Monsieur le président, monsieur le vice-président de la commission, madame la rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, nous nous retrouvons une nouvelle fois pour aborder les enjeux relatifs à la vie associative, après avoir examiné ensemble la proposition de loi en faveur de l’engagement associatif. Nous travaillons à favoriser le développement des associations de notre pays, à promouvoir leur action, à assurer leur utilité sociale, leur pérennité et leur capacité de mutation, d’évolution et de diversification.
Le texte qui nous réunit cet après-midi traite d’un sujet majeur pour les structures associatives : leur trésorerie.
Comme le consacre l’adage, « l’argent est le nerf de la guerre » ; cela est d’autant plus vrai s’agissant d’associations dont les ressources sont, pour la grande majorité d’entre elles, limitées et complexes à obtenir et à élargir. Cette conviction, nous l’avons tous ici ; je la partage, en tant que secrétaire d’État chargé de la vie associative, mais aussi en tant qu’élu local, puisque, à mesure que les forums des associations se succèdent chaque année, nous prenons le pouls de ce qu’est aujourd’hui la réalité de la vie associative dans notre pays.
Nous avons lancé plusieurs chantiers pour développer et diversifier le financement des associations ou pour les aider à accroître leurs ressources. Je pense aux annonces que j’ai faites dans le cadre de ma feuille de route, que j’ai présentée le 29 novembre dernier, sur les groupements d’employeurs associatifs, pour faire des économies d’échelle, ou sur le plancher de dons à 10 000 euros, pour favoriser le mécénat des TPE et des PME dans les territoires, au plus près des organisations, dans une logique de synergie territoriale.
Cette proposition de loi intervient directement dans le cadre de ces chantiers et de cet objectif.
Elle a notamment pour objectif de lever les freins à la constitution de fonds propres par les associations, leur permettant d’investir ou de se projeter dans le plus long terme – nous savons combien c’est important pour elles. Elle a également pour objectif de leur permettre de recevoir leurs subventions dans des délais qui correspondent aux réalités de gestion quotidienne d’une association, et d’une structure en général. Elle a pour objectif, enfin, de leur permettre de profiter, par le biais du fonds pour le développement de la vie associative, le FDVA, notamment, des fonds bancaires associatifs inactifs, et donc non utilisés aujourd’hui ; ce sujet revient régulièrement dans le débat depuis maintenant plusieurs années.
Ce texte fait suite à un travail de longue haleine mené par l’ensemble des acteurs associatifs. Le Mouvement associatif a travaillé pendant un an à un rapport qui a été remis au Premier ministre il y a maintenant plus d’un an. Ce rapport, ensuite repris par un certain nombre de groupes politiques, m’a moi-même aidé à nourrir la feuille de route que j’ai présentée le 29 novembre dernier. Les mesures qui se retrouvent dans ce texte font directement écho à ce rapport du Mouvement associatif. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle ce texte a été adopté à l’unanimité par l’Assemblée nationale.
Ce vote était important ; c’est un vote en faveur des associations et du développement de leur action dans les territoires, jour après jour, au plus près des citoyens, afin de répondre aux attentes et aux besoins sociaux : animer le périscolaire, gérer un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, mener des actions culturelles pour tous les âges, être aussi, parfois, des éclaireurs, qui nous alertent, nous, élus locaux, élus nationaux, dirigeants politiques, mais aussi, plus largement, qui alertent la société, sur des problématiques spécifiques.
Les associations sont indispensables à la vitalité de notre pays ; leur assurer des facilités complémentaires pour développer et gérer leur trésorerie, c’est participer à cette indispensable action.
Les deux ans qui viennent de s’écouler ont entretenu des doutes, des inquiétudes, parfois des critiques, dans le monde associatif, que la fin des emplois aidés a cristallisés. Cette mesure était essentielle, car il n’est pérenne pour aucune structure de bénéficier d’une forme de subventionnement déguisé, au travers d’un emploi, alors que les ressources ne sont ni stables, ni récurrentes, ni variées. Il faut penser la solidité et la pérennité des modèles associatifs en favorisant la diversification des ressources, des modèles d’organisation, des modèles économiques et des modèles de gouvernance, ainsi que le travail collaboratif, toutes ces mesures permettant une véritable structuration et un développement robuste.
