Les TGIR constituent un élément important de la stratégie de recherche française, et je souhaite saluer le très important travail réalisé par la Cour des comptes.
Ce rapport contient des éléments positifs, notamment au sujet de l'engagement des opérateurs dans les instances de gouvernance. La Cour évoque « une tutelle inversée », je ne crois pas que nous soyons dans une telle situation, car nous travaillons en toute transparence avec la tutelle. Elle formule également des pistes d'amélioration et des recommandations, nous les recevons de manière très positive et j'espère qu'une prochaine réunion du comité directeur des TGIR pourra examiner comment y répondre au mieux.
J'aurais trois remarques.
En ce qui concerne la feuille de route, je note d'importantes différences de périmètre entre les pays : au Royaume-Uni, la feuille de route vise environ 800 infrastructures contre 27 en Allemagne. Avec 22 infrastructures, nous sommes plus proches du modèle allemand. L'insertion dans cette feuille de route dépend de plusieurs paramètres : le montant, la durée et l'ouverture à la communauté scientifique sur la base de l'excellence.
Il nous semble justement que le réacteur de recherche Jules Horowitz n'appartient pas aux TGIR, puisqu'il a une vocation industrielle et de soutien au parc électronucléaire et qu'il n'est pas ouvert à la communauté scientifique. Certes, nous y menons des partenariats avec certains acteurs, mais nous ne passons pas par des appels à projets. Ce réacteur a été mentionné dans la feuille de route, mais les choses doivent être remises dans leur contexte, car les définitions ont évolué au cours du temps ; cette mention a toutefois permis de lui donner un label qui a consolidé sa place au niveau européen - il a ainsi obtenu environ 25 millions d'euros en provenance du programme-cadre pour la recherche et le développement (PCRD) et 6 millions d'euros d'Euratom.
En tout cas, cette feuille de route est très utile, elle donne une cartographie de l'existant par thèmes, ce qui permet des synergies et des complémentarités. Elle a pu donner une impression, erronée, d'inflation, tant en termes d'infrastructures que de financements ; c'est parce qu'elle a intégré des projets qui existaient, mais qui n'étaient pas labellisés. Elle a permis de fédérer des initiatives et de créer des convergences. En ce sens, elle a bien répondu à sa mission.
Il existe deux types de grandes infrastructures, celles qui vont servir une discipline - le CERN, le Ganil... - et celles qui sont très ouvertes sur de nombreuses communautés - les synchrotrons, les sources de neutrons ou de photons. Ces différences expliquent qu'il n'est pas évident de développer des indicateurs homogènes ; un noyau dur d'indicateurs peut certainement être mis en place, mais il faut aussi prendre en compte les spécificités. En tout cas, nous devons nous appuyer sur les réflexions qui existent en la matière au niveau international.
En ce qui concerne l'élargissement du comité directeur des TGIR, je crois que nous devons rester prudents. Il peut être élargi en tant que de besoin, mais il doit conserver son efficacité. Nous avons des exemples où chacun a pu jouer son rôle - je pense notamment à l'European Spallation Source (ESS), qui a été évalué par le Haut Conseil des TGIR, puis validé par le CD-TGIR, avant de faire l'objet de plusieurs réunions interministérielles.
Dernier point, le financement. À mon sens, il est nécessaire de définir des seuils ; c'est d'ailleurs l'objet de l'action 13 des TGIR. Pour autant, comment définir une infrastructure essentielle ? Certaines infrastructures demandent un pilotage resserré, une trajectoire soutenable et un suivi précis. Nous devons aussi avoir le courage d'arrêter certains projets - je rappelle que nous le ferons pour Orphée à la fin de cette année. Il me semble qu'en dessous d'un certain seuil nous devons laisser les opérateurs agir, même s'il peut être nécessaire d'améliorer le reporting. En tout cas, l'uniformité n'est pas une solution adaptée et nous ne sommes pas très favorables à la mise en place d'un outil unique. Il est vrai que la situation est plus compliquée en cas de multiples tutelles, car les logiques et les outils utilisés peuvent être différents. Pour autant, nous allons prendre en compte la recommandation de la Cour et voir comment nous pouvons y répondre.