Intervention de Walles Kotra

Délégation sénatoriale aux outre-mer — Réunion du 26 mars 2019 : 1ère réunion
Représentation et visibilité des outre-mer dans l'audiovisuel public — Audition de M. Wallès Kotra directeur exécutif en charge de l'outre-mer à france télévisions

Walles Kotra, directeur exécutif en charge de l'outre-mer à France Télévisions :

J'espère que nos directeurs régionaux et nos partenaires sociaux ont pu vous donner toutes les informations nécessaires. Nous avons essayé, chacun dans son domaine, de vous éclairer sur notre situation et sur les enjeux qui sont devant nous.

L'annonce de la suppression de la diffusion de France Ô sur la TNT a été un véritable choc à la fois pour la direction et pour le personnel de cette petite chaîne dédiée à la visibilité des outre-mer. Certes, les parts d'audience de France Ô sont assez faibles, de l'ordre de 0,6 à 0,7 %, mais elle est au coeur de tout un écosystème pour les sociétés de production s'intéressant à l'outre-mer.

La question qui se pose désormais est de savoir comment assurer la visibilité des outre-mer sans France Ô. Dès le mois de juin dernier, nous avons essayé, avec Laurent Corteel, de travailler dans trois directions : l'information nationale, les antennes et les programmes, l'offre numérique.

En ce qui concerne l'information, les journaux nationaux de France 2 et de France 3, qui sont des carrefours d'audience très importants, constituent de facto des vecteurs de visibilité majeurs. Sous la houlette de Yannick Letranchant, le directeur de l'information du groupe, plusieurs initiatives ont été prises.

Il s'agit tout d'abord du « taggage» : il est désormais possible de quantifier le nombre de reportages ou de duplex consacrés à l'outre-mer. Ce nouveau dispositif technique permet de réaliser un travail d'analyse et d'évaluation.

Je pense ensuite aux conférences de rédaction : une personne est spécifiquement chargée, à la rédaction nationale, d'assurer le lien avec les rédactions du pôle outre-mer, lors des six conférences quotidiennes. Cette personne effectue, à chacune de ces réunions, un point sur l'actualité outre-mer et sur les images et reportages disponibles. Elle a aussi pour mission de participer aux prévisions de la rédaction nationale et d'anticiper sur la couverture des différentes éditions. Ce dispositif est appelé à se renforcer, en particulier avec des équipes de Malakoff.

La météo nationale est gérée par la rédaction. Dès le mois de septembre dernier, décision a été prise de décliner les prévisions de l'ensemble du pays, outre-mer compris. Cette mesure, symbolique, permet de présenter à une heure de très grande écoute la géographie d'un pays qui ne se réduit pas à l'hexagone.

France info, la chaîne d'information du groupe, accueille déjà beaucoup de contenus dédiés à l'outre-mer et travaille en étroite liaison avec nos équipes du réseau La 1ère et celles de Malakoff, n'hésitant pas à reprendre en direct les émissions spéciales du pôle outre-mer. Ce dispositif sera renforcé à la rentrée.

Je voudrais enfin dire un mot de l'état d'esprit. L'ensemble des cadres de l'information et des rédacteurs en chef de France Télévisions - rédaction nationale, rédactions des régions métropolitaines et rédactions des outre-mer - s'est réuni à Strasbourg, la semaine dernière, sur l'initiative de Yannick Letranchant, afin de souligner qu'il n'existe qu'une seule communauté rédactionnelle de France Télévisions. Nos rendez-vous d'information doivent donc refléter l'ensemble du pays, avec une attention particulière portée à l'outre-mer. Il était important de souligner cette volonté, cet état d'esprit, au-delà des aspects quantitatifs que je me dois de rappeler.

En ce qui concerne les antennes et les programmes, nous avons travaillé dans deux directions : la visibilité des outre-mer sur les chaînes hertziennes qui demeurent - France 2, France 3 et France 5 - et la mise en place d'un portail numérique.

En accord avec Takis Candilis, il a été décidé de créer, au sein de la direction des antennes et des programmes, une unité outre-mer dirigée par Laurent Corteel, déjà responsable de la coordination des antennes de l'ensemble du pôle outre-mer : nous avons donc un pied à l'intérieur de la direction générale des antennes du groupe et un autre dans le pôle outre-mer.

Laurent Corteel participe chaque semaine au comité de direction des antennes du groupe et travaille avec chaque unité de programme - documentaires, fictions, variétés... - pour faire en sorte de « banaliser » - ou d'imposer naturellement - la présence des outre-mer.

