La faiblesse du taux d'emploi tient à la fois des règles d'assurance vieillesse et des difficultés que ces actifs rencontrent sur le marché du travail. S'agissant des règles d'assurance vieillesse, les exemples étrangers montrent une corrélation entre le taux d'emploi des seniors et l'âge effectif moyen de départ à la retraite. Plus ce dernier est élevé, plus le taux d'emploi des seniors est important.
La France se caractérise par un âge moyen effectif de départ à la retraite relativement faible. En 2016, d'après l'OCDE, l'âge effectif s'élevait en France à 61,5 ans contre 65 ans pour les principaux pays de l'organisation voire 66 ans aux États-Unis ou 67 ans en Norvège.
Deux facteurs expliquent cette faiblesse de l'âge de départ à la retraite en France. Le premier concerne le poids important, dans notre système de retraite, des dispositifs de cessation anticipée d'activité qui font baisser l'âge moyen de départ. Dans les années 1980 et 1990, environ 10 % des 55-64 ans bénéficiaient d'un de ces dispositifs (préretraite, dispense de recherche d'emploi essentiellement). À partir de 2003, les premières mesures de retraite anticipée - c'est la réforme des retraites de 2003 qui créé le dispositif de retraite anticipée pour carrière longue (RACL) - ont pris le relais de l'extinction progressive des préretraites. L'élargissement important des conditions d'accès à la retraite anticipée pour carrière longue en 2012 permet en 2017 et 2018 à un retraité sur quatre de partir avant l'âge légal de 62 ans. L'impact sur l'âge moyen de départ à la retraite est significatif. Dans le régime général, l'âge moyen de départ à la retraite est de 62,6 ans alors qu'il serait de 63,1 ans sans le dispositif de RACL.
Le second facteur expliquant l'importance de l'âge moyen de départ à la retraite sur le taux d'emploi des seniors tient dans le caractère prescripteur des bornes d'âges du système de retraite, décalées par les différentes réformes depuis 1993. Parmi les motivations pour le départ à la retraite citées par les Français, l'atteinte de l'âge minimum légal ou de l'âge du taux plein demeure l'un des principaux motifs avancés. 80 % des assurés partent aujourd'hui encore sans surcote, ni décote, ce qui signifie que les Français ne se sont pas saisis des instruments permettant une plus grande liberté de choix dans l'âge de départ et continuent de partir dès l'obtention du taux plein. Le caractère de « norme sociale » de ce dernier est un facteur à ne pas perdre de vue alors que le Gouvernement envisage un système dans lequel il pourrait ne plus y en avoir.
Le rapport fera également le point sur les deux autres dispositifs de transition emploi-retraite que sont le cumul emploi-retraite et la retraite progressive. Sur le cumul, je note simplement que sur les 500 000 assurés en bénéficiant, une part importante est constituée de retraités partis de façon anticipée. Cela donne à réfléchir sur l'objectif du dispositif RACL. La retraite progressive demeure elle un dispositif confidentiel (15 000 bénéficiaires) malgré la possibilité, ouverte par la réforme des retraites de 2014, de partir à la retraite en temps partiel dès 60 ans.
S'agissant des freins à l'emploi pour les actifs âgés, ils sont de plusieurs ordres et un récent rapport de France stratégie les a bien analysés. France stratégie note premièrement que notre pays « est particulièrement touché par la défiance vis-à-vis des seniors, en particulier chez les managers ». Or, cette défiance apparaît tout à fait infondée. Les études disponibles ne permettent pas de conclure à une réelle baisse de la productivité individuelle, l'expérience constituant d'ailleurs une qualité professionnelle non négligeable. En outre, malgré la perspective d'un départ à la retraite plus ou moins proche, les salariés âgés sont souvent bien plus stables que les salariés les plus jeunes qui ont aujourd'hui tendance à rester de moins en moins longtemps sur un poste. Il est toutefois vrai que l'accès à la formation professionnelle, nécessaire pour actualiser ses compétences professionnelles ou pour préparer une reconversion, décroît avec l'âge. Cela peut résulter d'un effet d'horizon, décourageant les salariés, mais également de formations au contenu ou au format inadapté aux attentes et besoins des salariés âgés. Il convient ici de noter que le moindre recours à la formation professionnelle concerne aussi bien les salariés que les demandeurs d'emploi.
France stratégie estime en revanche que l'état de santé ne saurait expliquer qu'une « petite fraction » de la baisse des taux d'emploi avec l'âge.
Des freins extérieurs au marché du travail interviennent également. La situation familiale peut pousser des salariés à arrêter leur activité pour suivre un conjoint parti à la retraite ou s'occuper de petits enfants ou de parents âgés.
Les règles de l'assurance chômage peuvent également avoir un impact négatif sur l'emploi des seniors. Les demandeurs d'emploi approchant de l'âge de la retraite bénéficient en effet d'une durée d'indemnisations plus longue voire d'un maintien des droits jusqu'à l'âge du taux plein. Ces règles peuvent inciter les employeurs et les salariés à construire des stratégies faisant reposer sur l'assurance chômage un arrêt anticipé d'activité, recréant d'une certaine manière la « pré-retraite » Unédic que les pouvoirs publics avaient cherché à éliminer en supprimant la dispense de recherche d'emploi.