Intervention de Claude Kern

Commission des affaires européennes — Réunion du 11 juillet 2019 à 8h35
Transports — Concurrence dans le domaine du transport aérien : communication de mm. jean bizet et claude kern

Photo de Claude KernClaude Kern, rapporteur :

Publié le 10 mai 2019 au Journal officiel de l'Union européenne, le règlement du 17 avril 2019 censé améliorer la protection des opérateurs européens de transport aérien adapte, sans le bouleverser, un dispositif mis en place il y a quinze ans. La portée limitée de la proposition publiée le 8 juin 2017 explique le fait que notre commission des affaires européennes ne s'en soit pas saisie à l'époque, alors qu'elle avait publié un rapport autrement plus substantiel sur ce sujet, en novembre 2015.

Le nouveau dispositif apporte un progrès limité, mais réel.

Sur le fond, l'avancée permise par la nouvelle mouture est doublement contenue, puisqu'elle reste circonscrite à la concurrence extérieure et parce qu'elle n'aborde aucun des moyens déloyaux, pourtant connus. Tout comme le règlement de 2004, celui de 2019 se contente de viser la concurrence déloyale trouvant son origine hors de l'Union européenne. Les menées de Ryanair, par exemple, restent hors de portée de ce texte, pour demeurer confortablement dans le droit commun du marché intérieur, alors que la mobilité des équipages crée une situation spécifique, avec des opportunités de concurrence déloyale qui ne se trouvent pas ailleurs, du moins pour le moment.

Le rapport d'information publié par notre commission en novembre 2015, intitulé Concurrence dans les transports aériens : l'indispensable transparence avait clairement identifié certaines dérives, comme les abus en matière d'activité prétendument indépendante caractérisant de véritables salariés, la domiciliation fantaisiste d'équipages aériens ou l'obtention de subventions versées par des collectivités territoriales en l'échange de services à la réalité incertaine. Le règlement d'avril 2019 ne vise pas ces dérives. Néanmoins, l'amélioration rédactionnelle opérée a des vertus incontestables, car elle clarifie les concepts et accélère les procédures.

Le progrès conceptuel porte sur l'identification des entités dont les menées déloyales sont visées par le nouveau dispositif. Ainsi, au lieu d'incriminer l'action de « pays non membres », à l'instar du texte de 2004, la rédaction adoptée en 2019 mentionne les entités placées « sous la juridiction d'un pays tiers, contrôlées ou non par les pouvoirs publics d'un pays tiers ». Le texte vise donc aussi des pratiques autres que les aides d'État stricto sensu. À la fois plus précise et plus large, cette approche par compagnie aérienne est celle du rapport sénatorial de 2015.

En outre, une réelle accélération de procédure accompagne l'adjonction de nouvelles mesures de réparation.

En 2019 comme en 2004, la mise en évidence de pratiques faussant la concurrence au détriment d'opérateurs européens doit déboucher sur des mesures de réparation. Celles-ci peuvent prendre la forme de pénalités financières analogues à la réparation d'un préjudice en droit civil français : les compagnies européennes victimes de manoeuvres déloyales bénéficient ainsi d'une indemnisation. La Commission européenne est désormais habilitée également à imposer des mesures opérationnelles tendant à mettre fin aux errements constatés. Il pourra s'agir de suspendre certains droits du transporteur aérien, à l'exception des droits de trafic. L'ajout explicite des restrictions opérationnelles conforte la dimension protectrice de l'ensemble.

La principale simplification opérée en 2019 tient à la nature juridique de l'acte imposant des mesures de réparation. Il s'agira désormais d'actes délégués, dont l'adoption est plus rapide que celle d'actes de droit commun. Qui plus est, la Commission pourra imposer des mesures de réparation motivées par la simple crainte d'un préjudice. La réalisation concrète de celui-ci conditionnera l'entrée en vigueur de ces mesures, mais avec un délai de réaction spectaculairement réduit. Enfin, le règlement de 2019 a supprimé certaines dispositions tendant à encadrer ou à écarter parfois l'adoption des mesures de réparation malgré un préjudice avéré.

L'amélioration opérée n'est donc pas négligeable pour le ciel européen. Mais ses mérites vont au-delà des frontières.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion