Nous souhaitons attirer votre attention sur quatre éléments relatifs aux synergies, qui résultent des auditions de la CNE2.
Tout d'abord, dès lors que l'on se projette dans une phase de construction et non plus de recherche, l'ANDRA, maître d'ouvrage pilotant celle-ci puis l'exploitation, va devoir passer de compétences en matière de recherche à des compétences en matière d'ingénierie et de gestion de projet. L'ANDRA nous indique qu'elle anticipe ce mouvement. Deux cents personnes supplémentaires sont prévues pour travailler dans le domaine de l'ingénierie du stockage géologique.
Par ailleurs, ces mutations sont assez importantes, tant pour l'ANDRA que pour les territoires. Elles ont fait l'objet d'un accompagnement depuis le début des années 2000, qu'il faudra amplifier en matière de formation. Surtout, il faudra faire en sorte que la complexité du stockage ne représente pas un repoussoir pour les entreprises locales, qui doivent pouvoir participer au projet. C'est une question de formation, mais aussi de pilotage de projet avec des moyens modernes, tels que les maquettes numériques qui existent dans d'autres domaines. Aujourd'hui, dans la construction, la maquette numérique représente déjà un obstacle pour des ouvrages assez simples. Pour des ouvrages plus complexes tels que CIGÉO, l'obstacle sera plus grand. Là encore, il faut anticiper, même si l'on peut penser que nous avons un peu de temps avant le début de la construction.
De plus, sur un chantier aussi complexe, le partage des responsabilités est primordial. La CNE2 l'a examiné sur d'autres grands projets en dehors du secteur nucléaire. Il est important de parvenir à une culture collective, par des échanges réguliers, et surtout une ambition commune. La même synergie doit être construite autour de CIGÉO, ce qui nécessite que chaque intervenant, chaque sous-traitant, assume, aux étapes successives, des responsabilités clairement établies, et que l'ANDRA fasse le choix de garder en interne un certain nombre de responsabilités, probablement les plus importantes, qui lui incombent directement, comme elle l'a fait sur d'autres chantiers.
Enfin, cette construction va durer 120 ans. En France, ce sera le chantier du siècle, et probablement du siècle prochain. Il nécessitera une traçabilité et une mémoire inhabituelles pour des ouvrages de génie civil, fussent-ils très importants.
Concernant la gestion des déchets de faible activité, j'attire votre attention sur les déchets de très faible activité (TFA) et les déchets de faible activité à vie longue (FAVL). Pour chacune de ces catégories de déchets, la problématique porte sur la définition d'un inventaire, puis l'identification d'une filière permettant de les traiter.
En ce qui concerne les déchets de très faible activité, leur inventaire est assez précisément connu, dans la mesure où ils sont en grande majorité issus du démantèlement des installations du parc électronucléaire. Il reste quelques incertitudes liées au niveau d'assainissement qui sera souhaité lors du démantèlement des ouvrages. Celles-ci concernent essentiellement des terres et des gravats.
En 2017, la CNE2 a attiré l'attention de l'OPECST sur le transport de ces déchets. Nous sommes heureux de constater que des études d'impact environnemental du transport sont en cours dans le cadre du Plan national de gestion des matières et déchets radioactifs (PNGMDR). De ce point de vue, le PNGMDR apporte des réponses satisfaisantes, au moins sur le plan scientifique, pour les déchets de très faible activité.
Par contre, les déchets de faible activité à vie longue (FAVL) nous amènent à nous interroger, pour plusieurs raisons. Tout d'abord, leur définition n'est pas tout à fait claire. Ils correspondent aux déchets qui ne peuvent être stockés ni dans CIGÉO, n'étant pas de moyenne ou haute activité, ni dans le centre industriel de regroupement, d'entreposage et de stockage (CIRES), n'étant pas non plus de très faible activité. Cette définition par défaut ne correspond pas à des caractéristiques précises.
De plus, il ressort des inventaires actuels que les filières ne sont pas identifiées. Il faudra probablement envisager des filières spécifiques à chaque famille de déchets au sein des FAVL que sont les radifères, les graphites et les bitumes. Ce n'est pas grave, mais il faudrait parvenir à les identifier. Identifier une filière, c'est concevoir un stockage, obtenir l'autorisation, le construire et l'exploiter. Il serait bon que les personnes concernées engagent des études qui aboutissent à des conclusions sérieuses.