Intervention de Hervé Maurey

Commission mixte paritaire — Réunion du 10 juillet 2019 à 16h39
Commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi d'orientation des mobilités

Photo de Hervé MaureyHervé Maurey, sénateur, vice-président :

Je vous remercie, Madame la présidente, pour votre accueil à l'Assemblée nationale. Je rappellerai à mon tour l'état d'esprit qui est celui du Sénat depuis l'origine. Nous soutenons la volonté du Gouvernement et son objectif d'améliorer l'offre de mobilités du quotidien et de mettre fin à ce qu'on appelle les « zones blanches de la mobilité ». Le mouvement des gilets jaunes est venu nous rappeler, s'il le fallait, à quel point il y a urgence à répondre à ce besoin de mobilité dans les territoires.

Nous avons donc abordé, dans un esprit pragmatique et constructif, ce projet de loi qui a été examiné en premier lieu au Sénat, avec le souci de l'améliorer et de combler ses lacunes, notamment sur le volet financier, puisque le projet de loi est arrivé au Sénat sans garantie sur son financement. Dès l'origine, nous avons insisté sur le fait que ce point était essentiel, aussi bien en ce qui concerne le financement de la programmation des infrastructures, qu'en ce qui concerne celui de la compétence « mobilité » que les EPCI sont amenés à exercer s'ils le souhaitent. L'Assemblée nationale a poursuivi le travail du Sénat en conservant un grand nombre d'apports de notre assemblée et en insérant de nouveaux articles à l'issue d'un travail très riche. Le projet de loi ainsi adopté est un texte substantiellement amélioré par rapport au texte initial. Nous pouvons collectivement nous en féliciter, puisque de nombreux sujets sur lesquels il y avait des divergences ont fait l'objet d'échanges constructifs entre les rapporteurs. Je tiens donc à remercier l'ensemble des rapporteurs des deux assemblées qui ont fait un grand travail de rapprochement des différents points de vue.

La seule question qui reste, ou peut-être doit-on désormais dire « qui restait » en suspens, est celle du financement. Nous avons introduit en première lecture au Sénat, un double dispositif de financement. D'une part, il prévoyait la possibilité pour les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) exerçant la compétence mobilité d'instaurer un versement mobilité de 0,3 % même en l'absence de services réguliers de transport. D'autre part, et ceci est très important à nos yeux, nous avions prévu, en introduisant un article 2 bis, l'affectation d'une part de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) aux EPCI pour lesquels le versement mobilité ne permettrait pas de dégager les ressources nécessaires au plein exercice de cette compétence. Si nous sommes très attachés à ce qu'il y ait un maillage du territoire par les AOM, voulu par le Gouvernement, celui-ci ne peut devenir une réalité que si les moyens financiers sont au rendez-vous.

Comme vous le savez, l'Assemblée nationale a supprimé ce dispositif, conformément à la volonté du Gouvernement de renvoyer cette question à la loi de finances pour 2020. Nous étions prêts à accepter ce renvoi en échange de garanties fermes et précises sur la manière dont ces financements seraient assurés. Au cours des dernières semaines, la ministre Mme Elisabeth Borne nous a indiqué que la piste privilégiée par le Gouvernement était celle d'un financement par le biais de la cotisation foncière des entreprises (CFE). Puis, il y a deux jours, nous avons reçu un courrier du Premier ministre nous indiquant que, pour financer leur compétence mobilité, les intercommunalités devraient en fait compter sur le dynamisme de la part de TVA qui leur serait attribuée en contrepartie de la suppression de la taxe d'habitation.

Nous apprenions alors, en même temps, dans quel sens pourrait se faire la réforme des finances locales et la manière envisagée par le Gouvernement de financer la compétence mobilité. Ce même courrier nous indiquait que 30 à 40 millions d'euros supplémentaires pourraient être dégagés chaque année par ce biais. Nous avons immédiatement fait part de nos réserves sur ce dispositif. Celui-ci ne constitue en effet pas un financement fléché ou dédié à la compétence mobilité puisqu'il devrait de toute façon être alloué pour compenser la suppression de la taxe d'habitation, que l'EPCI exerce ou non la compétence mobilité. Nous avons pu constater, sur la base de données qui nous avaient été fournies par le Gouvernement en termes de coûts des services, que ce financement ne réglerait pas le problème des communautés de communes qui souhaiteraient mettre en place des services réguliers de transport, mais dont le versement mobilité ne serait pas suffisant pour financer cette compétence. Nous craignons dès lors qu'un grand nombre d'intercommunalités n'exercent pas la compétence prévue et que, de ce fait, la promesse de développer ces services de mobilité que nous appelons de nos voeux demeure lettre morte.

J'ai eu hier l'occasion d'échanger sur ce sujet avec la ministre des transports en présence du rapporteur du Sénat. J'ai aussi eu un échange aussi imprévu qu'informel avec le Premier ministre hier soir et, comme l'a dit la présidente Mme Barbara Pompili, nous avons reçu ce matin un nouveau courrier de la ministre des transports. Ce courrier indique que, dans le cadre de la loi de finances, le Gouvernement « est disposé à examiner avec le Parlement, dans le cadre de la réforme annoncée des finances locales, des mécanismes financiers incitatifs au bénéfice des autorités organisatrices qui mettent en place des bouquets de services de mobilité ».

Or, en l'état actuel des discussions, la majorité des sénateurs - remarquez que je ne dis pas la majorité sénatoriale - considère que cela demeure insuffisant en termes d'assurances et de garanties sur la réalité de ces financements et sur leur caractère incitatif. Nous ne sommes donc pas convaincus par ce dispositif et c'est pourquoi il me semblerait nécessaire que nous revenions - c'est en tout cas la proposition que je fais et que fera certainement le rapporteur tout à l'heure au nom du Sénat - à la rédaction de l'article 2 bis adoptée par le Sénat. Je rappelle par ailleurs que ce dispositif pourrait, le cas échéant, être amendé à la demande du Gouvernement lors de la lecture des conclusions de la commission mixte paritaire (CMP). Mais nous aurions déjà une base solide qui répond à la nécessité de garantir un financement réel aux collectivités.

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