Intervention de Jean-François Rapin

Commission des affaires européennes — Réunion du 4 juillet 2019 à 8h30
Recherche — Politique spatiale : rapport d'information proposition de résolution et avis politique de mm. andré gattolin et jean-françois rapin

Photo de Jean-François RapinJean-François Rapin, rapporteur :

Ce rapport aurait aussi pu émaner de la commission des affaires étrangères et de la défense, mais il n'est pas étonnant que notre commission se saisisse de ce sujet car il s'inscrit dans le prolongement de notre réflexion. Avec André Gattolin, nous travaillons, en effet, depuis plusieurs années sur la recherche et je suis rapporteur spécial des crédits de la recherche à la commission des finances. Or le spatial joue un rôle crucial à cet égard. André Gattolin a présenté les aspects opérationnels et techniques, qui font rêver ; j'évoquerai les aspects financiers et la gouvernance.

Faute de grand projet, 2019 marque une consolidation de l'action de l'Union européenne dans le secteur spatial. Un projet de règlement avait été présenté par la Commission européenne en juin 2018. Au prix d'un rythme de négociations soutenu, il a fait l'objet d'un accord en trilogue le 26 avril dernier, après que le Conseil eut arrêté sa position en décembre 2018.

Il y aura désormais un règlement unique pour l'ensemble des activités spatiales européennes, là où il y avait un règlement par programme. Ce règlement s'accompagne d'un affichage budgétaire conséquent sur lequel je reviendrai. Il s'agit surtout, pour les années qui viennent, d'assurer le fonctionnement et la continuité des grands programmes spatiaux pour augmenter le bénéfice que nous pouvons en tirer. Par exemple, en ce qui concerne la lutte contre le réchauffement climatique, un programme d'observation de la Terre est déterminant.

Pour renforcer son action, l'Union européenne propose la transformation de l'agence qui suivait la radionavigation par satellite en une véritable Agence de l'Union européenne pour le programme spatial. L'objectif est d'unifier et de simplifier la gouvernance des programmes spatiaux de l'Union.

La création d'une nouvelle agence, ou son renforcement, pose toujours une difficulté en Europe. C'est le cas pour nous, qui sommes très attachés au principe de subsidiarité et à l'articulation des compétences entre le niveau européen et le niveau national, voire régional. Dans le cas présent, il y a aussi la question de l'articulation du travail entre cette nouvelle agence de l'Union et l'Agence spatiale européenne existante, l'ESA, qui n'est pas une agence de l'Union à proprement parler, mais qui est reconnue par elle.

Le principe retenu est une claire répartition des rôles entre la Commission, l'ESA et la nouvelle agence de l'Union. Cette dernière assurera les homologations de sécurité de toutes les composantes du programme spatial et s'occupera surtout du secteur aval, c'est à dire la promotion et la communication, ainsi que la commercialisation des services offerts par Galileo. Il s'agit de faire de « notre GPS » un fournisseur de données et d'avoir un acteur important dans l'économie de la donnée. Pour sa part, l'ESA continuera à développer les infrastructures, tant au sol que dans l'espace, de Galileo, EGNOS et Copernicus. Elle conservera donc un rôle fondamental de conception, de recherche et d'innovation. Enfin, la Commission aura en charge le pilotage stratégique, au service des politiques de l'Union et dans le souci de préserver l'autonomie européenne en la matière. L'écueil d'un millefeuille administratif et d'une duplication des compétences semble donc évité et il faut s'en satisfaire.

Concernant le budget, je dirais « oui, mais ». La Commission européenne propose un budget total pour le programme spatial de 16 milliards d'euros pour la période 2021-2027. C'est très bien. Beaucoup de nos interlocuteurs se sont montrés satisfaits d'une telle enveloppe. Et comment ne pas l'être si l'on considère qu'en vingt ans, le budget européen pour la politique spatiale aura été multiplié par quatre ! Il était de 4,6 milliards d'euros pour la période 2007-2013. Il est passé à 11,1 milliards pour la période actuelle, 2014-2020, et serait de 16 milliards dans le prochain cadre financier pluriannuel.

Nous soutenons cette proposition. Je rappelle que la France assume plus de 80 % du coût de la base de Kourou. On parle aujourd'hui du « port spatial de l'Europe ». Il serait bon que cet accès souverain de l'Europe à l'espace fasse l'objet d'un financement européen accru comme le rappelait récemment la Cour des comptes.

Surtout, comme vous le savez, les négociations sur le cadre financier pluriannuel 2021-2027 ont commencé mais sont loin d'être terminées. Si plusieurs règlements sectoriels ont été adoptés, le budget afférent n'est pas arrêté. Donc, le budget pour le programme spatial fera partie d'un accord global sur le cadre financier pluriannuel et il n'est pas certain qu'il demeure en l'état. Nous devons être vigilants là-dessus.

Par ailleurs, à notre initiative, le Sénat avait demandé dans une résolution européenne que le futur programme de recherche et d'innovation « Horizon Europe » comporte un pôle intégralement dédié à la recherche spatiale, au sein du pilier consacré aux problématiques mondiales et à la compétitivité industrielle. Le Gouvernement français l'a défendu, mais ce n'est pas ce qui a été retenu. La recherche spatiale est incluse dans un pôle consacré à l'industrie, au numérique et à l'espace, qui se verrait allouer 15 milliards d'euros sur sept ans.

Par cohérence avec la résolution précédente, nous demandons aujourd'hui que 4 milliards d'euros soient orientés vers la recherche spatiale. C'est aussi une demande de l'industrie spatiale, d'Airbus à Thales.

L'année 2019 se terminera par une conférence intergouvernementale de l'Agence spatiale européenne qui définira les grandes orientations des prochaines années, y compris en ce qui concerne la recherche sur les lanceurs. Cela me permet d'évoquer Ariane 6, qui doit répondre aux lanceurs de Space X. Les orientations retenues visent à réduire les coûts et les délais de fabrication et à développer des technologies réutilisables. C'est encourageant, mais comme le résumait une des personnes que nous avons auditionnées : maintenant, il faut que ça marche ! Notre industrie du satellite est très compétitive et de haute qualité. Ainsi Thales est en train de fabriquer pour Eutelsat un satellite Konnect VHTS qui couvrira en très haut débit toute l'Europe, sans zones blanches, en 2022. Il lui faut un lanceur moins cher.

Enfin, je terminerai par le Brexit sans revenir sur les difficultés qu'a présentées le président Bizet. Tout comme dans le domaine de la recherche, le Royaume-Uni est un partenaire de premier plan dans le spatial. Pour notre pays, c'est un partenaire important en ce qui concerne le secteur de la sécurité et de la défense. Nous avons ensemble développé le système public réglementé de Galileo, c'est-à-dire un signal crypté puissant, destiné à des applications sensibles comme la protection des infrastructures critiques, la police, la défense, la sécurité et les services d'urgence. S'il quitte l'Union européenne, le Royaume-Uni ne pourra plus bénéficier de ces services d'une manière aussi complète que s'il était resté dans l'Union. C'est un grave problème pour lui. Et incidemment pour nous ! Galileo a en effet trois volets : des donnés publiques accessibles à tous, des données payantes, et des données militaires. En cas de Brexit, nous pensons que des solutions doivent être trouvées pour que le Royaume-Uni reste un partenaire de premier plan de l'Union européenne dans le secteur spatial. C'est dans l'intérêt des deux parties.

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