Intervention de Elisabeth Borne

Mission d'information Transports aériens — Réunion du 4 juillet 2019 à 11h05
Audition de Mme élisabeth Borne ministre auprès du ministre d'état ministre de la transition écologique et solidaire chargée des transports

Elisabeth Borne, ministre :

Le retard à rattraper est important. Plusieurs phénomènes expliquent une forme de saturation de l'espace aérien que l'on retrouve dans toute l'Europe. La France fait partie des pays qui connaissent des difficultés. La régulation européenne a sous-estimé la croissance du trafic aérien. Les recrutements et les investissements ont été partout calibrés trop bas pour répondre aux enjeux.

Nous avons eu récemment des échanges avec la Commission européenne. Il faut prendre garde, quand on aborde ces questions, de ne pas avoir une approche uniquement financière et budgétaire, et de bien prendre en compte les enjeux de fluidité et de qualité du transport aérien à l'échelle européenne. C'est en ce sens que nous plaidons, avec d'autres États, pour ne pas refaire, dans la période de régulation à venir, les erreurs qui ont pu être commises, notamment en matière de contrôle aérien.

À ceci s'ajoute un retard en termes d'investissements, notamment s'agissant de tous les grands outils de contrôle aérien. C'est un retard qu'il va nous falloir rattraper. Il s'agit de systèmes logiciels complexes, sur lesquels, à la suite du rapport du sénateur Capo-Canellas, j'ai souhaité exercer un suivi régulier. Ces outils sont indispensables pour préparer l'aviation civile de demain.

J'admire les contrôleurs aériens : on ne mesure pas toujours la complexité de leur métier et la responsabilité qui est la leur de gérer, avec très peu d'outils technologiques modernes, un trafic aérien extrêmement dense. Il est de notre devoir de leur donner des outils adaptés. C'est ce à quoi on est en train de s'employer.

Quant au maillage, il est de la responsabilité des régions de réfléchir à leur schéma aéroportuaire. Je sais qu'elles s'en sont largement saisies et je ne porterai pas, depuis Paris, un jugement sur ce sujet. Je pense que les régions sauront mieux l'apprécier que nous.

Monsieur Bonhomme, le transport aérien a certes fait des progrès qui méritent d'être soulignés. Il est par ailleurs le premier à s'être engagé dans un accord international sur la maîtrise de ses émissions de gaz à effet de serre. Le mécanisme CORSIA doit être absolument préservé. Il faut l'articuler avec le système européen ETS. L'enjeu des deux systèmes est important.

On peut aussi entendre un certain nombre de questionnements de la part des citoyens sur le fait qu'il n'existe pas de TVA sur les vols intra-européens ou de taxation des carburants aériens. Il faut réfléchir à une approche partagée des efforts et des équilibres.

Cela ne doit pas pour autant handicaper nos compagnies aériennes. On peut partager les comparaisons qu'on a pu faire sur les coûts de toucher. Chaque État peut avoir des répartitions entre taxes et redevances correspondant à ses propres règles. Les comparaisons européennes montrent que le coût de toucher, en France, est très comparable à celui qu'on trouve en Allemagne, et inférieur au Royaume-Uni. La Suède et les Pays-Bas, qui se disent en pointe dans le combat en faveur de la transition écologique et de son inclusion dans le transport aérien, sont des États qui ont le niveau de taxes et de redevances le plus bas en Europe - même si on peut comprendre que leur prise de conscience soit plus tardive que les autres.

Un certain nombre d'amendements ont été déposés à l'Assemblée nationale pour interdire les liaisons aériennes domestiques. Je pense qu'il faut trouver un bon équilibre. Lorsqu'il existe une offre ferroviaire performante, les Français s'en saisissent. C'est ce qui explique que le trafic aérien a baissé de 42 % entre Paris et Bordeaux depuis la mise en service de la ligne Tours-Bordeaux, qu'on a plus de liaisons aériennes entre Paris et Strasbourg en dehors de la desserte du Parlement européen, et plus de liaisons aériennes entre Paris et Bruxelles.

On ne peut toutefois négliger le fait que certains territoires qui n'ont pas de TGV ont besoin de liaisons d'aménagement du territoire. Il ne faut pas non plus perdre de vue l'importance de la continuité territoriale avec nos outre-mer et la Corse, liaison qui s'est beaucoup renforcée ces dernières années.

Pendant que le trafic radial baisse, le trafic d'un certain nombre de transversales augmente. C'est dans l'ordre des choses. Il faut donc raison garder quand on parle de ces sujets très sensibles. En tout état de cause, il faut faire connaître la réalité de l'évolution du trafic aérien et son changement de positionnement dans notre pays. Au fur et à mesure des liaisons TGV, le trafic aérien diminue sur les lignes correspondantes, mais il reste des besoins à prendre en compte.

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