Nous l’avons fait avec la baisse pérenne des cotisations sociales. Je rappelle que la transformation du CICE, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, en baisse de charges, c’est 1, 4 milliard d’euros de trésorerie rendus au secteur associatif, mesure qui se cumule, en 2019, avec les 500 millions d’euros inhérents au crédit d’impôt sur la taxe sur les salaires.
Évidemment, il est question ici des associations qui salarient, donc pas de toutes les associations, et pas, en particulier, des associations de bénévoles ; mais c’est une mesure qu’il me semble important de rappeler, puisque des associations ayant un certain nombre de salariés voient nettement la différence sur leur trésorerie.
Nous l’avons fait aussi avec le lancement, le mois dernier, des premiers postes Fonjep, financés par l’intermédiaire du fonds de coopération de la jeunesse et de l’éducation populaire, dédiés aux groupements d’employeurs associatifs dans les territoires.
Nous allons continuer à le faire en poursuivant la simplification des demandes de subvention et la hausse progressive des conventions pluriannuelles d’objectifs qui sécurisent les ressources des associations.
C’est une demande très forte qui vient des associations : elles veulent plus de prévisibilité pour ce qui concerne leurs ressources. Nous y travaillons, nous avons commencé à y travailler s’agissant de la politique de la ville, et nous poursuivons ces travaux qui nécessitent évidemment une coordination avec les collectivités locales.
L’article 1er de cette proposition de loi a été supprimé en commission. Je le regrette ; c’est pourquoi je demanderai, au nom du Gouvernement, son rétablissement. Il permet en effet aux associations de conserver les excédents raisonnables liés à une subvention publique.
Cette disposition permettrait très concrètement de renforcer des logiques de performance sans rien renier de la mission d’intérêt général portée par les associations. Cela leur permettrait également de renforcer leurs fonds propres, leur donnant les moyens, demain, d’investir et de développer leurs actions sur les territoires, dans une logique, toujours, de prévisibilité et de prospective.
L’article 1er bis, quant à lui, visait à instaurer un délai maximal pour assurer le versement des subventions publiques. La discussion autour de ce délai a été l’occasion d’échanger avec un certain nombre d’associations d’élus des territoires, qui partageaient l’idée qu’il est nécessaire de donner de la visibilité aux associations et de se fixer des objectifs réalistes. Ce délai de soixante jours, donc, a été discuté avec les associations d’élus ; son instauration donne de la visibilité et sécurise l’action des associations au plus près des citoyens tout en préservant un délai de paiement réaliste et raisonnable, à la fois pour l’État et pour les collectivités locales.
L’article 2, qui n’a pas été modifié en commission, porte une mesure indispensable pour la simplification de la vie des associations, en leur permettant de réaliser des prêts à taux zéro entre structures d’un même groupement d’employeurs ou d’une même fédération. Il s’agit aussi d’une mesure d’incitation à la mutualisation des compétences et des ressources.
Cette mutualisation est un levier majeur pour le développement du monde associatif ; pour qu’elle soit réalisée, il faudra parfois passer outre des sentiments de concurrence ou d’animosité qui ont pu exister par le passé, mais qui minent la capacité de certains acteurs à travailler ensemble.
Cette mutualisation est dans bien des cas la condition d’une dynamique plus importante, du passage à l’échelle supérieure ou, tout simplement, de la concrétisation du premier emploi, dont on sait qu’il est souvent une marche très difficile à atteindre pour des structures associatives.
L’article 3 concerne l’analyse rendant possible la récupération des fonds des comptes bancaires associatifs inactifs, lesquels, au bout de trente ans, passent dans le budget général de l’État.
C’est là un serpent de mer, qui revient régulièrement, s’agissant du financement de la vie associative. L’an passé, ce sont 1, 9 milliard d’euros de comptes bancaires inactifs qui ont été versés au budget général. Quelle part de ce montant relevait de comptes d’associations qui avaient été laissées en déshérence ? Nul ne le sait, puisque le tri et l’analyse ne sont pas faits aujourd’hui.
Il y a dans ce montant une part liée aux associations, nous le savons. Il nous faut l’identifier et en évaluer le volume. Cette part, je souhaite la voir réutilisée pour le développement de la vie associative ; c’est justice que des fonds en déshérence qui étaient liés à des associations d’hier puissent finalement bénéficier à des associations d’aujourd’hui. Tel est l’enjeu, très important, de cet article 3.
