Intervention de Jean Bizet

Commission des affaires européennes — Réunion du 4 juillet 2019 à 8h30
Institutions européennes — Réunion plénière de la lxie conférence des organes spécialisés dans les affaires communautaires cosac du 23 au 25 juin à bucarest - communication de m. jean bizet

Photo de Jean BizetJean Bizet, président :

La réunion s'organisait en quatre temps : une première session consacrée aux réalisations de la présidence roumaine du Conseil de l'Union européenne ; une deuxième sur les perspectives commerciales internationales de l'Union et l'avenir de ses relations avec le Royaume-Uni dans le contexte du Brexit ; une troisième sur l'espace européen de l'éducation en tant que moteur de la refonte et du renforcement du marché unique ; une dernière session sur « l'économie basée sur l'innovation, le progrès technologique et l'impact social de l'Union », ainsi que sur « le rôle des parlements nationaux dans la promotion de la nouvelle économie de l'Union ».

D'entrée de jeu, les Allemands ont dénoncé l'abandon du système des Spitzenkandidaten pour désigner le futur président de la Commission européenne. M. Kirchbaum, président de la commission des affaires européennes du Bundestag, l'a clairement exprimé, avec une certaine colère.

La Première ministre de la Roumanie, Mme Dancila, est ensuite intervenue pour présenter, de manière flatteuse, les succès remportés par la présidence roumaine, dont les maîtres mots étaient : « la cohésion, une valeur européenne commune ». La contribution finale de la COSAC faisait l'apologie de la cohésion avec un enthousiasme que la délégation allemande a tenu à tempérer. La valorisation par la Première ministre roumaine du travail de son pays à la présidence de l'Union était attendue, mais Mme Michèle Ramis, notre ambassadrice à Bucarest, nous a invités à voir au-delà de ce discours assez convenu : Mme Dancila joue en effet un rôle décisif pour remettre la Roumanie sur le bon chemin, ce qui n'est pas facile - en avril dernier, elle a en effet évité in extremis la promulgation de la loi d'amnistie qui risquait de permettre au personnel politique roumain corrompu de rester aux manettes. Il n'est pas interdit de penser que la pression internationale, notamment européenne en cette période de présidence roumaine, a pu contribuer à ce revirement. S'en est suivie l'incarcération, fin mai, du président de l'Assemblée nationale, M. Dragnea, chef du puissant parti social-démocrate - dont d'ailleurs Mme Dancila est issue. La Roumanie semble donc prête à repartir sur des bases plus saines. De ce fait, notre ambassadrice s'est dite confiante dans l'avenir de ce pays.

Au terme des débats sur les thèmes retenus pour la COSAC, une contribution a été adoptée par les participants. Nous avons contribué à l'améliorer sensiblement en y apportant plusieurs amendements.

Sur la partie de la contribution consacrée au commerce, nous avons fait part de nos inquiétudes concernant l'avenir du multilatéralisme, confronté à de nombreuses menaces. Il est à noter que Lord Teverson, que nous avions d'ailleurs reçu au Sénat deux semaines plus tôt, a lui aussi soutenu de manière appuyée le multilatéralisme, pourtant mis à mal par l'allié historique du Royaume-Uni, les États-Unis. Il a rebondi sur mes propos, s'inquiétant notamment du risque de paralysie de l'Organe de règlement des différends (ORD) de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) en fin d'année, dès lors que les États-Unis se refusent à nommer deux de ses membres. Il m'a soutenu en rappelant combien il était important que l'Union européenne, grand bloc économique, défende l'ordre international en place, dans un contexte d'affaiblissement de l'OTAN et d'entorses chinoises au droit de la mer. Concernant les sanctions unilatérales ayant des effets extraterritoriaux, nous avons proposé de souligner qu'elles affectaient la souveraineté de l'Union, comme l'ont souligné plusieurs rapports de M. Bonnecarrère. Le secrétariat de la COSAC s'est ému de notre amendement, craignant que le mot « souveraineté » ne prête à débats, et a proposé d'y substituer le mot « unité » - ce n'est pas tout à fait pareil ! Il est intéressant de noter qu'évoquer la souveraineté européenne n'est pas évident pour de nombreux États membres. Nous n'avons pas voulu avancer de manière frontale sur ce sujet sans pour autant renoncer ; aussi avons-nous obtenu que la contribution dénonce les sanctions extraterritoriales comme des atteintes « à l'unité et aux compétences » de l'Union européenne, ce qui est un premier pas à l'adresse des parlementaires des autres États membres.

Nous avons aussi plaidé pour la réciprocité et insisté sur la nécessité que la lutte contre la concurrence déloyale, qu'il s'agisse de dumping ou de subventions aux exportations, soit reconnue dans tous les secteurs, et explicitement en matière agricole. L'Irlande a appuyé notre proposition, contrairement aux Pays-Bas qui, sur ce sujet, comme sur la plupart des autres sujets, nous ont porté contestation.

Enfin, nous avons tenu à ce que la contribution finale, qui plaidait pour des relations commerciales privilégiées avec le Royaume-Uni après le Brexit, conditionne expressément cette perspective à l'acquittement, par les Britanniques, de leurs engagements financiers envers l'Union. C'est un message en direction de notre collègue qui deviendra sans doute premier ministre, M. Boris Johnson.

Sur le deuxième sujet, l'espace européen de l'éducation, nous avons obtenu d'intégrer dans la contribution un appel à soutenir la formation professionnelle et notamment l'Erasmus des apprentis. Nous n'avions pas encore entendu Jean Arthuis, qui a achevé de nous convaincre lors de son audition la semaine dernière par notre commission. Pour sa part, le Bundesrat a naturellement tenu à rappeler son opposition à toute harmonisation des systèmes éducatifs en Europe et son attachement à une formation holistique des élèves, qui développe non seulement leurs compétences sur le marché du travail mais aussi leur personnalité toute entière. Je souligne que la délégation hongroise a insisté sur la nécessité de rendre mobiles les enseignants et non seulement les étudiants ou apprentis.

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