L'objectif, à l'horizon 2020, c'est-à-dire au moment de l'arrêt de France Ô, est de consacrer spécifiquement une grande première partie de soirée par mois à l'outre-mer, d'organiser une semaine de l'outre-mer sur les chaînes de l'ensemble du groupe et d'assurer la présence de l'outre-mer dans tous les genres de contenus diffusés.

Nous souhaitons engager cette dynamique dès aujourd'hui. Nous travaillons déjà beaucoup sur la préparation des grilles de rentrée de septembre prochain sur France 2, France 3 et France 5.

Vous avez d'ores et déjà pu constater sur nos antennes une sorte de préfiguration de ce que nous espérons pour 2020. Récemment, une jeune de Wallis-et-Futuna a participé au « Grand oral » de France 2, en première partie de soirée. De même, France 3 a diffusé une fiction « Un mensonge oublié », sur les enfants réunionnais de la Creuse. Je songe encore au magazine « Échappées belles », consacré à la Martinique...

En outre, nous avons décidé d'organiser, du 24 au 30 juin prochains, la première « semaine de l'outre-mer » sur l'ensemble de nos chaînes. L'outre-mer va donc prendre possession de nos antennes, sur l'ensemble de nos grilles. Laurent Corteel s'occupe plus spécifiquement de cet événement très important qui oblige l'ensemble des directions et des producteurs à se coordonner. Cela nous permet de rentrer dans le « logiciel » du groupe, ce qui est essentiel pour l'avenir. Cette semaine de l'outre-mer est appelée à devenir un rendez-vous récurrent.

Je voudrais également souligner l'investissement très important du groupe en matière de fiction, domaine dans lequel nous étions quelque peu marginalisés. Cette année, seize fictions ont été tournées, ou vont l'être, en outre-mer. Ces fictions seront programmées en première partie de soirée en 2020, ce qui signifie que l'objectif de consacrer une première partie de soirée par mois à l'outre-mer va être dépassé.

Le portail numérique constitue bien évidemment le projet stratégique du pôle outre-mer. Nous avons essayé de le construire avec nos stations. France Ô a beaucoup souffert de l'opposition entre les stations La 1ère et la chaîne. Nous avons donc essayé de co-construire cette offre numérique. La semaine dernière, nous étions en séminaire avec les directeurs régionaux, les directeurs des antennes et les rédacteurs en chef pour travailler à l'édification de ce portail, que nous concevons comme une offre à mi-chemin entre celle des chaînes La 1ère et celle, plus générale, du groupe. Il permettra d'accueillir à la fois des programmes venant des stations La 1ère et d'autres provenant de l'offre généraliste du groupe.

Nous avons identifié quatre publics : les locaux, les diasporas de l'outre-mer, les affinitaires et les généralistes. Nos études montrent clairement que l'offre des chaînes La 1ère touche les publics locaux et les diasporas, mais non les affinitaires ni le public généraliste. La disparition de France Ô va encore accentuer ce phénomène.

L'idée est donc de bâtir un média qui s'inscrive pleinement dans l'écosystème numérique à travers des relations très fortes à la fois avec les stations de La 1ère et avec l'offre numérique du groupe. Le portail devrait se structurer autour de trois univers.

Premièrement, les directs depuis les outre-mer. Ce sera la partie vivante du site, en liaison avec les neuf régions et Paris. Le carnaval des Antilles, par exemple, pourrait être l'occasion de montrer des directs depuis les trois départements concernés et d'éditorialiser l'ensemble, comme tout autre événement. Je pense aussi aux émissions spéciales ou aux journaux... Cet univers concerne donc tout ce qui relève des flux.

Deuxième univers, les « grands dossiers outre-mer » réaliseront un décryptage de l'actualité ultramarine - l'immigration, les sargasses, la Montagne d'or... Ils montreront que l'outre-mer peut être une vigie pour le territoire national.

Enfin, les « centres d'intérêt ciblés » par communautés intéresseront certains publics non spécifiquement tournés vers l'outre-mer initialement. Ainsi, ceux qui sont intéressés par la randonnée regarderont l'offre de nos équipes sur le Grand Raid à La Réunion, de même pour la cuisine ou la musique...

En plus de ces trois univers rassemblés sur le portail, seront proposées en transversal les conversations et les services. L'outre-mer s'adresse beaucoup aux diasporas. Lors de l'événement « L'outre-mer à l'Olympia », nous avons reçu 200 000 messages et réactions. Il est important de structurer tout cela.

Ce projet a été partagé hier avec l'ensemble des équipes à Malakoff, qui se mettent donc au travail.

Nous avons abordé ce projet devant vous avec un état d'esprit décomplexé. Nous sommes rentrés dans le logiciel du groupe France Télévisions. Tout le monde veut donner un exutoire au choc de la disparition de France Ô et le traduire dans nos programmes.

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