L’article 3 bis est né d’une très forte attente des parlementaires. Nous en avions parlé longuement, ici, dans le cadre de l’examen d’autres textes et de la procédure budgétaire : il s’agit en effet de prévoir la présence des parlementaires dans les commissions départementales du fonds pour le développement de la vie associative.
Ces commissions paritaires regroupent les représentants de l’État, des collectivités et des associations ; désormais, elles pourront intégrer des parlementaires. Il s’agit en définitive de se caler sur le même format que celui des commissions relatives à la dotation d’équipement des territoires ruraux, la DETR. Ce choix a été fait par parallélisme des formes, mais aussi et surtout dans l’objectif d’assurer une représentation garantissant le maintien du caractère mixte de ces commissions. La diversité des regards et des expertises est indispensable pour faire les choix les plus pertinents possible pour les territoires.
L’article 4 consistait, quant à lui, à permettre aux seules structures associatives reconnues d’intérêt général et fondations reconnues d’utilité publique de bénéficier de la mise à disposition d’un bien immobilier dont la propriété a été transférée à l’État, ce que l’on appelle communément les biens mal acquis. La commission du Sénat y a ajouté des organismes qui ne sont ni sous statut associatif ni reconnus d’intérêt général.
J’entends les arguments qui ont été développés ; nous pourrons en discuter tout à l’heure. Mais j’ai la conviction que cet ajout nous éloigne de l’objectif d’aider prioritairement les associations. Je vous proposerai donc d’adopter un amendement visant à revenir à l’écriture initiale de cet article, pour rester dans un périmètre d’action cohérent.
De la même manière, je vous proposerai de réintégrer l’article 4 bis, supprimé alors qu’il ouvrait à toutes les structures associatives et fondations la possibilité de ne pas faire l’objet d’un droit de préemption, ce qui leur assurerait une sécurité juridique forte, s’agissant notamment des dons immobiliers qu’elles pourraient recevoir.
L’article 5, que vous n’avez pas modifié – je vous en remercie –, porte sur l’évaluation de la fiscalité liée aux dons ainsi que sur le modèle économique des organismes d’intérêt général, qui repose majoritairement sur la générosité.
L’article 5 bis introduit dans les textes une cohérence sémantique destinée à assurer une lisibilité et une meilleure compréhension de la générosité du public.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le présent texte est un texte très concret, important pour la trésorerie et la vie des associations – nous le voyons. Des amendements qui ont été adoptés en commission ou qui ont été déposés et seront examinés à l’occasion de cette discussion font émerger des débats et des enjeux légitimes ; je partage la conviction qu’ils le sont.
Je prends un exemple : celui des délais qui permettent, dans le cadre d’une succession, de bénéficier d’abattements pour certains dons et legs. C’est selon moi un vrai sujet, et je travaille sur cet enjeu de l’héritage et de la succession, qui peuvent favoriser le financement de l’intérêt général. Une mission est en cours sur le sujet ; son traitement relève donc davantage, me semble-t-il, du travail de ladite mission, qui aboutira dès la rentrée, que de celui que nous effectuons autour de ce texte.
J’ai surtout la conviction qu’il nous faut aller assez vite sur cette proposition de loi, qui, je le redis, est issue d’un rapport du Mouvement associatif, dont les travaux ont commencé en 2017. C’est un enjeu pour les associations de pouvoir dès 2020 bénéficier de ces mesures, qui améliorent leur trésorerie. C’est aussi, selon moi, un enjeu pour les parlementaires de pouvoir être présents dans les commissions départementales du fonds pour le développement de la vie associative dès la session de 2020, la prochaine ; à défaut, il faudra attendre 2021 pour que les parlementaires puissent participer au choix et à l’attribution des subventions dans les territoires.
L’adoption rapide de ce texte me semble donc revêtir une importance centrale, d’autant que d’autres textes vont nous permettre de parler de ces enjeux selon d’autres perspectives. Je pense à la proposition de loi en faveur de l’engagement associatif, dont nous avons déjà débattu ici ; je pense au projet de loi de finances et à d’autres vecteurs qui pourront nous rassembler.
Je souhaite donc que nous puissions avancer, toujours dans l’optique de faciliter la vie quotidienne de nos associations, qui en ont besoin, et surtout de renforcer le lien social et la vie démocratique de notre pays, qui a besoin de ces associations partout sur le territoire.