Les familles aujourd'hui doivent répondre à un défi démographique majeur : la cohabitation en leur sein de quatre générations. Notre modèle de protection sociale a été créé en 1945. Je note au passage que le régime général devait être à l'origine universel. L'existence de régimes de retraite parfois anciens, que l'on songe au régime des marins créé par Colbert, et qui lui étaient antérieurs a fait primer des intérêts catégoriels sur l'objectif d'universalité. De plus à cette époque, le rapport entre durée de vie et durée de vie au travail étaient totalement différents. La durée de la carrière était de 50 ans, on commençait à travailler beaucoup plus tôt, pour une retraite de 15 ans maximum. Aujourd'hui, la vie active est en moyenne de 38 ans pour une espérance de vie à la retraite de 26 ans. Demain, le Cor estime qu'à règles inchangées, la durée de la vie à la retraite pour les générations nées dans les années 1990 pourrait atteindre 32 ans. L'allongement de la durée d'activité me semble donc être l'option la plus crédible pour répondre à ce défi démographique et social, car notre rapport au travail évolue. Tous les pays européens l'ont fait.
S'agissant du paradoxe apparent évoqué par Mme Cohen, je ne peux qu'être d'accord et c'est précisément l'objet de la mission. Notre rapport montre que les politiques publiques ont changé d'objectif en matière d'emploi des seniors : d'incitatives à la sortie du marché du travail, elles sont passées à un objectif de maintien dans l'emploi. La raison me paraît simple : le travail créé de la croissance économique qui génère de l'emploi y compris pour les plus jeunes. L'allongement de la durée d'activité doit donc être envisagée en prenant des mesures qui permettent le maintien des seniors en emploi et qui agissent sur les conditions de travail. Lors de notre déplacement en Suède et au Danemark l'année dernière, j'ai été frappé par l'importance de la problématique du bien-être au travail. En Allemagne également, des accords prévoient dans l'industrie que les emplois pénibles sont occupés pendant un certain temps avant qu'un autre emploi soit proposé aux salariés concernés. En France, c'est la logique de la compensation qui prime.
Il faut aussi s'interroger sur le fait qu'une personne sur deux à la retraite a connu une période de chômage ou d'inactivité entre le dernier emploi et la retraite. Certains dispositifs comme la retraite progressive me semblent pouvoir être une réponse appropriée à la question des transitions emploi-retraite. Nous nous sommes également interrogés avec ma collègue sur le cumul emploi-retraite et la possibilité qu'il soit créateur de droits. Cette question est importante mais n'est pas la solution pour que les seniors au chômage retrouvent un emploi.