Je vous remercie de m'avoir conviée à cette table ronde. Afin de traiter le sujet qui nous intéresse tous ce matin, permettez-moi d'évoquer mon expérience de terrain. En effet, je suis conseillère municipale, élue au sein de Vitré, commune qui compte 18 000 habitants. Cette ville est dotée d'un patrimoine remarquable avec un secteur sauvegardé ; elle est par ailleurs classée Ville d'art et d'histoire depuis 1999.
J'aimerais introduire le débat sous la forme d'une question. Quand nous recevons un héritage, qu'en faisons-nous ? En réalité, trois choix s'offrent à nous : le refuser, l'accepter tout en le laissant à l'abandon, ou bien le valoriser pour le futur.
Certains le refusent au nom d'une certaine vision du modernisme, ou bien pour des raisons financières en invoquant le montant élevé des dépenses d'entretien. D'autres le négligent en prétextant subir des contraintes imposées par les Architectes des Bâtiments de France. Cette attitude se retrouve même parmi les habitants.
Je tiens à souligner que le traitement de ces questions relève de choix politiques qui nous engagent pour plusieurs mandats. En résumé, nous sommes souvent confrontés à un dilemme entre rénover le patrimoine ou construire un nouveau terrain de football. Soulignons d'ailleurs à quel point l'entretien du patrimoine peut se révéler compliqué en raison de son coût et de son caractère imprévisible.
Malgré ces contraintes, beaucoup décident de valoriser le patrimoine des communes, y compris parmi les propriétaires. Ces derniers ont besoin d'obtenir un soutien financier dans leurs efforts.
Le patrimoine constitue un élément fort dans l'identité d'une ville. Or, trop souvent, il s'avère que les nouveaux habitants sont ceux qui le révèlent aux anciens. La mondialisation conduit les êtres humains à rechercher leurs racines afin d'être en mesure de situer leur histoire personnelle dans l'Histoire. Dans ce contexte, il est nécessaire pour chacun de connaître l'histoire de sa ville. Cela permet d'améliorer le vivre ensemble, mais aussi de préparer l'avenir. Le patrimoine peut constituer un facteur de cohésion sociale majeur, qui présente la particularité de réunir toutes les générations. Je pourrais illustrer cela par énormément d'exemples concrets, mais je ne dispose pas du temps nécessaire.
En outre, le patrimoine est un élément positif pour l'économie. En effet, l'entretien du bâti représente une source de travail importante pour les entreprises artisanales. En 2012, nous avons lancé trois chantiers de rénovation qui ont nécessité 20 000 heures de travail.
Le patrimoine peut également intégrer la notion de développement durable. Il est possible de maintenir en état des maisons datant du XVe siècle en prenant en compte les enjeux de développement durable.
Valoriser le patrimoine permet aussi de proposer aux habitants un cadre de vie de qualité. Il est donc essentiel d'assurer cette mission, qui requiert la réunion de plusieurs conditions.
La première est la participation de l'État au niveau politique. Une collectivité territoriale ne peut réussir seule cette tâche. Il y a trois ans, une convention entre la région Bretagne et l'État avait été signée. Elle prévoyait un plan pluriannuel de travaux qui nous a permis d'avancer dans l'ensemble des projets relatifs au patrimoine. Comme vous le savez, il est beaucoup plus simple de mener à bien un projet lorsqu'il existe une convention avec l'État, puisque cela permet de dépasser les dissensions locales qui existent.
De même, la participation de l'État est nécessaire sur le plan financier. Autrefois, le reste à charge pour la collectivité s'élevait à 40%. Désormais, nous sommes passés à une part comprise entre 60% et 65%.
Par ailleurs, l'État se doit d'intervenir au niveau administratif, notamment par le biais des processus de défiscalisation, qui s'avèrent indispensables pour les copropriétaires ne pouvant assumer seuls les frais de restauration de leurs biens.
Enfin, au-delà de l'aspect financier, l'État doit aussi agir pour assurer l'harmonisation des règlements entre les différents ministères. Par exemple, dans le cadre de la transition énergétique, comment concilier les prescriptions du ministère de l'Environnement avec celles du ministère de la Culture ? De même, la loi NOTRe (Nouvelle Organisation Territoriale de la République) du 7 août 2015 transfère la compétence de l'aménagement du territoire et du tourisme ; dans ce cadre, nous devons nous efforcer de convaincre l'ensemble des acteurs de la nécessité de disposer d'un animateur du patrimoine, malgré son coût. Tous ces éléments rendent urgente une clarification.
Face à ces enjeux, les élus semblent bien désarmés. Ils ne disposent pas de réelles formations au sujet du patrimoine. Sans les réseaux qui s'y intéressent, les élus auraient beaucoup de mal à prendre des décisions satisfaisantes en la matière.
Pour conclure, je tiens à souligner à quel point l'engagement d'une collectivité dans la voie de la valorisation du patrimoine peut ressembler à un labyrinthe. Toutefois et ce faisant, elle fait le choix d'exercer pleinement ses véritables compétences. En effet, son action permettra de créer des activités sociales, culturelles et économiques. Dans l'ensemble des activités humaines, le patrimoine peut trouver sa place. Pour autant, l'accompagnement de l'État se révèle indispensable à la réussite de cette entreprise.