Intervention de Nicole Duranton

Commission des affaires européennes — Réunion du 18 juillet 2019 à 8h35
Institutions européennes — Assemblée parlementaire du conseil de l'europe - communication de mme nicole duranton sur la troisième partie de session

Photo de Nicole DurantonNicole Duranton :

Du 24 au 28 juin dernier s'est effectivement tenue à Strasbourg la troisième partie de session de l'APCE.

La délégation du Sénat y était représentée par nos collègues Maryvonne Blondin, Bernard Cazeau, Bernard Fournier, André Gattolin, Claude Kern, Jacques Le Nay, André Reichardt, André Vallini et moi-même.

Cette session, qui se tenait sous présidence française du Conseil de l'Europe, coïncidant avec le soixante-dixième anniversaire de cette organisation, a été exceptionnelle, mouvementée et inédite à plus d'un titre.

Après l'annexion illégale de la Crimée par la Russie, l'Assemblée parlementaire avait vivement protesté. Lors de sa session d'avril 2014, les pouvoirs de la délégation russe, déjà ratifiés lors de la session précédente de janvier, ont fait l'objet d'un réexamen pour « raisons substantielles ». En termes politiques, cela signifie que la délégation d'un État membre ayant violé les valeurs et obligations du Conseil de l'Europe est mise à l'index. L'Assemblée a ainsi adopté une résolution formulant plusieurs exigences pour résoudre la crise et suspendant jusqu'à la fin de la session de 2014 certains droits de la délégation russe, dont le droit de vote. En janvier 2015, lors de la première partie de session de l'Assemblée, où sont règlementairement examinés, chaque année, les pouvoirs des délégations, ceux de la délégation russe ont de nouveau fait l'objet d'une contestation.

L'Assemblée a alors adopté une nouvelle résolution renouvelant ses sanctions et les renforçant, les parlementaires russes ne pouvant plus être élus comme rapporteurs. Par ailleurs, cette résolution prévoyait une annulation des pouvoirs de la délégation russe pour la session suivante en l'absence de progrès dans la mise en oeuvre des accords de Minsk. Toutefois, l'APCE n'a pas mis cette menace à exécution.

Les parlementaires russes ont alors décidé de quitter l'Assemblée. Pour autant, la Fédération de Russie a continué d'être représentée au sein du Comité des ministres, organe « exécutif » du Conseil de l'Europe.

En juin 2017, la Russie a décidé de suspendre le paiement de sa contribution au Conseil, soit 33 millions d'euros par an. À une crise politique et institutionnelle marquée par une divergence d'approche entre le Comité des ministres et l'APCE, s'est alors ajoutée une crise budgétaire.

Pour y mettre fin, l'Assemblée parlementaire a adopté, lors de la deuxième partie de session d'avril 2019, une recommandation appelant à une coordination qui avait jusqu'alors fait défaut entre les deux organes statutaires du Conseil de l'Europe que sont l'Assemblée parlementaire et le Comité des ministres, en cas de manquement d'un État membre à ses obligations.

L'objectif était de permettre le retour de la délégation russe à l'APCE lors de la troisième partie de session de 2019, en juin, pour qu'elle puisse notamment participer à l'élection du nouveau Secrétaire général du Conseil de l'Europe et, au-delà, renouer le dialogue sur les questions relatives à l'État de droit, à la démocratie et aux droits de l'Homme.

Si le dialogue avec la Russie, malgré cette main tendue, devait échouer, une procédure de sanction, conjointement décidée par le Comité des ministres et l'Assemblée parlementaire et respectant ainsi les statuts du Conseil de l'Europe, pourrait être mise en oeuvre.

Des dérogations et modifications concernant certains articles du règlement de l'Assemblée étaient donc nécessaires. Cette révision du règlement a été adoptée au cours de la troisième partie de session de juin dernier. Elle visait, en fait, à permettre le retour de la délégation russe au sein de l'APCE.

Ce ne fut pas sans mal. Au cours d'une très longue séance, levée à 1 heure du matin, fait inédit à l'APCE, et particulièrement tendue, plus de 220 amendements au projet de résolution ont été déposés par les parlementaires ukrainiens, baltes, géorgiens, polonais, ainsi que par plusieurs élus britanniques. In fine, la résolution a été adoptée par 118 voix pour, 62 contre et 10 abstentions.

