Je ne me prononcerai pas sur la question des défaillances du transport ferroviaire. Ce n'est pas mon rôle. En France, nous enregistrons une baisse du trafic sur les grandes lignes radiales de transport aérien du fait du TGV lorsqu'un TGV met deux heures pour rejoindre Paris. Cela ne signifie pas qu'il n'y a plus d'avions vers Paris, car on continue à utiliser le hub de Roissy pour aller dans le reste du monde.
Lorsque le train met trois heures, un équilibre se crée. Quand il met quatre heures, cinq heures ou plus - comme pour Toulouse et Nice -, l'avion continue à jouer un rôle dominant. Ce sont les deux dernières grandes métropoles régionales concernées. Pour des villes plus éloignées de Paris, comme Brest ou Pau, sans parler de la Corse, l'avion est forcément dominant.
Va-t-on atteindre une totale saturation du ciel ? La situation actuelle est liée à un contexte très particulier de régulation économique du secteur. Les compagnies aériennes ont poussé à la réduction des dépenses consacrées au contrôle aérien, et pas seulement en France. Les choses ont été pires dans d'autres pays d'Europe. Tout ceci a fait qu'on a soit arrêté de recruter des contrôleurs aériens, soit qu'on en a réduit le nombre de façon continue. On s'est donc trouvé il y a deux ans face à un manque dans de nombreux pays.
En France, la conflictualité a joué un certain rôle. Cette année, les délais sont très raisonnables. M. Capo-Canellas a fait un rapport remarqué à ce sujet. L'année de ce rapport, l'Allemagne a connu les mêmes délais que la France sans avoir subi de grèves. Je ne jette pas la pierre aux Allemands : le centre de contrôle de Maastricht est également saturé, et l'Espagne connaît des difficultés, tout comme de nombreux autres pays.
Le plus souvent, cela est dû à une insuffisance de contrôleurs aériens. Un contrôleur aérien ne peut traiter plus d'une douzaine d'avions à la fois. Ce n'est pas si facile : il faut un grand entraînement. Il peut aller jusqu'à en contrôler vingt en cas de difficultés, mais durant très peu de temps. Il faut être capable de gérer un très grand nombre d'événements à la fois. Chaque fois qu'on essaie de le faire automatiquement, cela fonctionne moins bien. L'esprit humain, bien entraîné, reste plus performant. Encore faut-il avoir suffisamment de personnel. On est en train de remonter la pente en la matière. Cela ira mieux dans quelques années.
Le deuxième paramètre provient de la modernisation technique. Aujourd'hui, on vit sur des systèmes anciens, qui ont été modernisés et qui ont l'avantage de la robustesse, alors que les nouveaux systèmes vont subir une part inévitable de déverminage. C'est en les pratiquant qu'on découvrira un certain nombre de difficultés, même si tous les tests ont été pratiqués auparavant.
Cela a toujours été ainsi. On passe à du striping électronique et on abandonne le papier. Le strip avait des défauts, mais présentait l'avantage d'être complètement indépendant du système électronique. Dans un cas, cela nous aurait sauvé la mise. Un cas, c'est statistiquement très peu, mais c'est toujours un cas de trop. Il faut donc réinventer les systèmes de sécurisation en tenant compte de cette nouvelle situation. Quand tous nos contrôleurs seront formés et que tous ces systèmes fonctionneront bien, on devrait gagner entre 15 % et 30 %.
Si on est vraiment bloqué, on peut jouer sur le niveau des vols. Sur la route, on a inventé les giratoires pour faire passer plus de voitures. C'est la même chose pour les avions. On peut ainsi augmenter la capacité. Cette question peut être posée.
On peut aussi les faire voler plus bas. C'est ce qui sauvera les LAT, notamment les turbopropulseurs. Ce sont des lignes courtes, pour lesquelles on ne va pas faire monter l'avion très haut. L'optimum des turbopropulseurs se situe vers 25 000 pieds, alors que ce sera de l'ordre de 32 000 pieds pour un jet. Le trafic à 25 000 pieds n'étant pas très chargé, on doit y arriver dans de bonnes conditions. Enfin, on peut donner une priorité aux LAT dans les systèmes de navigation aérienne. Il faut cependant surveiller tout le reste. En désoptimisant un peu le système, on peut développer un certain nombre de capacités.
Si cela ne suffit pas, de même qu'on a créé des créneaux aéroportuaires pour gérer la saturation des aéroports, on peut très bien imaginer des créneaux dans les zones les plus chargées et avoir ainsi une pré-allocation.
Ce point a été débattu dans le groupe des sages monté par la commission pour réfléchir à l'avenir du contrôle aérien, auquel j'ai récemment participé. Même si tout le monde s'est dit que ce n'était pas pour tout de suite, personne n'a trouvé cette réflexion ridicule.