régionales, on va avoir accès à l'Amérique du Nord. Je pense que ceci va constituer un changement économique tout à fait significatif, ce genre d'idée pouvant ensuite « faire des petits ».
Les aéroports plus petits jouent des rôles assez variés. Ce sont des aéroports d'aménagement du territoire qui sont souvent les supports des LAT. Ce sont aussi des aéroports qui permettent de faire venir des touristes. C'est l'économie - qui n'a d'ailleurs pas que des avantages - de systèmes comme Ryanair, qui amènent beaucoup de touristes. Des villes comme Carcassonne se sont développées touristiquement autour d'un accès facile au transport aérien, alors que l'accès direct est plus difficile pour des voyageurs internationaux.
Enfin, un grand nombre de petits terrains, qui sont en fait de gros aérodromes, font d'abord de la formation aéronautique. J'insiste sur le fait que la France représente une petite moitié de la formation aéronautique de toute l'Europe. Il n'est donc pas étonnant que nous soyons un pays aéronautique majeur.
Beaucoup d'acteurs de l'aviation sont pilotes - et heureusement : on n'imaginerait pas un acteur de l'automobile qui ne sache pas conduire ! Il faut savoir ce qu'est un avion. On n'a pas besoin de piloter un très gros avion. J'ai personnellement appris à piloter en devenant DGAC. C'est indispensable pour exercer son métier. Un grand nombre de personnes qui travaillent dans la construction aéronautique ou les compagnies aériennes ont été formées comme pilotes privés, ce qui les aide considérablement dans la compréhension de leur activité. C'est en outre un sport et un loisir. Il est nécessaire pour cela de disposer de multiples terrains.
Enfin, la petite aviation d'affaires utilise tous ces terrains, qui servent aussi aux hélicoptères, aux évacuations sanitaires etc., ce qui constitue une activité assez importante.
Une évolution importante est apparue récemment : les régions commencent à se doter de politiques aéroportuaires. La Nouvelle Aquitaine a été l'une des premières à se lancer en 2017, suivie par l'Occitanie en 2018. La Bourgogne Franche-Comté nous a sollicités pour travailler avec elle et prépare quelque chose. La Bretagne s'y est intéressée également. On va ainsi selon moi bénéficier d'un certain maillage régional, car les aéroports ont des finalités et des rôles extrêmement différents. Nous sommes à l'entière disposition des régions pour leur apporter notre connaissance et nos statistiques en matière de transport aérien, ainsi qu'en matière juridique, le contexte étant complexe du fait de sa nature à la fois nationale, européenne et mondiale.
S'agissant des questions environnementales, l'avion émet forcément plus de CO2 que d'autres moyens de transport. En revanche, comparé à l'automobile, l'avion n'est pas si catastrophique. Les meilleurs avions consomment moins de 2 litres au 100 kilomètres par passager. Certaines voitures font mieux, mais c'est très rare. Le train fait beaucoup mieux si l'on oublie sa construction. Même en l'intégrant, il est cependant vrai que le TGV reste bien plus favorable que l'avion. C'est moins vrai s'il s'agit d'un train relativement peu fréquenté.
Pour ce qui est de l'avion et des lignes intérieures françaises, peu empruntées, le turbopropulseur présente un certain intérêt. Les turbopropulseurs, sur des liaisons de 500 à 600 kilomètres, allongent le temps de parcours d'une dizaine de minutes mais économisent environ 40 % de kérosène et des tonnes de CO2. Cela mérite donc d'être étudié de près. Énormément de pays à travers le monde utilisent des turbopropulseurs, qui sont des systèmes assez favorables.
Personne ne se satisfait cependant de la situation dans le transport aérien. Plusieurs questions ont émergé dans le débat politique s'agissant des différentes formes de taxation du secteur. Les taxes ne font toutefois pas directement économiser du CO2, même si cela peut jouer sur l'utilisation de ce type de transport et donc, indirectement, sur la quantité d'émissions. Je puis cependant vous garantir que les compagnies aériennes et les motoristes font tous les efforts qu'ils peuvent pour avoir des avions les plus performants possible. En effet, le kérosène représente un tiers du coût d'exploitation. C'est donc le premier poste sur lequel ils ont intérêt à faire des économies.
On l'a vu lors du dernier salon du Bourget, tous les constructeurs aéronautiques se sont lancés dans des programmes extrêmement coûteux en matière d'avions décarbonés. Est-on capable de réaliser un avion n'utilisant pas le carbone fossile, soit en recourant à l'hydrogène, soit à des gaz à faible nombre de molécules de carbone, comme le méthane par exemple, entièrement issu de l'atmosphère ?
Un grand nombre de sauts technologiques restent à réaliser. Je ne les décrirai pas ici, mais c'est un sujet totalement enthousiasmant pour les ingénieurs qui y travaillent. Il existe des pistes sérieuses et intéressantes. Ce n'est toutefois pas pour tout de suite. La prochaine génération d'avions fera des progrès incrémentaux progressifs. On va ainsi gagner environ 15 % d'une génération à l'autre, et l'on devrait arriver à faire nettement mieux d'ici deux générations. Peut-être connaîtra-t-on les premiers avions entièrement décarbonés vers 2050.
Enfin, une certaine souplesse existe déjà, dans la mesure où l'on peut accepter que le vol ait été annulé ou ait manqué de ponctualité. Les pénalités ne tombent pas tout de suite. L'aviation n'a pas la régularité du ferroviaire, la météo pouvant changer pas mal de choses.
La chaîne d'acteurs étant par ailleurs extrêmement complexe, le retard n'est pas toujours imputable à la compagnie aérienne. C'est au maître d'ouvrage de l'apprécier dans la gestion des systèmes de pénalités.
On peut aussi accepter des variations en cours d'année. Il existe beaucoup de lignes où les obligations sont beaucoup plus faibles en août. Cela ne signifie pas qu'il n'y aura pas de vol à cette période, mais peut-être desservira-t-on la Corse au lieu de Paris ou un autre lieu touristique... Ces formules peuvent être intéressantes.
Voilà ce que je pouvais dire en introduction.