Le lendemain, les pouvoirs de la délégation russe ont de nouveau été contestés, mais en vain, par ceux-là même qui s'étaient opposés à la résolution.

La délégation russe siège donc de nouveau au sein de l'Assemblée. La délégation française était favorable à ce retour. Non pour exonérer la Russie des violations multiples et graves des valeurs portées par le Conseil de l'Europe, mais pour préserver le rôle de « forum paneuropéen de dialogue » de l'APCE, pour reprendre l'expression de Mme de Montchalin lors de son intervention, le lundi 24 juin, devant l'assemblée plénière, en tant que présidente du Comité des ministres.

La résolution souligne que l'Assemblée est le lieu où le dialogue politique sur les obligations de la Fédération de Russie, en vertu du Statut du Conseil de l'Europe, doit avoir lieu, avec la participation de toutes les parties intéressées et où la délégation russe pourrait être invitée à rendre des comptes, sur la base des valeurs et des principes de l'organisation.

En contrepartie, l'Assemblée a appelé les autorités russes à mettre en oeuvre une série de recommandations de l'Assemblée : libérer les marins ukrainiens détenus sans motif, agir pour traduire en justice les responsables de la destruction du vol MH17, prendre des mesures pour mettre fin aux violations des droits des personnes LGBTI, en particulier en République tchétchène et enfin acquitter sa dette accumulée à l'égard du Conseil de l'Europe, soit un total de 88 millions d'euros. Un premier versement de 33 millions a été effectué début juillet.

Pour autant, la ratification définitive des pouvoirs de la délégation russe reste en suspens du fait de la présence en son sein de quatre députés inscrits sur la « liste noire » de l'Union européenne.

Le deuxième temps fort de cette dernière partie de session a été l'élection d'un nouveau Secrétaire général du Conseil de l'Europe pour succéder au norvégien Thorbjorn Jagland, en fonction depuis dix ans.

Deux candidats restaient en compétition : Mme Marija Pejcinovic Buriæ, ministre croate des affaires étrangères, et M. Didier Reynders, ministre belge des affaires étrangères et de la défense présenté comme favori avec le soutien, entre autres, du gouvernement français. Finalement, Mme Marija Pejèinoviæ Buriæ a été élue par 159 pour et 105 pour son concurrent. Après notre compatriote Catherine Lalumière, elle est seulement la deuxième femme à occuper ce poste.

Je vais laisser à mes collègues membres de notre délégation et présents parmi nous aujourd'hui le soin de compléter, s'ils le souhaitent, cette rapide présentation. Je voudrais encore évoquer deux sujets emblématiques qui ont animé cette partie de session.

Un débat s'est tenu sur l'assassinat, en février 2015, en plein Moscou, de Boris Nemtsov, opposant politique notoire et militant des droits de l'Homme. L'Assemblée a adopté une résolution appelant la Russie à faire enfin toute la lumière sur cette affaire.

L'Assemblée a aussi tenu un débat sur le meurtre de la journaliste maltaise Daphné Caruana Galizia et sur l'État de droit à Malte. L'enquête sur l'assassinat de cette journaliste qui révélait des affaires de corruption impliquant des personnalités politiques est manifestement entravée. Cela met en lumière l'absence de contre-pouvoirs à Malte et l'importance de la corruption.

Si la situation en Pologne, en Hongrie ou en Roumanie est inquiétante au regard de l'État de droit, elle l'est aussi à Malte. Un amendement, adopté en commission des questions juridiques et des droits de l'Homme, tendait à placer Malte sous procédure de suivi, c'est-à-dire dans la même position que la Turquie.

Cet amendement a finalement été rejeté en séance publique, mais l'Assemblée entend bien se montrer vigilante sur l'évolution de la situation. Elle a demandé l'ouverture d'une enquête publique indépendante sur cet assassinat.

D'autres sujets sensibles ont été débattus lors de notre dernière session, notamment les violences croissantes contre les migrants, contre les enfants, contre les femmes, l'importance de la convention d'Istanbul à cet égard et enfin la situation en Syrie.

Comme après chaque partie de session, un rapport écrit sera prochainement publié présentant en détail les travaux de votre délégation à cette Assemblée.

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