S'agissant de la recherche clinique, nous tirons un bilan très positif de la mise en oeuvre d'AcSé. Les relations que nous avons avec l'ANSM à ce sujet sont très bonnes. Ces essais sont pour nous très importants, car ils s'adressent à des patients sur lesquels aucun traitement n'a eu d'efficacité.
De mémoire, on compte un peu moins d'une dizaine d'essais dans le cadre d'AcSé. Ils sont pour nous une source de connaissances et permettent de déterminer l'efficacité ou l'inefficacité d'une molécule.
Ces essais sont conduits avec les meilleurs experts du moment, en particulier dans les CHU et les centres de lutte contre le cancer (CLCC). Certains essais sont consacrés aux enfants, comme AcSé-ESMART, conduit en partenariat avec Imagine for Margo, Gustave Roussy et la fondation ARC. Chaque établissement y a investi un million d'euros en 2016. Ceci permet aujourd'hui de traiter un peu moins de 150 enfants en situation d'échec thérapeutique et de leur proposer des molécules qui ne leur sont pas initialement destinées.
Du fait de l'évolution des thérapeutiques et de la médecine de précision, certaines molécules traitent aujourd'hui des dysfonctionnements de la cellule qui peuvent se retrouver dans le cancer du poumon ou d'autres cancers.
Malheureusement, les laboratoires ne déposent pas tout de suite d'AMM concernant toutes les indications et se préoccupent peu de la question des enfants. En fait, la question du développement de médicaments pour les enfants atteints de cancer passe par une évolution du règlement européen. La France a été porteuse de ce règlement en 2007. Il s'agissait d'inciter les industriels à proposer des dossiers d'AMM avec des indications concernant les enfants. Cela a plus ou moins bien fonctionné, pour diverses raisons.
Il faut faire évoluer cette réglementation pour faire en sorte que des indications concernant les enfants soient présentes dans les AMM, surtout compte tenu des évolutions de la science et du fait que les médicaments s'adressent à des mécanismes biologiques qui se retrouvent dans les différents cancers.
S'agissant de l'indépendance de l'expertise, il ne faut jamais oublier la question de la qualité. Les deux objectifs sont indissociables et l'indépendance n'est pas un gage de celle-ci. On l'a dit à la Cour des comptes en 2016.
Toutefois, la qualité de l'expertise incombe à chacun de nous. Si la stratégie déployée sur l'ensemble du territoire n'est pas la bonne, c'est autant de perte de chances et d'efficacité pour les patients.
L'organisation de l'INCa, saluée par notre déontologue et par la Commission nationale de la déontologie et des alertes en santé publique, nous permet de travailler en recourant, selon des modalités adaptées, aux meilleurs experts du moment, dans un cadre indépendant. Si nous nous rendons compte qu'un expert a des liens d'intérêt très marqués, nous proposons de l'associer pour écouter ce qu'il a à dire. Si on a encore un doute, on procède à une relecture nationale par le biais d'une centaine de relecteurs.
Nous considérons, grâce à ces garanties, que nous pouvons répondre aux deux objectifs qui nous sont imposés, qui sont tout à fait normaux. Nous devons aussi - et nous y sommes favorables - rendre compte de manière transparente de la façon dont nous produisons l'expertise, mais la transparence va de pair avec la qualité, et nous considérons que notre organisation permet de répondre à cette question.
Je ne me prononcerai pas sur la situation de nos homologues des autres agences. Je ne la connais pas suffisamment pour la commenter.
Je n'ai pas abordé la question du cancer de l'utérus parce que le programme est en cours de généralisation. On est dans une phase positive. La question de la vaccination est un sujet majeur. L'INCa promeut ardemment la vaccination. La HAS a émis une recommandation pour la vaccination des jeunes femmes à partir de 30 ans. Nous sommes aussi très favorables à la vaccination des garçons. C'est une question que nous avons déposée, avec la HAS, sur le bureau de nos décideurs et de la ministre. Nous pensons que c'est une mesure importante en termes de santé publique.
Pour ce qui est du cancer colorectal, les exemples européens démontrent des taux de participation bien plus importants, bien que le test soit tout aussi particulier. De mémoire, les Pays-Bas ont un taux de participation compris entre 60 % et 65 %. Le test est distribué directement. Il est envoyé ou peut être commandé sur Internet. On n'est pas obligé de passer par un médecin généraliste.
Aujourd'hui, quand on a cinquante ans et qu'on n'est pas malade, on ne va pas chez le médecin. Il faut donc que l'on puisse trouver le test ailleurs - en pharmacie, sur Internet, etc. Il va nous falloir, à l'instar de nos homologues européens, proposer plusieurs canaux de distribution.
Quant à la question de la génétique, l'INCa a organisé des consultations d'oncogénétique. La part héréditaire des cancers représente entre 5 % et 10 % des cas. Environ 80 000 consultations sont délivrées par an dans ce domaine. Elles permettent, à partir d'un cas index de cancer, d'identifier éventuellement la présence d'un risque aggravé parmi d'autres membres de la famille et d'engager un suivi particulier. Ce peut être le cas pour quelques mutations présentes dans le cancer du sein et de l'ovaire. Nous accompagnons la montée en puissance de ce dispositif avec le ministère de la santé.
Nous utilisons également la caractérisation génétique du génome des tumeurs, dans le cadre de la médecine de précision. Il s'agit d'identifier les caractéristiques propres de la tumeur pour déterminer le traitement le plus efficace.
Vingt-huit plateformes de génétique moléculaire analysent 90 000 échantillons par an pour permettre à des équipes de définir le bon protocole thérapeutique. Le plan de France médecine génomique vise à doter la France d'une infrastructure de soins et de recherche sur cette question.
Quant au RIHN, qui connaît un goulet d'étranglement, il est censé financer les innovations et permettre de l'évaluer durant deux, trois, quatre ans. S'il s'agit bien d'une innovation, celle-ci est renvoyée au droit commun, inscrite à la nomenclature et prise en charge comme d'autres tests. S'il ne s'agit pas d'une innovation, elle n'est pas financée. Nous travaillons avec le ministère de la santé et l'assurance maladie pour faire en sorte que les évaluations se fassent, ce qui n'est pas le cas pour l'instant.
L'autre sujet en la matière concerne l'évaluation des actes. Les tarifs sont parfois très élevés en matière de RIHN. Leur valeur réelle est sans doute surestimée. En outre, le fait que le système soit fondé sur la déclaration engendre malheureusement une vision imprécise de l'ensemble.
Le dépistage et la mobilisation des collectivités locales constituent une très bonne initiative. Cela existe dans un certain nombre de départements. Au niveau local, nous nous appuyons sur les agences régionales de santé (ARS) et sur les centres de coordination des dépistages.
En matière de dépistage du cancer du poumon, une étude, qui n'est pas encore publiée, l'étude Nelson, a fait l'objet d'une communication publique il y a quelques mois. L'INCa travaille avec la HAS sur l'évaluation de cette technique. Elle est intéressante, mais comporte des effets secondaires très importants, car elle conduit à un geste invasif et délabrant. L'efficacité de ce qui est proposé doit bien être évaluée pour ne pas provoquer de conséquences graves. La technique utilisée est celle du scanner spiralé à faible dose - ou à rayon mou. On a l'équipement pour le faire. Elle permet d'identifier uniquement les cas de cancer avérés.
Il ne faut donc engager ce geste médical à bon escient. Ce sera tout l'enjeu du dépistage du cancer du poumon dans les années à venir.