Intervention de Monique Lubin

Commission des affaires sociales — Réunion du 17 juillet 2019 à 9h05
Emploi des seniors — Communication

Photo de Monique LubinMonique Lubin, rapporteure :

Venons-en aux niveaux et conditions d'emploi des seniors aujourd'hui.

Une précision s'impose sur l'usage du terme « senior ». Cette notion renvoie à des bornes d'âge qui sont éminemment subjectives. Je rappelle qu'en matière de sport, on est senior à partir de 18 ans. Dans le monde de l'entreprise, il arrive que l'on passe de « junior » à « senior », au bout de quelques années. A l'inverse, dans le langage courant, le terme de senior est parfois une litote évitant de parler de personne âgée.

Les politiques publiques fixent des bornes d'âge qui diffèrent d'un dispositif à l'autre et qui ne correspondent pas nécessairement au ressenti des intéressés. Les règles d'assurance chômage fixent par exemple des bornes à 53 ou 55 ans pour les durées maximales d'indemnisation tandis que la non-dégressivité des indemnités chômage s'appliquerait pour les plus de 57 ans. L'envoi des documents du droit à l'information retraite devient annuel à partir de 55 ans. En matière d'emploi, lorsqu'une entreprise signe un contrat de professionnalisation, elle bénéficie d'une aide de l'État lorsque le salarié a plus de 45 ans. L'âge de 45 ans a souvent été cité, au cours de nos auditions, comme l'âge à partir duquel les salariés disent ressentir les premières difficultés dans les entreprises.

Nous reviendrons dans nos propositions sur l'usage de ce terme et la nécessité de le dépasser mais je souhaitais faire cette précision pour souligner notre facilité de langage, depuis le début de cette intervention, à parler des seniors alors qu'ils ne forment pas un bloc homogène !

Le taux d'activité des 55-64 ans est donc en 2018 de 56 %. Ce taux cache un écart important entre le taux d'activité des 55-59 ans (77 %) et celui des 60-64 ans (33,5 %). Une analyse plus fine par âge montre une chute rapide de ce taux après l'âge de 60 ans. À partir de 62 ans, les retraités sont majoritaires dans chaque génération. Le taux d'emploi des 55-59 ans était de 48,1 % en 2000 mais atteint, en 2018, 72,1 %, soit un taux qui se rapproche de celui des 25-49 ans (80 %, stable depuis 30 ans). En revanche, même s'il a progressé de 20 points depuis 2000, le taux d'emploi des 60-64 ans n'est que de 31 % aujourd'hui.

Si la France se compare favorablement à ses voisins européens en ce qui concerne les taux d'activité et d'emploi des 55-59 ans, des écarts importants demeurent pour la tranche des 60-64 ans. Dans l'UE, le taux d'emploi moyen de cette tranche d'âge est de 42 %, soit 10 points de plus que la France. En Allemagne, ce taux est de 60 %, soit le double du nôtre. Les règles de l'assurance vieillesse, qui autorisent des départs plus tôt, sont évidemment la principale explication de ces différences. Nous y reviendrons.

Lorsqu'ils sont en emploi, les travailleurs seniors bénéficient d'une situation relativement plus favorable que le reste de la population active. Ils sont plus fréquemment en contrat à durée indéterminée (93 % des 55-64 ans contre 88 % des moins de 50 ans) et bénéficient de salaires plus élevés en moyenne. Leurs conditions de travail semblent également meilleures. Les travailleurs seniors sont moins exposés à des facteurs de pénibilité et moins souvent victimes d'accidents du travail. En revanche, lorsqu'ils surviennent, les accidents sont plus graves. De même, le rapport Oustric-Bérard-Seillier a mis en évidence que la durée moyenne des arrêts de travail progresse avec l'âge, cette tendance s'accentuant nettement à partir de 60 ans. S'ils travaillent plus souvent à temps partiel (31 % des 60-64 ans contre 16 % pour les 25-49 ans), les seniors semblent moins le subir : seul un quart des 55-64 ans travaillant à temps partiel souhaiterait travailler davantage contre un tiers des 25-49 ans.

Néanmoins, lorsqu'ils sont au chômage, les seniors connaissent des difficultés spécifiques pour retrouver un emploi. Les statistiques de pôle emploi montrent que les perspectives de reprise d'emploi diminuent fortement avec l'âge. Il en résulte un taux plus important de chômage de longue durée. Près de 60 % des demandeurs d'emploi de plus de 50 ans le sont depuis plus d'un an et près de 40 % depuis plus de deux ans. Enfin, si, comme nous l'avons dit, les salariés âgés sont plus fréquemment que la moyenne en CDI, la prédominance des embauches en contrats temporaire est plus marquée pour les seniors que pour le reste de la population. Une partie des chômeurs âgés, qui ne recherche plus activement un emploi, échappe à la définition du chômage retenue par l'Insee. Cet effet d'éviction contribue à expliquer un taux de chômage plus faible que pour l'ensemble des actifs. Ce taux est en effet de 6,6 % pour les plus de 55 ans, contre 8,8 % pour l'ensemble de la population active.

Ces difficultés posent la question des transitions entre l'emploi et la retraite. À 60 et 61 ans, environ 30 % des personnes ne sont ni en emploi, ni à la retraite. Parmi elles, 7 % sont au chômage et 22 % sont inactives, qu'elles soient en arrêt maladie, en invalidité, en pré-retraite ou dans le halo du chômage. Ainsi, plus de la moitié de la génération née en 1946, et qui a eu 67 ans en 2013, a connu une période de chômage ou d'inactivité entre l'emploi et la retraite.

Que retenir de ces chiffres ? Que la question de l'emploi des seniors se concentre aujourd'hui principalement sur la tranche d'âge des 60-64 ans. À cet âge la perte d'un emploi se révèle souvent irrémédiable et conduit à des fins de carrières marquées par la précarité. Les nombreuses auditions que nous avons menées nous conduisent même à penser que les difficultés de maintien ou d'insertion dans l'emploi tendent à se poser de plus en plus tôt.

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